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AccueilEMMANUEL ADLERUne valorisation des déchets organiques trop complexe ? Retour sur la notion de biodéchets (2/3)

Une valorisation des déchets organiques trop complexe ? Retour sur la notion de biodéchets (2/3)

Approfondissant la définition de biodéchet, Emmanuel Adler questionne ici la notion pré-requise et fondamentale de la matière organique et revient sur les différents aspects de sa conception tant scientifique que considérée sous l’angle du déchet.

Publié le 17/09/2021

Pour savoir où l’on va, savoir d’où l’on vient permet d’éclairer sa lanterne. Ainsi si le mot de biodéchet désigne actuellement une certaine fraction des matières organiques, commençons par nous interroger aujourd’hui sur les sens premiers du mot organique, en nous projetant dans le passé…

Le biodéchet, une définition qui s’affranchit de la chimie

Si le mot de biodéchet ne figure pas encore dans la dernière version du Dictionnaire de l’Académie[1], la notion de matière organique apparait au XVIIIe siècle, à une époque où les théories du vitalisme et de la génération spontanée affirment que la vie n'a pas d'autre explication qu'elle-même, et que pour tout organisme vivant, il existe un principe vital, distinct des forces physico-chimiques et de l’esprit[2]. Mais en 1828, la synthèse chimique de l’urée (CH4N2O) par le chimiste allemand Friedrich Wöhler, à partir de 3 composés inorganiques (cyanate de plomb Pb(OCN)2, ammoniac NH3 et eau H2O), enterre définitivement la croyance que seuls les êtres vivants sont capables de synthétiser de la matière organique.

De fait, la chimie organique (organic chemistry) étudie les composés organiques naturels mais également synthétiques constitués de carbone, à l'exception de certains oxydes de carbone, carbonates, bicarbonates, cyanures ioniques, carbures (excepté les hydrocarbures), lesquels, par tradition, relèvent de la chimie minérale (inorganic chemistry). La matière organique d’un déchet se décompose ainsi : d’une part en matière organique non synthétique (MONS), souvent riche en eau (matière naturelle, végétale et/ou animale) et d’autre part en matière organique synthétique (MOS) ou plastiques secs.

Illustration des ambiguïtés attachées à cette notion, si en français comme en anglais, les expressions matière organique et organic matter désignent les résidus fermentescibles quelque soit leur origine (animale, végétale, boues d’épuration, eaux usées…), la qualité organic food renvoie pour sa part à l’agriculture biologique, qui exclut tous les intrants de la chimie de synthèse, organiques ou non.

Pourtant, si les composés organiques obéissent strictement aux mêmes lois que les composés inorganiques et minéraux, une certaine ambiguïté sémantique demeure toujours sur la notion de biodégradabilité. Ce terme, qui désigne l’aptitude d’un matériau à la décomposition par des micro-organismes, est source de confusion compte tenu de la diversité des déchets considérés (matière pure, aliment emballé en lot ou en mélange, déchet pré-traité…) et des conditions environnementales (durée, humidité, température, inoculation-recirculation ou non…).

Le biodéchet, un ensemble touffu de résidus

Si le biodéchet couvre une très large gamme de résidus (tontes d’espaces verts, plats cuisinés périmés, restes de cantine…), la liste ci-après illustre sur la France la diversité des termes plus ou moins homogènes qui constituent la grande famille des matières organiques, avec :

- les déchets verts (DV)[3], le plus souvent objet d’une collecte par apport volontaire en déchèterie,

- la fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM)[4], en général collectée en mélange avec les ordures ménagères résiduelles (OMR), qui comprend les déchets de cuisine et de table (DCT)[5], parfois désignés déchets de table et de restauration (DTR),

- la catégorie putrescible des ordures ménagères, déterminée par le protocole de l’Ademe Mode de caractérisation des OM (MODECOM) établi en 1993, qui se divise en deux sous-catégories : celle des déchets alimentaires (restes de cuisine, produits alimentaires non consommés sous emballage, autres putrescibles) et celle des déchets de jardin,

- les matières fertilisantes issues du traitement des eaux (MFITE), devenues matières d'intérêt agronomique issues du traitement des eaux (MIATE) dans la norme NFU 44-095 homologuée en 2001[6],

- les produits résiduaires organiques (PRO) qui regroupent dans une logique œcuménique effluents d’élevage et boues d’épuration méthanisées ou non, et tous les autres déchets organiques urbains et effluents industriels, devenues matières fertilisantes d’origine résiduaire (MAFOR) en intégrant les matières minérales comme les cendres[7]. Plus ou moins riches en nutriments (N, P, K), les MAFOR ont comme finalité la valorisation agronomique pour amender les sols et fertiliser les cultures[8],

- la biomasse[9], définie comme la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers,

- le déconditionneur[10], bio ou pas, qui peut aussi être séparateur, désemballeur, extracteur voire pulpeur, a pour objet de transformer en deux phases distinctes le matériau introduit pour disposer d’une soupe organique compostable et/ou méthanisable.

Avec l’introduction de la notion de biodéchets dans ce vocabulaire déjà assez hermétique, le législateur n’a fait que compliquer les choses pour leur gestion, multipliant les injonctions contradictoires, avec des incitations fortement modulées par des nombreuses restrictions.

A titre d’exemple et sans considérer ce qui existe à l’étranger, l’interdiction de principe du mélange de boues et de biodéchets ou de l’évacuation des déchets de cuisine par le broyeur sous-évier[11], font obstacles à l’innovation et au développement des projets de valorisation organique. Considérant l’approche pragmatique de nombreux pays européens qui disposent de références avec codigestion et broyeurs, une recherche internationale sur la notion de biodéchet met en évidence que le mot français est en fait une traduction et qu’il faut décortiquer le terme d’origine anglais biowaste. Identifié dès 1970, le terme de biowaste est présent dans un projet aéronautique[12] et dans une étude sur l’épuration des eaux usées[13], et il ne prend son véritable sens qu’à partir de la fin des années 1980, avec le développement des collectes séparées des déchets alimentaires et des déchets de jardin auprès des ménages en Allemagne[14].

La suite et fin de cet article sera mise en ligne le 24 septembre 2021.

 

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[1] Aucun résultat n’apparait sur https://www.dictionnaire-academie.fr mais on peut noter que « biogaz » n’y figure pas plus, ce dernier terme étant pourtant présent dans le Lexique des énergies renouvelables de Christian Vauge de 1980 (Ed. SCM). 

[2] Il faut attendre 1859 et la controverse entre Louis Pasteur et Félix-Archimède Pouchet pour que cette théorie soit définitivement enterrée par l’Académie des sciences.

[3] Les déchets végétaux sont en tête de liste compte tenu de leur existence immémoriale.

[4] Le terme apparait pour la première fois dans un court article intitulé « intérêt, en temps de guerre des jardins potagers proches agglomérations urbaines » et publié dans Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères. 1940-02-17, p.124.

[5] Introduits par la Directive n°90/667/CEE, arrêtant les règles sanitaires relatives à l'élimination et à la transformation de déchets animaux, à leur mise sur le marché et à la protection contre les agents pathogènes des aliments pour animaux d'origine animale ou à base de poisson.

[6] Norme NFU 44-095 : https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-u44095/amendements-organiques-composts-contenant-des-matieres-dinteret-agronomique/fa107372/520

[7] https://www6.inrae.fr/valor-pro/Les-PRO-ressources-renouvelables/PRO-ou-MAFOR

[8] Ademe, Matières fertilisantes organiques : gestion et épandage. Guide bonnes pratiques, Réf: 010526, 2018.

[9] Code de l’énergie - alinéa 2 de l’article L. 211-2.

[10] Visé par la création, dans la nomenclature ICPE, de la rubrique n°2783, le déconditionneur fait l’objet d’un webinaire du RISPO le 3/09/2021

[11] Voir en particulier les actes de la journée technique ASTEE intitulée « Codigestion des boues avec d'autres déchets » du 12.11.2015 à l'EIVP à Paris.

[12] J. BLISS et al., Biowaste resistojet system definition for the NASA space station, 1970 - https://doi.org/10.2514/6.1970-1132

[13] J. E. Zajic et al., A Foam, Activated Sludge Process for the Treatment of Spent Sulfite Liquor, Journal of Water Pollution Control Federation, Vol. 50, n°5, 1978, pp. 884-895.

[14] A. Scheinber et al., European food waste collection and composting programs, Resource Recycling, December 1990, pp. 76-81 ; T. Raussen, Status and Trends for Biomass Use and Consequences for Waste Management, the Example of Germany, Conference “The Future of Residual Waste Management in Europe”, 2005. On peut également noter l’apparition du bio-residue - I. Segal, Utilization of dry bio-residues for energy production in Israel, Proceedings of conference, 1984, Göteborg, Sweden. Vol. II. Biomass resources, pp.250-257.

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2 Commentaires

Daniel

Le 21/09/2021 à 11h36

Cette tentative d'éclaircissement ne jette-t-elle pas plus de confusion que de limpidité sur une notion manquant de définitions fondées sur des principes physiques ? Naît d'esprits alambiqués qui n'y connaissent rien, comment peut-on espérer construire une base solide sur une ontologie manquant rigueur ?

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Albatros

Le 22/09/2021 à 14h00

Questions :
1. Quelle est la définition d'une "collecte par apport volontaire" ?
2. En encourageant le mélange de boues de STEU avec des déchets verts, l'auteur préconise-t-il la fin de l'interdiction de diluer une pollution ?
Merci pour vos réponses.
Sincères salutations

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