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AccueilAnthony MeignenPour une filière bois qui s’adapte à la forêt française (et non l’inverse) !

Pour une filière bois qui s’adapte à la forêt française (et non l’inverse) !

Directeur de Bio création bois, Anthony Meignen signe une tribune en faveur d’une gestion plus responsable, pérenne et respectueuse de la forêt, mais surtout mieux adaptée aux enjeux de protection et de production d’une ressource essentielle.

Publié le 25/01/2022

Il est urgent de prendre la voie de l’écoresponsabilité pour sauver la forêt. Publique ou privée, elle mérite un meilleur traitement et doit compter sur notre intelligence collective. Les Assises de la forêt et du bois lancées par le gouvernement sont l’opportunité de rassembler les représentants de la filière. Sans avoir peur de poser la question qui fâche : quand en aura-t-on fini des coupes rases et des replantations contre-nature ? Ce mode de gouvernance a épuisé nos forêts et conduit à des désastres écologiques et économiques telle l’épidémie de scolytes rongeant nos épicéas. D’où la question essentielle pour pérenniser nos activités : comment utiliser la ressource en bois tout en protégeant la forêt et sa biodiversité ?

Notre industrie est capable de se réinventer et contribuer à la transition écologique du pays, sans renier sa production. Elle doit avant tout sortir d’un modèle productiviste dépassé et chercher à s’adapter à la forêt en intégrant à son fonctionnement les enjeux environnementaux du XXIe siècle. Bio Création Bois[1] et son écosystème Ultérïa[2] sont convaincus de la nécessité de changer de paradigme pour diminuer l’impact de la filière sur la forêt. Des solutions existent, encore trop méconnues, dont voici une sélection pour enfin parvenir à une gestion raisonnée et soutenable de la forêt.

La plus judicieuse et la plus urgente concerne la promotion et le soutien au « multi-essence ». Soit d’en finir avec les monocultures et les coupes rases qui sont une aberration écologique. La futaie régulière, modèle économique daté, détruit l’écosystème forestier et doit être substitué par une pratique privilégiant la couverture continue. Les experts en gestion forestière attribuent d’ailleurs au traitement irrégulier des conséquences positives, au premier rang desquelles une gestion pérenne, peu coûteuse, à la rentabilité constante. Sans oublier la réduction des risques, comme le souligne Max Bruciamacchie, professeur d’aménagement forestier à AgroParisTech : « la diversité en essences d’un peuplement est un gage d’assurance face aux risques climatiques (dépérissements) et aux risques de variation des cours du bois ». D’un point de vue environnemental, nous devons penser la forêt en termes de protection : de son renouvellement et sa biodiversité dépendent en effet sa capacité à stocker le carbone et enrayer les effets du réchauffement climatique. En la protégeant, nous nous protégeons ! Développer la futaie irrégulière est un premier levier pour repenser le modèle, en prévoyant un soutien économique auprès des propriétaires privés qui détiennent les trois quarts de la surface forestière. Or la majorité des aides publiques n’est accordée qu’à des projets de futaies régulières engendrant des coupes rases : un non-sens avec les récentes déclarations de l’État sur l’environnement !

Cela aurait des effets bénéfiques durables pour les professionnels : une meilleure connaissance des ressources en bois disponibles pour une meilleure exploitation. Sans plus jamais être dépendants de la demande ni tomber dans la surexploitation d’une seule essence… sur les 130 existantes en France. Mauvais signe présent : on commence à industrialiser le feuillu (le chêne, en particulier) comme on a industrialisé le résineux auparavant. Chercher le rendement à partir d’une seule essence a ses limites et induit inévitablement d’énormes pertes de bois qui finissent en bois énergie. Ce gâchis astronomique impose un travail de pédagogie à mener qui aura pour effet de rendre les scieries polyvalentes. Très standardisées, celles-ci ne travaillent qu’avec un seul type de bois facile à découper qui intéresse le marché. Travailler en multi-essences permettra d’apporter une valeur ajoutée au savoir-faire des scieries françaises et ainsi les renforcer face à la concurrence mondiale.

Autre point essentiel : l’amélioration de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans la filière. Avec en premier lieu le respect dû à la main d’œuvre. La situation des bûcherons, en particulier ceux venant de l’étranger, n’est plus tenable. Le bûcheronnage peut s’apparenter facilement à de l'esclavage moderne avec un personnel mal payé et pas toujours déclaré. Un premier geste à envisager sérieusement consiste à une augmentation de la rémunération pour chaque mètre cube découpé.

Enfin, pour faire émerger le modèle d’une forêt éco-gérée et engendrer un cycle vertueux, il est nécessaire de renforcer la labellisation. Le sujet concerne principalement l’origine du bois et donc sa traçabilité. S’il est un matériau bio-sourcé, il doit également être géo-sourcé. Pour aller dans ce sens, certains transformateurs ou producteurs réfléchissent de plus en plus à devenir propriétaires de forêts pour maîtriser l’approvisionnement. Les labels existants – Programme for the Endorsment of Forest Certification Schemes (PEFC), Forest Stewardship Council (FSC) – ne sont plus pertinents et n’empêchent en rien les coupes rases. Il est donc essentiel de décloisonner le monde de la forêt et faire en sorte que l’amont et l’aval de la filière puissent s’organiser.

La gestion durable des forêts n’est plus une option. Préservation de la biodiversité, stockage du carbone, attachement des Français à la nature : les forêts sont au cœur d’enjeux écologiques et sociaux que personne ne peut ignorer, et qu’il est tout à fait possible de corréler à l’intérêt économique. Cela ne peut venir que d’une gestion écoresponsable.

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[1] Bio Création Bois : accès au site.

[2] Ecosystème Ultérïa : accès au site.

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