Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilRégis MaséraTransition énergétique, adhésion et acceptabilité de l’opinion : encore « des trous dans la raquette » !

Transition énergétique, adhésion et acceptabilité de l’opinion : encore « des trous dans la raquette » !

Directeur de l’association Arval Mobility Observatory, Régis Maséra dénonce la faiblesse du système de transition mis en place par le gouvernement, choix politique qui ne cherche ni à se confronter à l’opinion publique ni à la convaincre.

Publié le 27/01/2022

« Gouverner, c’est choisir ». En matière de choix énergétiques, dans cette recherche de l’atteinte de la neutralité carbone, c’est la faculté de promouvoir des énergies qui permettent tout à la fois le développement économique, tout en préservant la planète d’une explosion des gaz à effet de serre. Sur le papier, la démarche est totalement vertueuse et on ne peut qu’y adhérer. Elle trouve d’ailleurs un écho favorable parmi les Français, si l’on en croit les différents sondages sur la question, avec une préférence marquée pour les énergies solaires et une moindre adhésion en faveur des éoliennes. Il en va de même pour les types d’énergies à pousser : le nucléaire, pilier du mix-énergétique tricolore, revient dans la course au vu de l’envolée actuelle des prix de l’énergie sur les marchés internationaux.

De l’importance de l’adhésion de l'opinion publique

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, l’adhésion des opinions publiques dépend de la transparence de la parole publique et du tempo appliqué pour conduire ce changement. En décrétant l’été dernier, en pleine trêve estivale, la fin des motorisations thermiques pour 2035, Bruxelles a en quelque sorte « sonné » l’industrie automobile et semé le trouble parmi les populations. Car l’écosystème du tout électrique est loin d’être en ordre de marche : le maillage territorial des bornes reste en construction, toutes les questions sur l’autonomie des modèles ne sont pas levées, le prix des véhicules s’envole alors que la pérennité des aides à l’achat n’est pas gravée dans le marbre. Engagé dans l’électrification de ses quatorze marques, le numéro un de Stellantis[1], Carlos Tavares, a d’ailleurs (une nouvelle fois) tiré la sonnette d’alarme sur la solvabilité des classes moyennes dans cette course au 100 % électrique[2].

Cet attentisme existe aussi dans le monde de l’entreprise, animateur numéro un du marché automobile puisqu’en moyenne, un véhicule sur deux est immatriculé en France à des fins professionnelles. Mais, tout ardent défenseur de la transition énergétique qu’il soit, un chef d’entreprise ne peut engager ses finances et ses équipes dans une mutation technologique, si tous les voyants (tels les clignotants sur les circuits de F1 donnant le coup d’envoi des Grands Prix) ne passent pas simultanément au vert. En 2021, le 100 % électrique a certes franchi le cap des 5 % de part de marché, mais c’est avant tout l’hybridation qui a remporté la mise (alors même qu’elle est condamnée dans le programme « Fit for 55 » de Bruxelles[3]). Faire rouler ses collaborateurs à bord de modèles hybrides rechargeables, c’est jouer le jeu de la transition énergétique pour les entreprises et en même temps, contourner les éventuelles faiblesses du tout électrique (accessibilité à un réseau de recharge dense, à des bornes ultra-rapides, à un coût d’usage vertueux sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule).

Jouer la transparence

« Adhésion un jour » ne signifie pas « adhésion toujours ». Dans ce domaine, on sait combien les opinions publiques peuvent être changeantes et cela en un temps record. Comme l’expliquait Bruno Jeanbart, vice-président de l’institut OpinionWay, lors des 12èmes rencontres pour les énergies renouvelables[4], « il y a quelques années, plus d’un tiers des Français soutenait le développement de l’éolien ; depuis 2018, il a perdu 10 points. L’acceptation des éoliennes à proximité de son domicile est particulièrement faible : seuls 34 % des Français seraient d’accord pour accueillir des éoliennes à un kilomètre de chez eux. Jusqu’en 2019, une part plus importante de la population acceptait l’idée d’accueillir des éoliennes près de chez elle (48 % contre 28 % de rejet). En deux ans, la tendance s’est totalement inversée, avec 40 % de rejet ».

À l’heure où les gouvernants européens érigent l’hydrogène en énergie du futur, mais où tout ou presque est à construire pour la filière, il est essentiel de capter l’adhésion des populations. Ceci signifie qu’il faut du temps pour créer des écosystèmes, arbitrer en faveur des bons choix, ne pas mettre la charrue avant les bœufs, lister les bons usages de l’hydrogène (d’aucuns diraient ne pas courir tous les lièvres à la fois).

Et avant toute chose, rappeler aux opinions publiques, afin d’éviter qu’elles ne changent d’avis dans quelques années, qu’aujourd’hui 95 % de l’hydrogène produit dans le monde est issu de combustibles fossiles et que le premier défi est donc de pousser la part de l’hydrogène dit « vert » (produit par l’électrolyse de l’eau). Il y aura donc un coût gigantesque si l’on veut réussir et des arbitrages à faire. « La France, qui promet d'y consacrer des milliards d'euros, doit donc prendre garde à ne soutenir que les projets viables, sans succomber au mythe du « tout hydrogène », prévenait le quotidien Les Échos dans son éditorial du 16 novembre 2021[5].

Gagner la bataille de la transition énergétique et des énergies renouvelables, ce n’est pas dire « oui » à tout. C’est convaincre les citoyens usagers, les industriels, les contribuables que le changement vaut la peine d’être engagé, même s’il s’avère coûteux dans un premier temps. C’est remporter le match de « l’acceptabilité » en jouant le jeu de la transparence.

_______________________________________

[1] Stellantis : accès au site.

[2] Interview de Carlos Tavares dans Les Échos par Dominique Seux et Lionel Steinmann, Carlos Tavares : avec la voiture électrique, « la brutalité du changement crée un risque social », 18 janvier 2022 : accès à l’article.

[3] Dossier « Fit for 55 » sur Actu-Environnement : accès au dossier.

[4] Évènement « 12èmes rencontres pour les énergies renouvelables », à la Maison de la Chimie à Paris, 30 novembre 2021 : accès au programme.

[5] Édito des Échos, Hydrogène : comment faire gagner la France par Lucie Robequain, 16 novembre 2021 : accès à l’article.

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

Commentez ou posez une question à Régis Maséra

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié