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AccueilCédric RenaudPolice de l’environnement : l’enjeu de la préservation du cadre de vie pour les collectivités territoriales

Police de l’environnement : l’enjeu de la préservation du cadre de vie pour les collectivités territoriales

Nuisances sonores, cohabitation des modes de transport, dépôts sauvages… Face au désengagement de l’État, les collectivités ont intérêt à se saisir de ces enjeux, même sans grande marge de manœuvre. Analyse avec Cédric Renaud, président de l’ANCTS.

Publié le 18/11/2021

Parmi les domaines touchant au plus près les collectivités territoriales, le cadre de vie semble être celui dont l’importance croît de manière exponentielle mois après mois. Qu’il s’agisse du milieu urbain ou rural, les mouvements de population induits par le développement des modes de transport tels que le TGV ou par le développement du télétravail entraînent des attentes fortes et nouvelles de la part des administrés. Par là même, le nombre de nuisances subies et constatées augmente et la régulation sur le terrain semble absolument nécessaire.

Des élus locaux de plus en plus sollicités

Cette notion de « cadre de vie » peut paraître abstraite. Elle ne l’est pas. Si le maire est depuis longtemps responsable du bon ordre et de la tranquillité publique, les prérogatives et les centres d’intérêt des élus locaux se sont considérablement étendus pour embrasser des domaines et des modalités d’intervention jusque-là inédits. C’est ainsi que la question des dépôts sauvages, celle des nuisances sonores, le stationnement ou la cohabitation des différents modes de transport sur l’espace public préoccupent largement communes et intercommunalités principalement. C’est ainsi que le cadre de vie comprend tout ce qui vous entoure au quotidien.

Toutes ces politiques publiques ne relevaient pas forcément des collectivités territoriales. Cela n’a pas empêché certains élus de s’en saisir en tentant d’établir des modalités locales de régulation, au travers d’arrêtés municipaux par exemple, réservant ou interdisant certains espaces à certains horaires à tel ou tel type de transport, ou à telle activité, comme les livreurs de repas. Ce besoin d’agir vite s’est parfois heurté au contrôle du juge administratif, qui a pu considérer que ces mesures allaient trop loin. C’est également cet écueil qui est apparu de manière fracassante sur la place publique lors de la crise de la Covid-19, lorsque certains édiles ont pris l’initiative de durcir la réglementation sur les sorties ou sur les activités possibles lors du confinement ou du couvre-feu. Cette manière d’agir et, en creux, la passivité de l’État, montrent l’absence de dialogue entre ces deux niveaux de responsabilité que sont l’échelon local et l’échelon national. Le premier souhaite agir et considère être légitime pour le faire, mais ne dispose que de moyens limités; le second dispose de moyens juridiques et matériels étendus mais peine à adapter sa manière d’agir selon les territoires. Ainsi, si les sujets cités ci-dessus semblent bien dérisoires d’un point de vue national, ils préoccupent régulièrement les habitants localement, ces derniers réclamant des actions rapides et efficaces. L’État est-il le mieux placé pour cela ? Pas certain.

Des prérogatives à saisir

Et s’agissant des moyens de réprimer les abus ? La police judiciaire est une prérogative de l’État. Le Conseil constitutionnel a pu le rappeler encore une fois, consécutivement à l’adoption de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés[1]. Néanmoins, le mouvement actuel tend à confier aux échelons locaux, plus proches du terrain et des préoccupations quotidiennes, certaines prérogatives dans des domaines très limités. C’est ainsi que, de longue date, les gardes champêtres territoriaux disposent de prérogatives d’enquête importantes dans les domaines de la protection de l’environnement et de la gestion cynégétique. Agents chargés de la police rurale, ils étaient officiers de police judiciaire avant 1958 et conservent de ce glorieux passé quelques facultés intéressantes, telles que le droit de séquestre ou le droit de poursuite. De même, leurs prérogatives d’enquête au sujet des dépôts sauvages pourraient constituer un centre d’intérêt pour tenter de juguler le phénomène. En effet, les agents de police municipale, autres agents territoriaux chargés de missions de police, ne peuvent pas mener d’enquête mais juste constater les infractions, et il est rare de croiser l’auteur d’un tel méfait en pleine action !

Autre anicroche au monopole de l’État, la possibilité pour des agents territoriaux, autres que des gardes champêtres et des policiers municipaux, d’être habilités par le maire à rechercher les infractions contraventionnelles du Code pénal relatives aux déchets, dans le cadre de l’article L. 172-4 du Code de l’environnement[2]. Là encore, un domaine limité, certes, mais dans lequel ces agents peuvent réquisitionner, saisir, exploiter des images de vidéo-protection, entendre des témoins ou des auteurs présumés, sans néanmoins pouvoir mener des perquisitions ou placer des personnes en garde à vue. Enfin, le quasi-abandon par l’État des contentieux de l’urbanisme ou des enseignes et pré-enseignes[3] semble marquer sa volonté de recentrer ces agents, et plus particulièrement les forces de l’ordre, sur des domaines où lui seul a les moyens d’agir. 

Concevoir une articulation État-collectivités plus souple

Reste à savoir si les élus locaux se saisiront de ces prérogatives. Il s’agit, certes, d’un énième désengagement de l’État, opéré sans une réelle concertation. Les collectivités territoriales sont mises devant le fait accompli, en constatant l’absence d’initiative des services étatiques en dehors d’alertes spécifiques sur des situations particulières. Ce désengagement s’effectue donc sans compensation. Mais la question plus large de l’échelon le plus pertinent pour gérer ces problématiques est également posée. Les moyens de les traiter sont, à l’heure actuelle, nombreux mais peu adaptés. Il serait possible d’imaginer un dispositif à la carte grâce auquel chaque collectivité pourrait décider de recruter des gardes champêtres en milieu rural, et des policiers municipaux complétés par des agents spécialement habilités, commissionnés et assermentés dans les métropoles et les communautés urbaines afin de constater et d’enquêter sur les infractions dégradant le cadre de vie. Chacun devra donc considérer les intérêts de son territoire et s’interroger sur l’efficience de l’action publique dans la préservation du cadre de vie. 

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[1] Décision du Conseil constitutionnel n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021817DC.htm

[2] NDLR. Article L. 172-4 du Code de l’environnement : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038846195/

[3] Voir notamment l’article 17 de la loi 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui transfère ce pouvoir de police des préfets aux maires, voire aux présidents d’intercommunalités à fiscalité propre : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000043956994

Article proposé par : Cédric Renaud Cédric Renaud

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