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Tri des sept flux sur le chantier de BTP : quelles preuves et sanctions anticiper ?

Le décret précisant les modalités du tri à la source des sept flux sur le chantier a été publié le 18 juillet dernier. D'ores et déjà en vigueur, il convient de s'interroger au plus vite sur son application opérationnelle.

Publié le 10/08/2021

Très attendu depuis plus d’un an, le décret fixant les modalités d’application de l’obligation de tri à la source et de collecte séparée de sept flux sur les chantiers a enfin été adopté[1].

S’il précise ce dispositif, il l’obscurcit malheureusement par la même occasion, en fixant des critères abstraits dépourvus d’écho opérationnel, et en créant des exceptions difficiles à appréhender en pratique.

Il introduit ainsi d’abord deux causes d’exonération qui vont s’avérer compliquées à contrôler (I), puis une dérogation possible au tri à la source, sous réserve du respect de deux conditions qui seront difficiles à démontrer (II). A terme, la question est donc de savoir si cette obligation pourra réellement être sanctionnée, et comment (III).

 

I – Deux causes d’exonération difficiles à contrôler

Le décret exonère les maîtres d’ouvrage et les entreprises de travaux de l’obligation de tri à la source des déchets de papier, de métal, de plastique, de verre, de bois, de fraction minérale et de plâtre dans deux cas[2] :

S’il n'est pas possible d'affecter, sur l'emprise du chantier, une surface au moins égale à 40 m² pour le stockage des déchets ; Si le volume total de déchets généré sur l'ensemble de la durée du chantier, tous déchets confondus, est inférieur à 10 m3.

On ne saurait contester la nécessité de prévoir des dérogations lorsque techniquement ou économiquement une telle obligation serait impossible à respecter ou disproportionnée.

Toutefois du point de vue opérationnel, il y a largement matière à discuter sur les deux critères retenus par le décret.

En effet, s’agissant du critère tenant à une surface minimale dédiée à l’entreposage, force est de constater que dans de nombreux cas, il relève exclusivement du bon vouloir du maître d’ouvrage de faire de la place et d’organiser le chantier en fonction de ses ambitions environnementales !

Le manque de place n’est pas une fatalité, et 40 m² ne sont pas systématiquement nécessaires. Certains acteurs de la collecte proposent d’ores et déjà des solutions de tri des sept flux sur 10 m² (grâce à une évacuation très régulière des flux).

En outre, le texte n’est pas tout à fait explicite et on peut s’interroger si l’exception ne vaut que pour les chantiers où il n’y a pas de surface de 40 m² d’un seul tenant disponible, ou si un chantier qui disposerait de deux espaces de 25 m² pourrait également s’en prévaloir.

Ensuite, s’agissant du critère du volume de déchets générés, on voit mal comment cette donnée peut être connue en amont de l’opération avec précision sans un diagnostic Produits-Matériaux-Déchets (PMD). Sachant qu’au vu du seuil, il est fort peu probable que les opérations flirtant avec la limite 10 m3 aient bénéficié d’un tel diagnostic[3]. Il faudra donc se référer à l’estimation produite par l’entreprise dans son Devis[4], à charge pour cette dernière de ne pas sous-estimer systématiquement les volumes pour s’exonérer de l’obligation de tri.

Par conséquent, dans les deux cas, il appartiendra au maître d’ouvrage de déterminer et d’aménager des preuves, mais surtout dans le doute, d’exiger du prestataire qu’il réalise le tri à la source et organise la collecte séparée (sachant que les contrôles seront en toute logique réalisés en cours de chantier voire a posteriori).

 

II – La dérogation « collecte conjointe » soumise à deux conditions difficiles à démontrer    

Hormis les deux types de chantiers susvisés, le décret rend obligatoire le tri à la source et la collecte séparée. Mais il prévoit à nouveau une dérogation très large.

Tout ou partie des sept flux pourront ainsi être conservés ensemble en mélange, et collectés conjointement à deux conditions[5] :

Cela ne doit affecter leur capacité à faire l'objet d'une préparation en vue de leur réutilisation, d'un recyclage ou d'autres opérations de valorisation conformément à la hiérarchie des modes de traitement ; La valorisation des déchets ainsi collectés conjointement doit présenter une efficacité comparable à celle obtenue au moyen d'une collecte séparée de chacun des flux de déchets.

S’agissant de la première condition, on voit mal là encore comment elle peut être contrôlée sans diagnostic PMD en amont. Dans cette hypothèse, il est en effet possible de constater que certains flux diagnostiqués comme réutilisables ou recyclables, n’ont fait l’objet que d’une valorisation matière ou ont été éliminés, puisqu’ils ont été mélangés et collectés conjointement.

Par ailleurs, s’agissant de la valorisation à « efficacité comparable », la notion interroge sérieusement en pratique. Si on revient un instant sur la définition, une valorisation « efficace » serait celle qui produirait le maximum de résultats avec le minimum d'efforts. La collecte en mélange (doublée logiquement d’un passage par une installation de tri et regroupement) serait donc permise dès lors qu’elle produirait les mêmes résultats en termes de réutilisation ou de recyclage, et aux mêmes coûts, qu’un tri à la source et une collecte séparée.

Mais comment et quand pourrait-on le démontrer ? Car pour prouver une « efficacité comparable », encore faut-il pouvoir comparer !

Il semble donc dans un premier temps indispensable que des critères d’efficacité soient diffusés et précisés pour certaines collectes multi-flux et les valorisations associées.

Ajoutons enfin que dans l’hypothèse d’une collecte conjointe des sept flux, ou encore d’une collecte conjointe de carton et de plastique par exemple, on voit mal comment une telle « efficacité comparable » pourrait être démontrée… 

Là encore, par précaution, on ne saurait que conseiller d’exiger un tri à la source et une collecte séparée puisque les preuves du respect des deux conditions seront difficiles à rapporter.

 

III – Quelles sanctions possibles ?

Le décret a introduit une procédure de contrôle sui generis[6] : sur demande de l’autorité administrative compétente (généralement le maire en matière de déchets) ou du préfet, le maître d’ouvrage ou l’entreprise de travaux (respectivement producteur et détenteur des déchets) devra réaliser un audit par tiers indépendant, afin d'attester du respect des obligations en matière de tri à la source et de collecte séparée. Cet audit devra être réalisé dans un délai de deux mois, et le rapport transmis dans un délai de quinze jours à l'autorité compétente ou au préfet[7].

A noter que cet audit n’exclut pas le contrôle classique prévu par le code de l’environnement : les officiers et agents de police judiciaire et les inspecteurs de l'environnement peuvent à tout moment rechercher et constater une éventuelle infraction en matière de gestion des déchets[8].

La loi AGEC a en effet prévu une sanction pénale : est ainsi puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de gérer des déchets sans satisfaire aux prescriptions en matière de tri à la source et de collecte séparée[9]. A cette sanction il faut ajouter les mesures administratives qui sont également applicables en matière de déchets et qui pourront être prises pour pallier le défaut de tri à la source[10].

On soulignera que si la sanction est dissuasive, elle restera difficile à appliquer, puisqu’hormis les cas les plus flagrants assortis généralement de dépôt sauvage, l’appréciation des exceptions sera compliquée, les preuves discutables et l’infraction par conséquent difficile à qualifier.   

Pour renforcer donc cette obligation de tri à la source, il convient de se tourner vers la REP PMCB. En effet, le code de l’environnement prévoit que « Les éco-organismes agréés (…) couvrent notamment les coûts supportés par toute personne assurant la reprise des déchets de construction et de démolition faisant l'objet d'une collecte séparée »[11].

Il appartiendra donc à la REP de conditionner la reprise gratuite à des exigences élevées en matière de collecte séparée, afin de créer un levier économique puissant en faveur du tri mono-flux sur le chantier.

_________________________________________

[1] Décret n° 2021-950 du 16 juillet 2021 relatif au tri des déchets de papier, de métal, de plastique, de verre, de textiles, de bois, de fraction minérale et de plâtre, publié le 18 juillet 2021 au JORF.

[2] Article D. 543-280 code de l’environnement.

[3] Pour rappel, le diagnostic Produits-Matériaux-déchets n’est obligatoire que pour les démolitions ou les réhabilitations significatives dont la surface cumulée de plancher de l'ensemble des bâtiments concernés est supérieure à 1 000 m².

[4] Art. D. 541-45-1 code de l’environnement.

[5] Art. D. 543-281 code de l’environnement.

Ces deux conditions sont issues de la Directive déchets (art. 10) qui autorise la collecte conjointe de certains types de déchets dès lors qu’elle « n’affecte pas leur capacité à faire l’objet d’une préparation en vue du réemploi, d’un recyclage ou d’autres opérations de valorisation conformément à l’article 4 et produit, à l’issue de ces opérations, un résultat de qualité comparable à celui obtenu au moyen d’une collecte séparée; »

[6] Article D. 543-281 code de l’environnement.

[7] On imagine à compter du terme du délai de deux mois ou à compter de la délivrance du rapport par le bureau d’études, le décret ne précise pas le point de départ de ce délai de 15 jours…

[8] Article L541-44 et suivants code de l’environnement.

[9] Article L541-46 code de l’environnement.

[10] Mise en demeure, amende administrative, astreinte et consignation, etc. Article L. 541-3 code de l’environnement.

[11] Article L541-10-23 code de l’environnement.

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