La mobilité, synonyme de liberté, est par essence difficilement maîtrisable. Si les progrès technologiques et la densification de l'espace urbain sont présentés comme des solutions, la problématique est bien plus complexe qu'elle n'y paraît.
Or, cette mobilité subie est également synonyme de saturation, de pollutions, de nuisances mais aussi d'exclusion, de coûts, de stress… La France de demain, plus urbaine, devra donc imaginer une autre mobilité.
Voiture : la fin d'un monopole
Si aujourd'hui, la voiture reste le mode de transport prépondérant en France, elle perd néanmoins du terrain, notamment en ville. Les jeunes générations s'équipent moins et ne considèrent plus la voiture comme un marqueur social. "Le temps de la voiture vendue comme un espace à vivre est révolu", estime Pascal Nief, directeur général du pôle de compétitivité Lyon urban trucs & bus (LUTB). Les transports publics sont présentés comme une alternative. "Mais il ne faut pas opposer les transports individuels, synonymes de liberté, aux transports en commun : ces modes sont complémentaires", souligne Pascal Nief.
Ainsi, la mobilité de demain sera multimodale : transports doux (piétons, vélo), individuels (voiture électrique, deux roues), partagés (autopartage, covoiturage), collectifs (bus, métro, tramway, téléphérique…). De nombreux ingénieurs planchent déjà sur le véhicule du futur), non polluant, silencieux… "Depuis des années, nous sommes mûrs pour faire des véhicules propres. Mais il ne faut pas espérer que la solution vienne seulement de la technologie et des marchés. Il faut avoir une approche système et travailler l'innovation organisationnelle", insiste Pascal Nief.
Car la mobilité a un coût. Individuel d'abord : "Les solutions évoquées aujourd'hui, comme les panneaux solaires pour alimenter les véhicules électriques, ne sont pas à la portée des prolétaires !", estime Christian Garnier, pilote de la mission Question urbaines pour FNE. Mais aussi collectif : les infrastructures de transport, qu'elles soient routières ou alternatives (tramway, rail…) pèsent sur les finances publiques, qui sont de plus en plus contraintes. Elles excluent également les zones périurbaines ou moins denses, et certaines classes sociales.
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La mobilité ne se résume pas aux transports !
De plus, cette approche par l'offre de transport peut avoir des effets pervers : "Lorsqu'on évalue un projet de transport, on réalise un bilan socio-économique coûts-avantages. Les bénéfices sont calculés en termes de gains de temps, à court terme. A long terme, on constate que ce nouvel itinéraire plus rapide, ce gain de temps, est réinvesti par les entreprises et les individus qui, par exemple, vont s'installer plus loin, où le foncier est moins cher", explique Caroline Gallez, chercheur à l'Ifsttar. Et si le problème avait été posé à l'envers, ou du moins de manière partielle ?
Jusque-là, "la réflexion s'est faite à travers le prisme transport, très statique et peu individuel. On ne s'intéresse pas aux comportements, ni aux choix des individus", souligne Caroline Gallez. "Quand on accorde une telle importance aux transports, on devient dépendant des réseaux de transports. Or, pour des raisons économiques, sociales et environnementales, la dépendance à la mobilité pose des problèmes".
Dans les années 60, la ville a été adaptée au modèle automobile. Dans les années 90, face aux nuisances et pollutions, le modèle a évolué vers le transport collectif.Hier, les zones pavillonnaires, commerciales, de loisirs desservies par le réseau routier. Aujourd'hui, les quartiers développés le long des axes de transport collectif.
Et demain ? "En posant le problème à partir de la question de l'accès aux ressources de la ville (emploi, santé, loisirs…), on se rend compte que les transports ne constituent qu'une partie de la solution. L'accès effectif aux services et aménités dépend aussi de contraintes temporelles (horaires d'ouverture, temps de travail…) mais aussi des caractéristiques intrinsèques à l'individu (âge, statut social…)", indique Caroline Gallez. Une politique de logements, de services de proximité peut accroître l'accessibilité à la ville. De nombreux observateurs prônent donc une ville plus compacte et multipolaire.
La ville compacte et l'effet barbecue…
Une tendance déjà engagée : finis l'augmentation des distances des déplacements et la spécialisation fonctionnelle à l'intérieur d'espaces urbains, estime l'étude sur la mobilité des Français, présenté par le ministère de l'Ecologie. Résultat : une meilleure diffusion des emplois et des activités en zone urbaine, entraînant une limitation des déplacements contraints. "Présentée comme une alternative à l'étalement urbain, « la ville compacte » est définie par une forte densité démographique et une continuité urbaine. Elle reprend par opposition les caractéristiques d'une ville à l'échelle humaine où la marche à pied et les liaisons douces composent l'environnement. Combinant une mixité fonctionnelle avec une utilisation plus rationnelle de l'espace, ce type d'urbanisation a pour objectif de diminuer l'utilisation de la voiture et donc de diminuer la pollution qui en découle", analysent Kelly Le Petit et Clément Yvernogeau, dans un projet de fin d'études pour Polytech Tours.
Mais si la mobilité contrainte y est limitée, la mobilité choisie pourrait y être renforcée. "L'effet barbecue", ou ledéplacement des urbains, hypermobiles et aux revenus confortables,en dehors des villes le week-end,est un phénomène en hausse ces dernières années. Alors que les péri-urbains se déplacent davantage la semaine, les urbains deviennent mobiles le week-end, pour aller à la campagne, voire vers des destinations beaucoup plus exotiques. Une solution : installer la campagne à la ville, ou la ville à la campagne ?© Tous droits réservés Actu-Environnement
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