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AccueilEMMANUEL ADLERUne valorisation des déchets organiques trop complexe ? Retour sur la notion de biodéchets (1/3)

Une valorisation des déchets organiques trop complexe ? Retour sur la notion de biodéchets (1/3)

Emmanuel Adler propose ici une rétrospective historique de l’apparition de la notion de biodéchets, afin de mieux cerner champ d’action et limitations, dans une perspective de gestion des déchets en termes de recyclage ou de valorisation.

Publié le 13/09/2021

A l’approche du terme de l’échéance du 31 décembre 2023, pour atteindre l'objectif de généralisation à tous du tri à la source des biodéchets, il est utile d'interroger en trois temps cette notion de biodéchets.

 

Recyclage des bio-déchets ou valorisation organique ?

À défaut de pouvoir enrayer un changement climatique sur la terre qui dépasse un grand nombre d’entre nous, pour le citoyen-consommateur lambda, le recyclage des matières organiques ne fait plus débat et s’impose. D’ailleurs dans une tendance New Age revisitée, il existe même quelques fervents défenseurs qui aspirent au recyclage intégral, jusqu’à l’humusation des dépouilles humaines[1]. Sous conditions d’humidité, de température et l’action de multiples organismes, le compostage transforme en effet en substances humiques, avec des délais variables, toutes les matières organiques (déchets végétaux et carnés, boues d’épuration...).

Dans cette dynamique d’économie circulaire, toutes les matières issues du vivant peuvent utilement retourner au sol et améliorer sa qualité. En outre, par le procédé de méthanisation, qui produit du biogaz, ces résidus fermentescibles peuvent également être source d’énergie verte, qui bénéficie de tarifs subventionnés.

Mais pourtant, sans prêter considération au caractère biodégradable ou non des déchets et aux modalités de collecte comme de traitement, le législateur a introduit la notion confuse de biodéchets, qui exclut en particulier les boues d’épuration produites par la dépollution des eaux usées[2]. Pour mémoire en France, ces boues urbaines représentent pourtant un flux non négligeable d’environ 1 Mt de matières sèches / an, désormais soumises à des règles discriminatoires par rapport à d’autres déchets organiques, ces derniers étant couverts sous l’appellation de biodéchets.

Enfin, ignorant la difficulté d’acceptation locale des méthaniseurs, l’interdiction de mélange, qui frappe les biodéchets, affecte aussi la capacité de codigestion sur des stations d’épuration bien équipées maîtrisant les contraintes environnementales. Pour les professionnels de l’organique (collecteurs et transitaires, composteurs, méthanisateurs…), si le biodéchet représente une opportunité de développement technico-commercial non négligeable, les nombreuses incohérences qui caractérisent sa définition constituent des handicaps à surmonter.

Dans un contexte de transposition hexagonale souvent restrictive des textes européens, au-delà de l’énumération des impacts négatifs de ces évolutions réglementaires, le fait de décrypter le concept de biodéchets apporte un éclairage qui permet de nuancer les interprétations, et sans doute de faciliter les dérogations au niveau des territoires. Les éléments présentés ci-dessous font suite à un exposé donné lors du webinaire du Réseau interprofessionnel des sous-produits organiques (RISPO) du 17 juin 2021 : "Biodéchet : Qui es-tu ? Que fais-tu ?"[3].

L’étonnante trajectoire du biodéchet sur la période 1993-2008

Comme pour la très grande majorité des normes environnementales, le terme de biodéchet, aujourd’hui employé à toutes les sauces, a été institutionnalisé par Bruxelles en 2008, à l’article 35 de la Directive 2008/98/CE relative aux déchets[4]. Pour être précis, sa naissance est cependant annoncée en 1999 dans la Directive n° 1999/31/CE du 26/04/99 concernant la mise en décharge des déchets [5], texte inspiré par l’Instruction technique allemande sur les déchets municipaux adoptée en 1993 (TA Siedlungsabfall)[6], qui fixe des exigences sur la biodégradabilité des déchets mis en décharge.

Dans la première définition communautaire de 1999, le « déchet biodégradable » est constitué par tout « déchet pouvant subir une décomposition anaérobie ou aérobie, comme les déchets alimentaires et les déchets de jardin, ainsi que le papier et le carton ». Avec une certaine nuance, la définition européenne de 2008 vise « les déchets biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine issus des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que les déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires ». Si l’on constate que la définition de 2008 est deux fois plus longue que celle de 1999, on ne sera pas surpris par la précision de l’article 26 du décret n°2011-828 du 11 juillet 2011[7], qui établit que :

«  - sont considérés comme étant composés majoritairement de biodéchets, au sens de l'art. L. 541-21-1, les déchets dans lesquelles la masse de biodéchets, tels que définis à l'art. R. 541-8, représente plus de 50 % de la masse de déchets considérés, une fois exclus les déchets d'emballages.

- est un biodéchet tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires. Selon cette définition, des déchets fermentescibles tels que les boues d’épuration, les déchets de bacs à graisse, les déchets de la transformation du bois, les déchets d’animaleries ou les déchets d’abattoirs ne sont pas des biodéchets. Il convient également d’exclure de cette définition les déchets de la production primaire, tels que les déchets de l’agriculture, de la sylviculture ou de la pêche (article R 541-8 du code de l'environnement) ».

Par ailleurs, la circulaire du 10 janvier 2012 relative aux modalités d’application de l’obligation de tri à la source des biodéchets par les gros producteurs[8] (art L541-21-1 du code de l’environnement) stipule que « tous les producteurs d’une quantité importante de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenus d’en assurer le tri à la source en vue de leur valorisation organique »…

Enfin, au sein du large corpus qui encadre la gestion par retour au sol des matières fertilisantes organiques, il faut considérer l’article L. 541-14 du code de l’environnement qui impose aux régions de « fixer des objectifs de tri à la source, de collecte sélective, notamment des biodéchets, et de valorisation de la matière », sans omettre les règlements communautaires sanitaires sur les sous-produits animaux applicables depuis 1990.

Venu de Bruxelles, le terme biodéchet apparait officiellement en 2008, mais l’on note toutefois sa mention dès 1998 dans un rapport de l’Ademe[9] consacré au suivi d’exploitation des unités de compostage de déchets verts : « bien qu’elle fasse actuellement l’objet de projets pour les biodéchets ménagers, la méthanisation reste marginale par rapport au compostage ». N’ayant pu être identifié plus loin dans le temps, on considère que le mot biodéchet est apparu récemment dans la langue française.

Et s’il est difficile de s’y retrouver dans ce contexte[10], le rappel de quelques fondamentaux techniques permettra d’améliorer la compréhension du sujet biodéchet.

La suite sera mise en ligne le 17 septembre 2021.

____________________________

[1] NDLR. « L’humusation est un processus contrôlé de transformation des corps humains par les micro-organismes, qui sont présents uniquement dans les premiers cm du sol, dans un compost de broyats de bois d’élagage, qui transforme, en 12 mois, les dépouilles mortelles en humus sain et fertile. » https://www.humusation.org/

[2] NDLR. https://www.ecologie.gouv.fr/biodechets

[3] NDLR. Réseau Interprofessionnel des Sous-Produits Organiques (RISPO), « l’intelligence au service des professionnels de la valorisation organique » : https://rispo.org/

[4] Directive 2008/98/CE relative aux déchets : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32008L0098&from=FR

[5] Directive n° 1999/31/CE du 26/04/99 concernant la mise en décharge des déchets : https://aida.ineris.fr/consultation_document/1013

[6] Instruction technique allemande sur les déchets municipaux adoptée en 1993 (TA Siedlungsabfall) : https://www.rh-entsorgung.de/de/Unternehmen/Rechtliche-Grundlagen/Rechtliche-Grundlagen/tasi-ges.pdf

[7] Décret n°2011-828 du 11 juillet 2011 : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=yxZ_e9kEBJdwPaPG2japEa3U0jSD7UEbpl3dAMzpeEM=

[8] Circulaire du 10 janvier 2012 relative aux modalités d’application de l’obligation de tri à la source des biodéchets par les gros producteurs : https://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/documents/Bulletinofficiel-0025526/met_20120002_0100_0029.pdf;jsessionid=670802BA7147156E3CA0B431D41336CF

[9] Rapport de l’Ademe consacré au suivi d’exploitation des unités de compostage de déchets verts : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/suivi-unite-compostage-dechets-verts-1998-4455-rapport-final.pdf

[10] http://www.arnaudgossement.com/archive/2011/07/25/l-emergence-de-la-notion-de-biodechets.html

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3 Commentaires

EMMANUEL ADLER

Le 14/09/2021 à 11h32

Pour toute question sur cet article, n'hésitez pas et adressez-moi un courriel adler@expert-environnement.fr

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Albatros

Le 14/09/2021 à 14h27

C'est normal de ne pas considérer les boues issues du traitement des eaux usées urbaines (STEU) comme des "biodéchets". Les STEU traitent les eaux usées des "ménages et assimilés", catégorie dans laquelle on retrouve: artisans (peintres, TPE du BTP, ateliers de toutes activités...), cabinets médicaux et dentaires, etc.
S'y ajoutent les eaux de ruissellement de la voirie publique (quand elles ne shuntent pas tout simplement les STEU) où l'on trouve des "garages" improvisés (visitez certaines banlieues). Sans compter les mauvaises habitudes de nombre de bricoleurs du dimanche...
...

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Albatros

Le 14/09/2021 à 14h28

...
Sur des terres produisant des cultures destinées à entrer dans la chaîne alimentaire, la surveillance sanitaire de cet apport est impérative. Elle ne doit pas se limiter à la simple surveillance des 8 métaux lourds (As, Cd, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb, Se) mais être élargie à de nombreux autres polluants. Par exemple, les néonicotinoïdes antipuces sont toujours autorisés (colliers de chiens). De surcroît, des perturbateurs endocriniens, des produits vétérinaires et médicaments se retrouvent dans les eaux usées des ménages ou assimilés… De multiples produits toxiques (autrefois dénommés DTQD pour Déchets Toxiques en Quantités Dispersées) utilisés pour l’entretien, le nettoyage, la désinfection ou le traitement phytosanitaire domestiques sont déversés dans les éviers (notion de « tout à l’égout » persistante parmi la population).
Les boues de STEU ne sont pas un « retour » mais un apport de matières d’origines variables et de « qualités » plus ou moins maîtrisées.
Question subsidiaire aux "décrypteurs" : Pourquoi l’épandage des boues de STEU est-il incompatible avec la production « bio »?
Sincères salutations.

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