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Biodiversité : pourquoi les sites naturels de compensation vont être remplacés par des sites de restauration

À travers le projet de loi Industrie verte, le Gouvernement veut faire émerger une véritable offre d'écosystèmes restaurés afin de faciliter la compensation environnementale. Au risque d'affaiblir la qualité des mesures de compensation ?

Biodiversité  |    |  L. Radisson
Biodiversité : pourquoi les sites naturels de compensation vont être remplacés par des sites de restauration

Le lien peut paraître ténu à première vue. C'est parce que le Gouvernement souhaite refaire de la France « une nation industrielle » qu'il prévoit de réformer le dispositif des sites naturels de compensation. Un dispositif mis en place par la loi de reconquête de la biodiversité de 2016 destiné à améliorer la mise en œuvre de la dernière étape de la séquence « éviter-réduire-compenser » (ERC) par l'anticipation et la mutualisation des mesures de compensation.

Cette réforme est contenue dans le projet de loi relatif à « l'industrie verte », présenté en Conseil des ministres, le 16 mai, et adopté par le Sénat, le 22 juin. Pour réindustrialiser la France, l'exécutif souhaite faciliter l'implantation des sites industriels, ce qui passe par une réduction des délais d'implantation, considérés comme « le principal obstacle soulevé par les entreprises ». Pour cela, le Gouvernement souhaite proposer davantage de sites « clés en main », pour lesquels le maximum de procédures réglementaires auront été réalisées en amont. Parmi celles-ci, figure la mise en place des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, indique-t-il dans l'exposé des motifs, en omettant de mentionner les étapes d'évitement et de réduction.

« Procédure difficile à anticiper »

« Aujourd'hui, cette procédure est difficile à anticiper : la réglementation n'autorise que la mise en place de sites naturels de compensation (SNC), qui doivent être mutualisés entre plusieurs projets (…). Ce dispositif est dans les faits peu utilisé et perçu comme techniquement complexe par les porteurs de projet », relève le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle il souhaite « faire émerger une véritable offre d'écosystèmes restaurés, par la mise en place de sites naturels de restauration et de renaturation (SNRR), en remplacement des sites naturels de compensation (SNC) ». Jusque-là, un seul SNC a été agréé par l'État, celui de CDC-Biodiversité, à Cossure (Bouches-du-Rhône).

“ Le dispositif des sites naturels de compensation est dans les faits peu utilisé et perçu comme techniquement complexe par les porteurs de projet ” Le Gouvernement
L'idée du Gouvernement est de faire se rejoindre les politiques volontaires de restauration des milieux naturels menées par les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques, d'un côté, et les obligations de compensation écologique imposées aux porteurs de projets, de l'autre. « Cette réforme permettra aux porteurs de projet de réaliser des opérations de compensation par anticipation, y compris pour des projets isolés, par exemple pour des sites "clés-en-main". Elle crée en outre un cadre législatif adapté pour le développement des opérations de restauration de la biodiversité conduites pour des engagements volontaires d'entreprises et collectivités, et facilite la procédure d'agrément des sites », résume le Gouvernement.

En outre, « les SNRR pourraient contribuer à l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette à l'horizon 2050 par de la renaturation de sol », a expliqué le sénateur LR Fabien Genet, durant l'examen du projet de loi.

« Sites de compensation de plus grande ampleur »

Ce projet de réforme suscite des réactions contrastées. Marianne Louradour, présidente de CDC Biodiversité, qui gère le site de Cossure, a une vision positive de la réforme. « Cela va permettre de faire des sites de compensation de plus grande ampleur puisqu'on pourra les augmenter par de l'action volontaire, ce qui permettra d'aller chercher des corridors, des trames vertes... Avec l'amendement des sénateurs sur le label bas carbone, on pourrait avoir un développement de renaturation supplémentaire. Cela permettrait d'avoir de belles réserves gérées pendant trente ou cinquante ans », se félicite Mme Louradour.

Le Sénat a en effet adopté, le 20 juin, un amendement qui prévoit que les SNRR puissent donner lieu à l'attribution de crédits carbone au titre du label bas carbone. « La multifonctionnalité des SNRR et l'ouverture à d'autres objectifs que la seule compensation au titre de la séquence "éviter, réduire, compenser" contribueront à l'équilibre financier des modèles économiques développés dans le cadre de ces sites », a fait valoir Fabien Genet, en soutenant cet amendement.

« L'intérêt de cette loi, c'est aussi qu'elle met en avant les sites naturels de compensation, qui sont la meilleure façon de compenser avec les meilleures chances d'avoir zéro perte, voire un gain, écologique, par rapport à la compensation à la demande. C'est aussi la meilleure façon de faire pour faciliter les sites clés en main, avec une compensation installée et un bon niveau d'équivalence écologique. On a donc un gain global pour l'économie, mais aussi pour le carbone et pour la biodiversité », salue Marianne Louradour.

Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), dans son avis rendu le 24 mai sur le projet de loi, juge également intéressant de permettre de la « restauration volontaire » adjacente à la « compensation réglementaire ». « Cela permettrait à la fois de diminuer la prise de risque de l'opérateur de compensation et d'anticiper de possibles compensations "volontaires" biodiversité comme elles existent en grand nombre pour le carbone », a relevé l'instance consultative.

Un affaiblissement de la compensation ?

Mais si le dispositif n'a appelé aucune observation particulière de la part du Conseil d'État, il suscite un certain nombre de critiques concentrées sur les craintes d'un affaiblissement de la compensation. Ainsi, dans son avis du 4 mai sur le projet de loi, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a d'abord rappelé que « la compensation n'est à envisager qu'en dernier recours, dans le respect de la séquence éviter-réduire-compenser ». Et il s'est ensuite inquiété « d'une confusion possible entre la compensation et la restauration ». L'instance consultative a rappelé « son attachement à ce que les politiques publiques distinguent la compensation, qui vient compenser une destruction, et la restauration, qui vise à restaurer un écosystème dégradé ».

Le CNPN a également pointé la disparition de la notion de « site naturel de compensation ». Dans son avis, il s'interroge sur le fait de savoir si ces modifications « ne visent pas à affaiblir le droit en matière de compensation écologique existante pour les projets industriels qui seront concernés ». Et ce, d'autant que l'exécutif annonce une simplification des conditions d'agrément qui passera par les textes réglementaires d'application. « Il faut être vigilant sur les indicateurs qui seront produits pendant les trente ans de la compensation, sur les résultats obtenus, mais, si on ne lâche rien là-dessus, je ne vois pas pourquoi le fait d'obtenir son agrément plus rapidement dégraderait la qualité du site de compensation. Ce qui est important, c'est ce qui se passe après l'agrément, quand on va gérer le site », juge de son côté Marianne Louradour.

Trois modalités de recours aux unités de restauration

Trois modifications notables de la partie réglementaire du code de l'environnement sont prévues. Tout d'abord, l'agrément sera adapté aux trois modalités de recours aux unités de restauration ou de renaturation prévues par la réforme : vente des unités à des fins de compensation (dispositif actuel) ; recours à ces unités pour les seuls besoins de l'opérateur ; vente des unités dans le cadre d'engagements volontaires des acteurs socio-économiques.

« La rédaction actuelle du projet de loi prévoit d'étendre la possibilité de vente d'unités de compensation volontaire aux acteurs publics, ce qui peut potentiellement conduire à confondre les politiques de restauration (…) que les pouvoirs publics doivent mener dans le cadre des objectifs européens (bon état des masses d'eau, règlement à venir sur la restauration écologique, Natura 2000…) et de la restauration dite "volontaire" », a pointé le CNPN. « Pourquoi les en empêcher ? Il ne semble pas pertinent de brider les initiatives qui peuvent émerger », a jugé au contraire le sénateur Fabien Genet, durant la discussion du projet de loi.

En second lieu, la demande d'agrément devra préciser le gain écologique possible, et non plus l'état écologique final, « dont la détermination s'avère très difficile ». « Ce changement découle d'un constat : le régime juridique des sites naturels de compensation a, à ce jour, été très peu appliqué », explique Fabien Genet, du fait de la difficulté à préciser les gains écologiques théoriques qui seront obtenus à l'issue des opérations de restauration. « Quand ils seront utilisés pour compenser des atteintes à la biodiversité, les SNRR auront (…) une obligation d'atteindre le gain écologique visé lors de leur conception », a voulu rassurer le sénateur à l'attention de ses collègues qui craignaient un affaiblissement en la matière.

Enfin, il est prévu que l'octroi de l'agrément soit déconcentré du ministre de la Transition écologique au préfet de région, et que l'avis du CNPN soit transféré au conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN). Une perspective qui ne satisfait pas totalement, là non plus, le CNPN, qui souhaite conserver son avis sur les espèces sur lesquelles il est actuellement compétent pour se prononcer.

La rédaction de la loi, et de ses futurs décrets d'application, pourrait toutefois encore évoluer à l'occasion de son examen par l'Assemblée nationale, qui commence le 12 juillet en séance publique.

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