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AccueilLaurent BénéditRE 2020 : une adoption à marche forcée pourrait coûter cher !

RE 2020 : une adoption à marche forcée pourrait coûter cher !

La réglementation environnementale du bâtiment (RE 2020), en cours d'expérimentation, inquiète. Un possible surcoût de 10 % par rapport à la RT 2012 est annoncé, alerte Laurent Bénédit, responsable Réglementation Europe du Nord-Ouest chez Chaffoteaux.

Publié le 07/02/2019
Actu-Environnement le Mensuel N°389
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°389
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En matière de réglementation thermique, la France fait figure de pionnière en Europe. Ainsi, dès le premier choc pétrolier en 1973, elle a pris la mesure du problème et a inscrit dans la loi, les premières réglementations dans ce domaine. Depuis, le seuil d'exigence a été régulièrement revu à la hausse pour finalement parvenir à diviser par cinq les consommations énergétiques des bâtiments en 50 ans ! Après la RT 2012, la RE (Réglementation Énergétique) 2020 marquera une véritable rupture dans cette évolution en fixant, conformément aux enjeux climatiques du moment, des exigences sur les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, le calendrier prévisionnel mériterait d'être revu, afin de bénéficier d'un retour des expériences plus riche de l'expérimentation actuellement menée autour du Label E+C- et de fixer des mesures réglementaires applicables par l'ensemble de la filière. Dans le cas contraire, le risque de pénaliser durablement le secteur de la construction est réel.

Expérimentation du label E+C- : un premier bilan très mitigé

L'expérimentation engagée en 2016 autour du le label E+C- dans le cadre de la généralisation des bâtiments à énergie positive et à faible empreinte environnementale, doit permettre d'apprécier les questions de faisabilité technique et économique pour la future RE 2020. Si l'intention est parfaitement louable, l'échantillon à date, 600 bâtiments dont 500 habitations, semble bien faible au regard des centaines de milliers de logements qui sortent de terre chaque année. On peut donc légitimement s'interroger sur la pertinence des enseignements qui en seront tirés, même si on peut déjà dire que la plupart des projets ou réalisations semblent centrés sur un niveau d'énergie 2 et de carbone 1. Par ailleurs, les informations communiquées à ce jour restent floues sur la représentativité réelle de cet échantillon. Tous les modes constructifs, zones géographiques, configurations (formes, compacités, nombre de niveaux…) ou encore combinaisons d'équipements ont-ils réellement été pris en compte dans ce panel ? Rien n'est moins sûr…

Si cette l'expérimentation est une mesure de bon sens, il nous semblerait pertinent de l'enrichir pour deux raisons principales. Tout d'abord, dans ce fameux panel de 600 bâtiments, un tiers d'entre eux ne sont pas conformes au premier palier du label (énergie 1 carbone 1). Deuxièmement, il existe différentes méthodes pour caractériser l'approche carbone et, d'après ce que nous constatons sur le terrain, il semblerait que nombre de bureaux d'études privilégient une approche forfaitaire. Sans doute cela est-il dû au fait qu'ils ne disposent pas encore de toutes les données environnementales pour les produits ou équipements des industriels, mais ce point devra être consolidé. Par ailleurs, certaines règles d'extrapolation semblent être utilisées un peu trop rapidement par ces mêmes bureaux et il nous paraît encore manquer de quelques méthodes et outils pour mener une évaluation carbone plus fine. À ce jour, nous ne pouvons être que circonspects sur ce qui ressortira de cette expérimentation…

Rendre possible la valorisation des premiers profils environnementaux produits

Nous ne disposons encore d'aucune visibilité sur ce que contiendra la RE 2020. Néanmoins, une chose est sûre, l'évaluation carbone représente une vraie révolution et nécessitera d'être accompagnée, afin que les acteurs du secteur puissent se l'approprier dans les meilleures conditions. Certes, nous avons bien conscience qu'il y a urgence à agir dans ce domaine mais attention à ne pas y aller à marche forcée, en promulguant un texte qui, au final, serait trop contraignant pour les acteurs de la construction. Il est indispensable que cette nouvelle réglementation soit soutenue et acceptée par l'ensemble de la filière. Évidemment, nous saurons toujours comment atteindre les objectifs fixés d'un point de vue technique, mais le surcoût que ces évolutions pourraient entraîner un phénomène de rejet par le marché.

Sur cette approche carbone, de nombreux acteurs de la filière se sont engagés dans une démarche collective. Le syndicat Uniclima a notamment permis de faire émerger des données communes pour caractériser de manière assez fine les profils environnementaux produits (PEP) de différents équipements. Dans les prochaines semaines, ces éléments seront mis à la disposition des bureaux d'études, afin de leur permettre des calculs plus précis qu'avec une simple approche forfaitaire. Il s'agit là d'une première étape. Les industriel,s ayant participé à l'élaboration de ces fiches PEP, pourront en faire bénéficier leurs bureaux d'études partenaires. Comme nous l'avons connu avec l'efficience énergétique, ils vont très certainement réaliser leurs propres analyses du cycle de vie de leurs produits, qui deviendront un acte de différentiation en termes de prescription technique. Cela prendra du temps, car cette caractérisation demande beaucoup d'investissements, à la fois humains et financiers. Toutefois dans le cadre du bâtiment, certains fabricants qui se sentent peut-être moins impliqués par cette nouvelle approche carbone et font courir le risque de pénaliser ceux qui font l'effort de la mener. Beaucoup souhaiteraient que la méthode d'évaluation intègre un mix entre ces données détaillées, produites par les industriels, et les valeurs forfaitaires pour des sous-lots techniques, afin de mener une évaluation carbone plus juste. Il ne faudrait donc pas, que pour un seul élément manquant, des données pertinentes et disponibles ne puissent pas être exploitées par manque de souplesse.

Enfin, les premiers éléments chiffrés annoncés par le gouvernement laissent apparaître un possible surcoût de 10 % de la RE 2020 par rapport à la RT 2012, voire jusqu'à +20 % sur certains projets. N'oublions pas que nous faisons face à une chute sévère des permis de construire délivrés depuis le 3ème trimestre 2018. Attention donc à ne pas adopter de manière précipitée une nouvelle réglementation qui pourrait, du fait d'une trop forte exigence technique, rendre le marché du logement neuf inaccessible en termes de prix.

Laurent Bénédit, responsable Réglementation Europe du Nord-Ouest Chaffoteaux & président du Comité Stratégique EnR Solaire thermique & Biomasse Uniclima.

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1 Commentaire

MNM

Le 15/02/2019 à 9h42

la chute des permis de construire n'est pas forcément une mauvaise nouvelle on ne peut continuer à augmenter le bétonnage et l'artificialisation des sols année après année

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