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Le changement de cap de la politique Française constitue le véritable enjeu du Grenelle

Au-delà des très nombreuses propositions, de grands enjeux se dessinent en réalité qui permettront de juger si le Grenelle de l'Environnement constitue effectivement un véritable changement d'orientation de la politique française ou s'il n'aura été qu'un remarquable instrument de communication.

Publié le 10/10/2007
C'est l'organisation du débat avec la société elle-même et les structures qui pourront être mises en place après le GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT qui démontreront s'il y a vraiment ou non un changement dans la gestion des questions de développement durable en France. Le premier enjeu concerne donc l'organisation même du débat. Un premier signe sera donné par l'organisation des débats en Régions. Très opportunément, le ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables a décidé de confier à Bettina Laville, ancienne conseillère de François Mitterrand et de Lionel Jospin pour l'environnement, le soin de veiller à la transparence et à la qualité du débat. On peut penser que cette précaution n'est pas inutile. En effet, le débat en Régions étant organisé par les Préfets, il reviendra à ces derniers de convier la totalité du monde associatif aux réunions régionales. Et pas seulement, comme c'est trop souvent le cas, les associations peu revendicatives et peu critiques de l'action de l'Etat ou des collectivités locales. Il leur reviendra également de mettre en ligne la totalité des données de manière à ce que tous les participants qui le souhaiteront puissent préparer les assises et donner de manière opérationnelle leur point de vue, en posant toutes les questions opportunes et sur tous les sujets tels que les OGM qui semblent avoir disparu dans certaines villes. Si l'attitude habituelle de certains édiles ou de l'Etat consistant à priver de débat démocratique tous ceux qui pourraient être des opposants devait être une réalité, il faudrait alors en déduire que les ateliers du GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT n'auraient été qu'une maison témoin les réalisations pratiques seraient sans aucun rapport. La question de la gouvernance est incontestablement une des questions qui fâchent en France. Outre une attitude particulièrement frileuse, voire réactionnaire, l'accès aux documents publics, le droit à l'information et à la participation, pourtant reconnus par la convention d'Aarhus et même par la Charte de l'Environnement, peinent à trouver leur expression en France. Dans le cadre des études très récentes menées sur l'attitude des différents Etats européens sur ce sujet, la France apparaît extrêmement mal placée, derrière un certain nombre de pays d'Europe de l'Est ! De même, notre réglementation totalement obsolète sur les enquêtes publiques démontre à l'évidence que l'Etat considère encore les acteurs de la société civile comme des sujets auxquels il convient de donner les éléments d'information –et encore à la condition qu'ils ne soient pas photocopiés- mais dont il ne faut évidemment pas tenir compte des réactions puisque seul l'avis du commissaire enquêteur compte. Avis qui peut naturellement, et c'est bien souvent le cas, tourner le dos à 95 % des opinions exprimées. En conséquence, la gouvernance environnementale tant au niveau local qu'au niveau national, voire au niveau de la préparation des décisions communautaires, devra se transformer, faute de quoi, le GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT aurait manqué son but. Cela devrait notamment se traduire au niveau national par la mise en place de débats systématiques entre les parties prenantes. Le second enjeu tient au fond et au lien entre économie et écologie. Dans les très nombreuses propositions qui ont été formulées, les aspects micro-économiques (par le développement des entreprises à la fois vertes et créatrices d'emplois) et macro-économiques (par quelques petites touches de fiscalité environnementale ou encore le recours à un PIB « vert ») n'ont pas été oubliés. Mais, la question posée est celle de savoir si c'est l'ensemble de la politique économique elle-même qui sera ou non reconsidérée, car, c'est bien l'enjeu majeur. Il s'agit de passer progressivement d'un marché efficient, dans lequel nous ne sommes pas encore à ce qui pourrait ressembler dans une dizaine d'années à une économie environnementale. La théorie du marché efficient appelle a minima, une internalisation des coûts externes, un changement d'indicateurs et une révision de toutes les politiques publiques au regard de leur impact positif ou négatif sur le développement durable et en particulier l'impact climatique et sanitaire. Si tel était le cas, de très grandes politiques publiques, dont le Gouvernement ne semble pas envisager la remise en cause, comme la politique nucléaire ou la construction des autoroutes, devraient être évaluées comme les autres à partir de nouveaux critères. Leur poursuite éventuelle reposerait alors sur des justifications objectives et non sur des présupposés, jamais évalués. Plus généralement, les crédits publics comme les incitations en direction des investissements privés devraient être évalués en amont puis en aval, conduisant à des abandons et a contrario de nouveaux choix susceptibles d'être opérés à budget constant. Les effets de levier devraient être privilégiés pour développer massivement le secteur des nouvelles technologies environnementales mais aussi favoriser d'autres politiques comme par exemple une nouvelle politique d'aménagement du territoire axée sur la valorisation des terres naturelles, agricoles et forestières, l'abandon du mitage de l'espace, la reconstruction de la ville sur la ville etc… Tout ceci devrait conduire à une véritable économie environnementale permettant à terme d'intégrer les critères de bien être humain dans les critères de choix économiques, et faisant de l'économie circulaire et de l'économie de service, -laquelle n'exclut évidemment pas le développement industriel- les facteurs clés d'un développement économique réussi. Dans les priorités à établir, pour y parvenir, il exigera de procéder à des abandons déchirants de paradigmes purement français liés en particulier au jacobinisme et à la centralisation, de changer les outils d'évaluation économique et de travailler avec le secteur financier et assurantiel vers une restructuration écologique de l'industrie française. Or, il est encore beaucoup trop tôt pour savoir si le GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT sera une première étape dans cette direction ou s'il restera un catalogue de mesures plus ou moins intéressantes mais manquant de cohérence entre elles sachant que certains secteurs seront considérés comme intouchables alors même qu'ils constituent des nœuds dans les blocages de l'économie et du développement de notre pays. Ceci conduit directement à aborder le troisième enjeu qui est celui de l'approche ou non systémique du sujet. Il revient sans doute au Gouvernement, au Président de la République qui a fait annoncer son intention d'être le décideur final, d'assurer la cohérence entre les mesures qui seront prises. Mais, le doute est permis quant à la capacité de le faire c'est-à-dire à la capacité de mettre en place une véritable approche systémique du développement durable. En effet, plusieurs obstacles se mettent sur la route de cette approche systémique. Tout d'abord, ce GRENELLE est un GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT alors qu'en réalité, ce sont toutes les politiques publiques qui sont impactées y compris par exemple l'agriculture ou la santé dans sa dimension de prévention et de santé publique qui n'ont été qu'effleurées. On peut en effet comprendre le souhait des ministères et des ministres extérieurs au MEDAD de ne pas laisser ce dernier mettre la main sur leur propre politique. Pourtant considérant que la démarche vise la globalité de la politique économique et pas seulement l'environnement, ce périmètre apparaît trop étroit même s'il est effectivement déjà très large. En second lieu, le travail s'est effectué par groupes thématiques, ce qui est une excellente méthode de travail à la condition que des travaux de nature transversale soient mis en place. Pourtant la brièveté des délais, et peut-être aussi la volonté politique, ont fait que cette transversalité n'a pas été assurée au niveau des groupes de travail. En conséquence, l'approche systémique qui aurait pu résulter de la mise en commun du diagnostique et de la mise en cohérence des mesures n'a pas été faite. Dès lors, le risque est grand de voir le GRENELLE se traduire par un catalogue de mesures dont certaines pourront être, au demeurant, tout à fait importantes mais qui n'aura pas la dimension de changement de mode de développement économique auquel nous devons pourtant nous préparer. Or, et c'est en vérité là le grand enjeu du GRENELLE , c'est-à-dire son impact non seulement sur tous les acteurs qui y auront participé, mais surtout sur le changement de cap de la politique française. Car ne nous y trompons pas : si le GRENELLE aboutissait déjà concrètement à permettre à la France de rattraper son retard abyssal sur les exigences communautaires et les réalisations de ses voisins, le progrès serait immense. A fortiori, si nous mettions en place les outils pour devenir leader dans les secteurs de la démocratie environnementale, des nouvelles technologies environnementales ou encore l'évaluation de nos politiques publiques, alors ce serait une révolution. Nous sommes au milieu du gué. Espérons que les efforts engagés par tous ceux qui, par conviction ou intérêt, veulent saper les mesures du GRENELLE, n'aboutiront pas. La mobilisation ne fait que commencer ! Corinne LEPAGE Avocate, ancien Ministre de l'Environnement, Présidente de Cap21. Les Chroniques de Corinne Lepage et Yves Cochet seront publiées tous les mois et en alternance, sur Actu-Environnement.

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7 Commentaires

CEI-HALFAOUI

Le 11/10/2007 à 7h04

Spectateur attentif de ce débat à la dimension nationale, je m'invite au débat pour donner un avis sur la perception de ce forum.
La préparations en France du Grenelle de l’Environnement a posé le problème de la communication des risques d’une façon inédite. En effet la question était : Qui devait être informé ?, Qui pouvait contribuer à ces assises ? et Qu’elle est la portée des propositions ?
A la première question, il y eut un appel à communication élargi aux ONG locales et internationales
A la deuxième question, tout le monde pouvait faire des propositions et donner son avis par Internet
A la troisième question, une commission installée par le gouvernement devait retenir des propositions en rapport avec les objectifs de développement durable du gouvernement

Cette façon de voir « à la française » a retenu mon attention sur la problématique de la communication des risques.
Chaque gouvernement fixe la plage permise pour communiquer, établit les règles du jeu de la « parole » et en fixe l’acceptabilité. Le jeu de la démocratie est ainsi fait, selon l’approche française » et ce jeu ne peut pas être autorisé sans gardes fous, sans règles pour contenir les excès et les propositions irréalistes et utopiques
Ceci dénote que le gouvernement français ait fait une évaluation de la perception des risques en France avant de lancer ce grenelle de l’environnement et par anticipation a défini un référentiel afin de libérer la parole et recueillir des avis et propositions. Ce jeu de « droit à communiquer, à donner son avis » est intimement lié à un « devoir de responsabilité » et si un avis est excessif il est naturellement exclu et déclaré non représentatif. Et ainsi ce droit à la parole induit un devoir « d’auto censure et de réserve » de la part de celui ou de celle qui va utiliser ce droit à communiquer, à donner son avis.

L’arrivée des Organisations Non Gouvernementales dans le débat public en France qu’elles soient locales ou internationale est inédite. Considérées comme « des corps étrangers » et ayant portées l’étiquette de troubles fêtes par le passé récent, ces ONG se voient inviter, solliciter, à donner leur avis. C’est carrément une reconnaissance d’une crédibilité de leurs actions et c’est nouveau en France et en Europe. Les gouvernants européens « prêtent l’oreille » à ces ONG. Ces dernières vont apporter des propositions, des critiques, souligner des doutes et des incertitudes, dénoncer des aberrations et des empiétements sur des référentiels universels.
Nous avons l’impression que cette invitation des ONG par les gouvernants français était calculée pour donner plus de crédibilité à ce grenelle, à cette parole « libérée » sur le thème de l’environnement et du développement durable.

Est- ce un changement de cap de la politique Française ?
Le Grenelle de l'Environnement a-t-il de véritables enjeux? Ou a été -t- il initié pour dégager de véritables enjeux?
Est- ce une nouvelle façon de faire de la politique et de développer les canaux de communication des publics ou ancrée une "démocratie environnementale" responsable et la plus large possible ?

Je reste trés attentif à toute cette démarche et me sens concerné et interpellé comme citoyen du monde. Tous les acquis dans le domaine de l'environnement arrachés aux gouvernants en France deviennent ou deviendront des acquis pour mes compatriote en Algérie
Lotfi HALFAOUI Expert en Risques Industriels et Environnement

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L'écologue

Le 11/10/2007 à 10h20

Tout a fait d'accord avec les commentaires de Corinne LEPAGE.

Sur le plan de la Gouvernance, on peut s'interroger sur les limites de l'exercice des rencontres régionales, dans la mesure ou elles n'associent pas beaucoup les élus territoriaux notamment réprésentants des Régions et des Départements (mais aussi des Agglomérations, Pays, ...voire les Maires). En matière d' effets sur l'environnement et d'orientations des politiques publiques, de même que vis-a-vis de leurs effets de leviers économiques, nul n'ignore aujourd'hui leur influence. Cela repose en outre la question de la décentralisation de l'environnement.

Sur le plan macro économique, on regrettera l'absence de débat sur l'enjeu de la "rupture environnementale", sur la croissance, notamment par rapport au bilan global (à court et long terme) des secteurs et activités favorisés, au détriment des activités pénalisées par une telle rupture. Un travail prospectif sur les enjeux économiques (opportunités et risques d'une ère post industrielle, résidentielle et écologique) reste à mener, et à mettre en débat.

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Samuel

Le 12/10/2007 à 14h30

Dans les priorités à établir, pour y parvenir, il exigera de procéder à des abandons déchirants de paradigmes purement français liés en particulier au jacobinisme et à la centralisation, de changer les outils d'évaluation économique et de travailler avec le secteur financier et assurantiel vers une restructuration écologique de l'industrie française.


. . . c'est pas faux

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Coucou74

Le 12/10/2007 à 19h07

Nous avons déjà pris énormément de retard quant à la réduction des émissions de GES, à la protection de la biodiverssité à l'echelle de la planète.
La France est un pays où les lobys pèsent très lourds dans les décisions des décideurs politiques et privés; les passes-droits sont de plus en plus fréquents..... petit à petit l'argent nous gouverne.
Il est plus que tant d'agir pour protéger les écosystèmes des activités humaines afin d'assurer à nos descendants une "réserves génétique" propice aux cultures saines et pouvant assurer le rôle de "filtre épurateur" de nos activités, qu'ils assurent depuis longtemps.

Il nous faut une VRAIE DEMOCRATIE.
La liberté des uns s'arrête là où celle des autres ( nos enfants) commence.

Message aux dirigeants politiques ou privés qui passeront par là:

Si nous ramenions la durée d'éxictence de la terre à 24 heures, les bactéries seraient arrivées à 6h00, les végétaux à 22 h00, les animaux à 23h30 et les hommes 40 secondes avant minuit !!!
Pensez un peu à ce que vous laisserez pour tous ceux qui viendrons sur cette planette après nous. Bétons, routes, sols stériles, déchets radiauxactifs, ect, ect....
Utilisez votre pouvoir avec beaucoup plus de perspectives, et plus de génerosité, pour plus de collectif et moins d'individualisme.

Merci.

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MCM

Le 15/10/2007 à 10h48

Comme toujours les propos de Corinne Lepage sont intelligents. Je voudrais y faire écho en disant qu'effectivement, il n'est pas aisé de participer au Grennelle régionale. Nous sommes une association (Et si,...les Lorrains !) qui vient d'organiser les premières assises lorraines du développement durable (le 27 septembre dernier) avec à la clé plusieurs orientations et actions concrètes. Or, à ce jour, malgré plusieurs relances, nous n'avons toujours pas obtenu le "droit" de participer au Grennelle qui a lieu dans notre région vendredi 19 octobre !

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Roulet

Le 15/10/2007 à 14h34

pendant le grenelle,idée intéressante,le gouvernement continue les mauvais coups:
-en savoie où j'habite,les projets anti-écolos vont voir le jour
encore plus de canons à neige,de nouvelles stations deski;les élus UMP veulent modifier la loi littoral our pouvoir encore plus bétonner les lac s alpins;
les élus UMP ,au lieu de réactiver la voie ferrée Albertville-annecy,veulent créer une autoroute le long du lac d'annecy;et les projets de ce type sont légion;
les rares élus verts essaient avec les assos de s'y opposer!
on craint le doublement du tunnel routier du Fréjus......le lyon-turin prenant bizarrement un grand retard
ELISABETH DES VERTS SAVOIE

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Christian

Le 25/10/2007 à 13h56

Actuellement, les procédures administratives en vue de créer un site de production d'énergie électrique sont beaucoup trop lourdes, longues et lentes. Ne serait-il pas possible d'alléger le dispositif en donnant la tutelle du dossiers à un seul organisme (région ou état)qui centraliserait les informations nécessaires et les diffuseraient par le biais de l'informatique sur les services concernés. Ce qui à mon sens serait plus logique et respectueux de l'environnement car moins de dossiers papier en multiples exemplaires; de plus une seule personne traiterait le dossier d'un postulant ce qui devrait générer des économies de temps et de personnel.

Christian (54) technico-commercial dans le photovoltaïque

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