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AccueilElizabeth Creux et Christine Le Bihan-GrafPourquoi les tarifs réglementés d'électricité sont maintenus contrairement à ceux du gaz

Pourquoi les tarifs réglementés d'électricité sont maintenus contrairement à ceux du gaz

Alors qu'il a supprimé les tarifs régulés de gaz, le Conseil d'Etat a validé ceux de l'électricité. Pourquoi un telle différence de traitement ? Explications avec Elizabeth Creux et Christine Le Bihan-Graf du cabinet De Pardieu Brocas Maffei.

Publié le 22/05/2018

Le 18 mai 2018, le conseil d'Etat a rendu une décision très attendue dans le secteur de l'électricité, par laquelle il a rejeté les demandes de l'Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Energie (Anode) et d'Engie et permis le maintien par EDF des tarifs réglementés de vente de l'électricité, sous certaines conditions. Une décision qui peut paraître surprenante sachant que quelques mois plus tôt ce même Conseil d'Etat avait supprimé les tarifs régulés du gaz.

Le gaz n'est pas un bien de première nécessité contrairement à l'électricité

Le régime juridique des tarifs réglementés de vente, fixés par décision ministérielle et commercialisés principalement par les fournisseurs historiques (EDF en électricité et Engie en gaz), a été fragilisé par la décision du Conseil d'Etat du 19 juillet 20171, jugeant ces tarifs illégaux dans le secteur du gaz.

Le Conseil d'Etat avait saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la compatibilité des tarifs réglementés de vente avec le droit de l'Union européenne. Cette dernière avait formulé trois conditions2 au maintien de tels tarifs : la poursuite d'un objectif d'intérêt général, leur proportionnalité à l'objectif poursuivi et le caractère clairement défini, transparent, contrôlable et non-discriminatoire de ces tarifs.

Pour le gaz, le Conseil d'Etat avait considéré qu'aucun objectif d'intérêt général n'était poursuivi, alors qu'en défense, le gouvernement invoquait trois motifs tenant à la sécurité d'approvisionnement, à la cohésion territoriale ou à la garantie d'un prix raisonnable. Aucun n'avait convaincu le juge.

Cette décision, qui impliquait la suppression des tarifs réglementés en gaz, avait toutefois ouvert une voie étroite pour sauver les tarifs réglementés en électricité. En effet, le Conseil d'Etat avait relevé que l'électricité était un bien de première nécessité faisant l'objet d'un approvisionnement sur tout le territoire national. L'espoir était donc permis pour EDF que le Conseil d'Etat trouve en électricité un motif d'intérêt général susceptible de justifier le maintien d'une réglementation des tarifs.

Cet espoir a été confirmé par la décision du 18 mai 2018, dans laquelle le conseil d'Etat a appliqué les trois conditions posées par la Cour de justice de l'Union européenne.

Un dispositif pas totalement conforme

Le juge a validé le raisonnement de l'Etat tenant à l'existence d'un motif d'intérêt général, en relevant que les tarifs réglementés permettent une stabilité des prix dans un contexte de volatilité des prix de marché, sachant que l'électricité est un produit de première nécessité.

Il a, cependant, écarté l'argument selon lequel les tarifs réglementés permettraient le maintien du prix de l'électricité à un niveau raisonnable. Il a souligné, en effet, que la méthode de calcul des tarifs exclut qu'ils soient fixés à un niveau artificiellement bas et qu'en pratique, la grande majorité des offres de marché sont proposées par les fournisseurs à un prix sensiblement inférieur aux tarifs réglementés.

Il a également relevé le caractère transparent du dispositif.

En revanche, il a considéré que le dispositif actuel n'était pas conforme aux exigences posées par la Cour de justice en matière de proportionnalité et a donc posé deux conditions qui permettraient un maintien des tarifs réglementés sous réserve d'un aménagement non significatif de leur régime.

Deux éléments ne permettent pas, selon lui, de garantir la proportionnalité des tarifs réglementés de vente dans le secteur de l'électricité :

  • ces tarifs sont applicables sans distinction à tous les sites ayant souscrit une puissance inférieure à 36 kilovoltampères, qu'il s'agisse de sites résidentiels ou non-résidentiels. Le conseil d'Etat admet que "la similarité des profils de consommation et des enjeux" permette d'appliquer des tarifs identiques aux consommateurs domestiques ainsi qu'aux professionnels ayant une faible consommation d'électricité (artisans, commerçants et professions libérales). En revanche, il considère que d'autres consommateurs professionnels, tels que les sites appartenant à des grandes entreprises, ne peuvent être traités de la même manière.

  • ces tarifs sont permanents, alors que la Cour de justice de l'Union européenne impose, a minima, "un réexamen périodique de la nécessité de l'intervention étatique sur les prix de vente au détail".

Vers un réaménagement du dispositif

Toutefois, ces deux caractéristiques ne sont pas de nature à imposer, comme en gaz, la suppression pure et simple des tarifs réglementés en électricité. En effet, un réaménagement du dispositif, qui distinguerait parmi les consommateurs professionnels ceux qui relèvent ou non de grandes entreprises et qui imposerait un réexamen périodique, devrait permettre le maintien de ces tarifs.

Ces modifications imposent l'intervention du législateur, notamment pour amender la définition des bénéficiaires des tarifs réglementés de vente d'électricité, actuellement prévue par la loi3. Le gouvernement pourrait sans doute intégrer des dispositions sur la modification du régime des tarifs réglementés en électricité dans le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises.

En effet, selon les informations publiées dans la presse, ce texte devrait vraisemblablement contenir des dispositions relatives à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz d'ici 2023.

Ainsi, sous réserve de modification du dispositif, les tarifs réglementés en électricité pourraient continuer de s'appliquer aux 27 millions de consommateurs qui en bénéficient actuellement.

Avis d'expert proposé par Elizabeth Creux et Christine Le Bihan-Graf du cabinet De Pardieu Brocas Maffei

1 CE, 19 juillet 2017, ANODE, n° 370321
2 CJUE, 7 septembre 2016, aff. C-121/15
3 Article L. 337-7 du code de l'énergie

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