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AccueilDominique BidouTribune : la fin de la société d’abondance ?

Tribune : la fin de la société d’abondance ?

C’est un constat teinté d’amertume que pose Dominique Bidou sur la récente prise de conscience politique bien tardive de la fin de la société de consommation. Se dessine un choix crucial pour notre avenir, fuite en avant ou nécessaire refondation ?

Publié le 01/09/2022

Notre président a découvert subitement ce que de nombreux experts annonçaient depuis longtemps, la fin de la société d'abondance. Concept popularisé notamment par l'économiste John K. Galbraith en 1958, il avait été pressenti dès 1931 par Paul Valéry, « la fin du monde fini commence », puis repris en 1968 par Bertrand de Jouvenel : « nous ne vivons plus dans la même planète que nos aïeux, la leur était immense, la nôtre est petite ». 

Se confronter à ses limites...

La finitude du monde est le point de départ de toute réflexion écologique. Nous ne pouvons plus puiser sans restriction dans les ressources de la planète. Nous ne pouvons plus rejeter tous nos déchets. Notre santé, notre habitat, notre capacité à produire sont directement concernés par cette limite.
La prise de conscience de cette finitude est dure à traduire dans les actes. Nos esprits ont été formatés depuis la nuit des temps par l’idée que la Terre était infinie, tant l'action des humains était dérisoire par rapport à l'immensité de la planète. Notre développement s'est fait grâce à l’ingéniosité humaine, en prélevant de nouvelles ressources au fil des siècles, toujours plus de ressources, notamment fossiles. La révolution industrielle et ses soubresauts comme les Trente Glorieuses ont forgé nos mentalités, nos modes de pensée, il nous faut aujourd'hui en changer, en inventer un nouveau. Einstein nous a bien dit que les solutions à nos problèmes ne peuvent se trouver avec le mode de pensée qui les a créés.

Bien sûr, devant les difficultés, certains tentent de prolonger la phase d'expansion en ouvrant le champ de l'action humaine. L’espace est infini et nous voilà à rêver de colonies humaines sur d'autres planètes, et même de planètes bis pour remplacer la Terre quand elle sera épuisée. Une fuite en avant bien arrogante et surtout bien incertaine. La voie la plus raisonnable consiste au contraire à accepter de changer de mentalité, et le plus tôt sera le mieux. Pour la planète en premier lieu, mais aussi pour ceux qui sauront ainsi prendre une longueur d'avance. La France, à savoir 1 % de la population mondiale, ne conservera sa place de premier plan dans le monde que si elle figure parmi ces pays qui initieront le mode de pensée de demain, comme les Lumières l’avaient fait au XVIIIe siècle.
Une déclinaison de cette transformation consiste notamment à tirer au maximum partie de la moindre unité de ces ressources ; une croissance par la mise en valeur maximale de ce que nous possédons déjà, plutôt que par la recherche indéfinie de nouvelles ressources. Mieux utiliser l'eau douce disponible plutôt que rechercher de nouvelles sources, pour prendre comme exemple l'actualité de cet été. Autre exemple, les pêcheurs d’Islande : ils utilisent aujourd'hui toutes les parties des poissons pêchés alors qu'ils en rejetaient la moitié il y a quelques années. Ils valorisent la peau, les arêtes et tout ce que nous considérions comme des déchets, dans des domaines tels que la cosmétique ou les produits pharmaceutiques. Au total ils ont amélioré leurs conditions de vie tout en prélevant moitié moins de poissons, dont le stock peut ainsi se régénérer. Nous retrouvons ainsi la ligne de conduite proposée par des experts au club de Rome [1] : « Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources ».

Vers un changement de paradigme...

La fin de l'abondance et de l'insouciance, ce n'est pas un serrage de ceinture. C’est un changement de mode de pensée. Un effort redoutable pour tous, citoyens, consommateurs, dirigeants politiques et économiques, nécessaire pour continuer une forme de croissance du bien-être des humains, tout en maîtrisant les prélèvements de ressources avec des modes d'exploitation de la planète qui la rendent plus prospère et améliorent la bonne santé du vivant sous toutes ses formes.
L’évocation de la fin de l'abondance a fait l'objet d'une exploitation politicienne immédiate. Elle aurait pu, et même dû, offrir l'occasion une large sensibilisation. Ce n'est pas un simple discours politique, c'est aujourd'hui la base de toute politique visant à améliorer la condition humaine dans une planète florissante. Un superbe thème pour lancer la réflexion sur la « refondation ». Nous aurions préféré voir ce débat ouvert à la place des sarcasmes que le simple mot « abondance » a provoqués.

_______________________________

[1] Ernst Ulrich von Weizsäcker, L. Hunter Lovins, Amory Bloch Lovins dans « Facteur 4. Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources », Rapport au Club de Rome, 1997, Editions Terre Vivante

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1 Commentaire

Grrrr

Le 02/09/2022 à 17h30

Bonjour
Merci de ce texte.
Etonnant qu'il ne cite pas après Paul Valéry et Bertrand de Jouvenel, Donella Meadows et Dennis Meadows et le rapport "les limites de la croissance", même si le club de Rome (mais pas celui de 1972) est évoqué ensuite. Ce n'est sans doute pas un hasard.

Etonnant encore que soit faite la promotion d'un "classement de Shanghai des nations" : " La France, à savoir 1 % de la population mondiale, ne conservera sa place de premier plan dans le monde que si elle figure parmi ces pays qui initieront le mode de pensée de demain"
C'est un peu en opposition avec ce qui est revendiqué ensuite : "le changement de mode de pensée".

La phrase qui suit ne peut qu'interpeller : "continuer une croissance du bien-être des humains". Le mot "croissance" est présent, mais il ne s'agit pas de croissance du PIB, plutot du bien-être bien sur.
Sans que l'on sache précisément de quoi il s'agit, ni évoquer qu'en ce qui concerne ce bien-être à géométrie variable, celui de demain sera bien différent de celui d'hier.

Bref, un jonglage de mots habile, mais bien ancré dans le passé.

Dennis Meadows évoque dans un entretien récent (https://www.socialter.fr/article/dennis-meadows-rapport-explosion-crises?fbclid=IwAR1XgfyutBOKr0jdWUff5s1bx_bc50VgMBmSjWvZY7--9b6_xipHYghXMcA)
son choix du "vouloir moins".
C'est beaucoup plus clair.
Même si au final ça ne sera pas un choix; l'augmentation du prix de l'énergie au Royaume-Uni nous le fait déjà percevoir.

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