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Bilan des PPRT : les collectivités pointent trois échecs patents

Vingt ans après leur création à la suite de la catastrophe d'AZF, l'association Amaris dresse un bilan des plans de prévention des risques technologiques. Si elle reconnaît la réduction des risques à la source, elle pointe des échecs et insuffisances.

Risques  |    |  L. Radisson
Bilan des PPRT : les collectivités pointent trois échecs patents
Actu-Environnement le Mensuel N°440
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°440
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« Vingt ans après le vote de la loi instaurant les PPRT, nous constatons que cet outil n'a produit que très peu d'effets », cingle Alban Bruneau, président de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris). Faute pour l'État d'avoir évalué cet outil créé par la loi Bachelot de 2003 après la catastrophe de l'usine AZF à Toulouse, l'association de collectivités en a fait un bilan (1) à partir des chiffres que lui a communiqués le ministère de la Transition écologique. Chiffres qu'elle a éclairés par une enquête réalisée au printemps 2023 auprès des collectivités concernées, en association avec l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE).

Le bilan des 378 PPRT en vigueur, qui concernent plus de 800 communes, se révèle très décevant. Amaris salue toutefois la réduction des risques à la source par les industriels qui font partie des mesures prescrites ayant le meilleur taux de réalisation (94 %).

Mesures considérées comme « violentes »

Les résultats sont beaucoup plus mitigés pour les mesures foncières touchant les habitants, c'est-à-dire les expropriations et les délaissements qui concernent les habitations les plus exposées pour lesquelles le risque est potentiellement mortel (zone rouge) en cas d'accident majeur. Seules 226 mesures foncières sur les 362 logements concernés sur le plan national ont été réalisées. Ces mesures se sont heurtées à des difficultés de plusieurs ordres : impact social de mesures considérées comme « violentes » par les riverains contraints ou fortement incités à abandonner leur maison, coût des travaux pour les propriétaires qui ont renoncé au rachat de leur bien dans le cadre du droit au délaissement, déstructuration de quartiers laissés en friches.

“ La clé de la réussite, c'est la mobilisation de l'État. ” Alban Bruneau, Amaris
L'association dresse également un bilan mitigé du rôle des PPRT en matière de maîtrise de l'urbanisation future autour des sites à risques. « La démarche PPRT a indéniablement permis une meilleure analyse des risques, une connaissance plus fine de leurs effets et de leurs conséquences sur les territoires concernés », salue Amaris. Mais l'association estime que l'intégration des risques dans les projets d'aménagement aurait pu aller « beaucoup plus loin ». Elle dénonce dans le même temps un certain nombre de blocages réglementaires. « Nous n'avons pas d'autorisation de créer des pistes cyclables dans la Vallée de la chimie car tout usage nouveau est interdit », déplore ainsi Pierre Athanaze, vice-président de la métropole de Lyon délégué à la prévention des risques. Pourtant, des embouteillages pourraient se produire et bloquer l'évacuation en cas d'accident, relève l'élu.

Le raté des travaux dans les logements

Mais les critiques les plus vives du réseau de collectivités locales sont dirigées contre trois groupes de mesures qu'elles considèrent comme des échecs patents. C'est en premier lieu la réalisation des travaux dans les logements. Seulement 25 % des travaux de protection prescrits (vitrages résistants aux explosions, pièces de confinement, etc.) dans 15 689 logements privés ont été effectués.

Les causes de cet échec ? En premier lieu, la question du financement. Celui-ci est assuré à 90 % par les industriels, les collectivités et l'État, avec un plafond de travaux fixé à 20 000 euros. Mais le reste à charge de 10 % pour les propriétaires et la nécessité d'avancer l'aide de l'État, qui prend la forme d'un crédit d'impôt est souvent rédhibitoire. « En cas d'absence de prise en charge de ces 10 %, ça bloque le système », explique Alban Bruneau. « La population concernée par les travaux prescrits par le PPRT est une population fragile, difficile à atteindre et à convaincre. Par ailleurs, les délais de réalisation des travaux (quand ils sont faits) sont très longs », témoigne une collectivité concernée. Et ce, alors que la délivrance des aides est limitée à une période de huit ans. Le bilan sur les logements sociaux, nombreux dans les zones concernées, est encore plus mauvais. « Seulement 250 logements sur les 2 000 concernés dans la Vallée de la chimie ont réalisé des travaux », témoigne Pierre Athanaze.

De grandes disparités régionales sont en outre constatées avec, par exemple, un zéro pointé pour les Hauts-de-France. Des disparités qu'Amaris relie directement à une plus ou moins grande mobilisation des services de l'État. « La clé de la réussite, c'est la mobilisation de l'État. Lorsqu'elles sont accompagnées, les collectivités ont pu agir », martèle Alban Bruneau. Et de vanter le bilan de 70 % de travaux réalisés, grâce à une avance du crédit d'impôt, dans le périmètre du PPRT de la zone industrialo-portuaire du Havre, qui couvre la commune de Gonfreville-Lorcher dont il est le maire. La convention signée en juin 2020 entre le ministère de la Transition écologique et le réseau Procivis doit théoriquement permettre de prendre en charge l'avance du crédit d'impôt. « La solution proposée a permis d'assurer cette avance sans pour autant constituer une solution pour tous les propriétaires, notamment les ménages non solvables, les ménages au-dessus des plafonds d'aides de l'Anah, etc. », tempère toutefois Amaris.

Blocage lié à la mise en sécurité des équipements publics

Un deuxième échec porte sur l'objectif de mise en sécurité des équipements publics. Ceux qui doivent être délocalisés car situés en zone rouge du PPRT ne bénéficient pas de financement, contrairement aux logements expropriés ou bénéficiant du droit de délaissement. Pour ceux situés en zone bleue, la collectivité doit informer et mettre en sécurité les personnes dans le cadre de la réglementation des équipements recevant du public (ERP) et du code du travail. Quarante pour cent des collectivités qui ont répondu à l'enquête d'Amaris font état de prescriptions « inapplicables ou complexes dans leur exécution ». « La ville de Feyzin est figée dans son développement à cause de l'impossibilité de se doter d'équipements publics nécessaires à son développement », témoigne ainsi Pierre Athanaze.

Enfin, Amaris qualifie d' « angle mort des PPRT » la protection des salariés dans les entreprises riveraines. Seulement 39 % des 248 mesures foncières prescrites dans les zones rouges ont été réalisées. L'association déplore l'absence d'accompagnement à la relocalisation proposée par l'État, tandis que les mesures alternatives, possibles depuis 2015, butent sur « un cahier des charges complexe, nécessitant une étude préalable coûteuse et financée par l'entreprise sans assurance d'être validée ». Quant aux activités en zones bleues, là aussi, les collectivités pointent l'absence d'accompagnement par l'État. « Pour répondre de leurs obligations, les responsables d'entreprise n'ont bénéficié d'aucune aide, d'aucun financement, d'aucun outil méthodologique de la part de l'État. En dehors de mesures structurelles et bâtimentaires (sic), les PPRT n'apportent aucune indication opérationnelle », dénonce Amaris.

Malgré cette politique inachevée, les collectivités craignent que l'État s'en désengage. « Au-delà de 2023, les principaux dispositifs d'accompagnement et de financement des PPRT vont arriver à terme », alerte Alban Bruneau. Aussi, l'association formule-t-elle une série de propositions afin d'éviter de s'en arrêter là. Parmi celles-ci, la prolongation des dispositifs d'aide pendant deux ans, la création d'un Fonds national pour la prévention des risques industriels alimenté par une taxe sur les sites Seveso, le maintien de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour ces mêmes sites, ou encore la dynamisation des commissions de suivi de sites (CSS).

1. Télécharger le bilan des PPRT réalisé par Amaris
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42560-bilan-pprt-amaris.pdf

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