Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilJean-François VincentiniImprimante 3D : la ruée vers le béton

Imprimante 3D : la ruée vers le béton

L'impression 3D dans le secteur de la construction tâtonne encore, mais elle représente un potentiel si vaste, y compris en terme d'économie de matière et d'énergie, que start-ups et multinationales partent nombreuses à la conquête de cet Eldorado.

Publié le 04/07/2017

Les grands enfants vont pouvoir s'en donner à cœur joie. Certains ont déjà commencé, comme Andrey Rudenko. L'année dernière, cet Américain a réalisé son rêve : construire un château-fort dans son jardin, dans le Minnesota. Avec tourelles et créneaux, comme dans un film d'heroic fantasy. Il lui a fallu deux ans de conception pour mettre au point lui-même son imprimante 3D géante, capable d'extruder le béton pour bâtir ce château de trois mètres de large sur cinq de longueur.

Certes, cette structure sortie de l'imagination de ce passionné ne respecte aucune norme de sécurité, mais il faut bien de farouches rêveurs pour changer le monde. Andrey a tout d'abord construit une maquette qu'il a modélisé par ordinateur en CAO (Conception assistée par ordinateur). Son imprimante a fait le reste, "inscrivant" dans l'espace des bandes de 3cm de largeur sur 1cm d'épaisseur. Un procédé qui a tapé dans l'œil de l'industrie cinématographique. Des studios de Hollywood comme Disney ou la Twentieth Century Fox y voient un outil idéal pour la construction de décor. Un rêve de gosse anecdotique donc ? Pas tant que cela.

L'impression 3D est en permanente évolution. Apparue il y a trente ans en utilisant des matières plastiques ou des résines, elle s'ouvre aujourd'hui au domaine de la construction grâce au béton. Selon un rapport publié en 2016 par Markets & Markets, l'impression 3D à base de béton est promise à un développement spectaculaire, avec une croissance annuelle de 15% sur les cinq prochaines années. Plusieurs bâtiments prototypes ont déjà été construits à Dubaï et en Chine. Il est donc fort probable que dans un avenir assez proche, les chantiers se peuplent d'imprimantes aux proportions titanesques.

Comment ça marche ?

Le principe de fonctionnement est simple, et identique à celui que l'on connaît déjà, mis à part l'échelle : une buse dépose des couches de béton liquide à chaque passage, en montant d'un cran à chaque fois. "Dans l'industrie classique, une grande pièce mesure un mètre grand maximum, explique Philippe Morel, directeur de la start-up XtreeE. Nous, nous voyons plus grand. Nous avons par exemple imprimé un poteau structurel de 4m de hauteur, soutenant le préau d'un gymnase à Aix en Provence."

Mené en partenariat avec le groupe ABB et Lafarge-Holcim pour la partie béton, et par Dassault Systèmes pour les outils logiciels au sein du laboratoire 3DExperienceLab, l'équipe d'XtreeE a ainsi relevé un défi technique essentiel, et réussi là où le château-fort d'Andrey dans le Minnesota avait échoué : le respect des normes de construction. "L'impression 3D est nouvelle dans le secteur de la construction, poursuit M. Morel. Il est difficile de faire en sorte qu'un objet imprimé en 3D soit reconnu aux normes, surtout s'il est structurel et s'il se trouve dans l'espace public. Ce que nous avons fait, c'est ajouter un coulage de béton fibré à l'intérieur du poteau pour que les calculs de sécurité soient réalisés sur ce poteau intérieur. C'est un grand pas pour la construction par fabrication additive."

Ce béton n'est pas n'importe quel béton évidemment. Utilisé à l'état visqueux à la sortie de la buse, il se solidifie à la sortie par réaction chimique, grâce à un additif qui modifie ses propriétés rhéologiques. Autre vertu de ce matériau : l'impression 3D en béton s'inscrit parfaitement dans une démarche de développement durable. Toujours selon Markets & Markets, elle permettrait de réduire de 30 à 60% les déchets de construction et de raccourcir les délais de production de 50 à 70%.

Quand le béton s'inspire de la nature

Dans le secteur de la construction, tout est donc affaire de réglementations. En France, seul le béton cellulaire durci en autoclave respecte la norme NF EN-441-7. Pourtant, un autre type de béton existe et est en train de faire taire toutes les critiques. Homologué aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens (Allemagne, Royaume-Uni...), le béton alvéolaire – ou béton cellulaire – s'inspire de la structure des tissus osseux humains. Il est constitué d'un mélange moulu et aéré de calcaire et d'ardoise polie qui forme une mousse minérale molle. Une fois durci et asséché, ce béton emprisonne, grâce au réseau minéral de silicates de calcium, une grande proportion d'air et de gaz. Cela lui donne sa structure alvéolaire visible à l'œil nu. Ce béton, beaucoup plus léger que le béton classique, présente en outre d'excellentes propriétés en termes d'isolation phonique et thermique : un mur de béton cellulaire de 40 cm d'épaisseur (sans isolants, enduit ou membranes) présente ainsi un coefficient de résistance thermique R de 4,68 m²K/W, supérieur à celui d'un mur de briques ou de parpaings, accompagné de 10 cm de laine de verre. Côté bruit, un mur de 24 cm de béton cellulaire permet une atténuation moyenne du bruit de 40 dB, soit 5 dB de mieux environ que les murs traditionnels dans d'autres matériaux, tout en étant un matériau léger, ininflammable et robuste.

C'est justement cette légèreté qui en fait un allié idéal de l'impression 3D et, par exemple, l'un des matériaux favoris de la grande prêtresse de l'impression 3D, l'Israélo-américaine Neri Oxman. Professeur au MIT, spécialiste de l'architecture bioclimatique, lauréate du prix Vilcek catégorie design en 2014, touche-à-tout de génie présente dans la liste des 100 personnalités les plus influentes de notre époque, Neri Oxman s'inspire en permanence des structures présentes dans la nature, comme les carapaces de crustacés ou les os humains. Plus solides, plus multifonctionnelles, ces structures sont adaptables à de nombreuses créations. "Nous devons adapter la densité des matériaux aux structures qu'ils doivent supporter, explique-t-elle. Dans le cas du béton imprimé en 3D, il faut s'inspirer de la nature, ce qui rendra le matériau plus efficient et plus économique. C'est à nous, maintenant, de materner la nature."

Futur de l'humanité et développement durable sont intrinsèquement liés. Des quatre coins de la planète, de nouvelles idées émergent. De grands groupes se penchent de plus en plus sur la construction 3D : DUS Architects aux Pays-Bas, Fosters+Partners et le Centre de recherche de l'université de Loughborough au Royaume-Uni ou encore WinSun Global en Chine. Les Britanniques ont déjà obtenu un béton présentant une résistance atteignant 95% de celle d'un béton normal. L'Université de Californie du Sud a mis au point un nouveau béton à prise rapide, et a conçu un chantier monté sur rail qui devrait permettre d'imprimer une maison en 24 heures seulement. Ce procédé, baptisé Contour Crafting, intéresse un nouvel investisseur... la Nasa.

Une chose est sûre : en matière de construction, le futur commence aujourd'hui.

Avis d'expert proposé par Jean-François Vincentini, Consultant Indépendant en Performance & Innovation

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

Commentez ou posez une question à Jean-François Vincentini

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié