La part des transports aériens dans les émissions globales de gaz à effet de serre de l'UE avoisine actuellement les 2%, 3% ou 4%, selon les études. Néanmoins, elles augmentent plus rapidement que celles de tous les autres secteurs. Celles qui sont dues aux vols internationaux ont ainsi augmenté de 73% entre 1990 à 2003 et devraient, d'après les projections de la Commission européenne, atteindre 150% d'ici à 2012 si aucune mesure n'est prise. Une telle croissance annulerait alors plus d'un quart de la réduction de 8% de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre que l'UE-15 est censée réaliser entre 1990 et 2012 en vertu de protocole de Kyoto.
Dans ce contexte et depuis septembre 2005, la commission a décidé de s'attaquer à ce délicat sujet sur fond de pression des compagnies aériennes en proposant d'intégrer les exploitants d'aéronefs dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'UE. Du côté des industriels de l'aéronautique et des compagnies aériennes, conscient de l'enjeu et sous le feu des pressions, on commence à se préoccuper plus sérieusement des aspects environnementaux. La 63e assemblée générale annuelle de l'association internationale du transport aérien (IATA) qui avait réuni plus de 600 industriels du secteur aérien mondial, en juin 2007 à Vancouver au Canada, avait même défini l'environnement comme ''principal défi''.
Au niveau institutionnel, Jacques Barrot, le vice-président de la Commission européenne en charge des transports et Marion Blakey, l'administrateur de la Federal Aviation Administration des Etats-Unis (FAA) avaient lancé, en juin dernier, en présence de représentants de l'industrie aéronautique, une initiative transatlantique pour la réduction des émissions sous le nom d'AIRE (Atlantic Interoperability Initiative to Reduce Emissions). Celle-ci s'inscrit dans le cadre du protocole de coopération signé par la Commission européenne et la FAA pour la coordination des deux grands programmes de modernisation de l'infrastructure du contrôle aérien, SESAR (Single European Sky ATM Research) du côté européen et NEXTGEN (Next Generation air transport system) du côté américain. L'objectif : permettre d'accélérer la mise en œuvre de nouvelles technologies et procédures opérationnelles ayant un impact direct et à court-moyen terme sur les émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, au dernier salon aéronautique du Bourget qui s'est tenu en juin dernier, tous souhaitaient démontrer leurs vertus écologiques. L'UE avait profité de cet événement pour annoncer le programme dénommé «Clean Sky» (ciel propre*) afin d'aider le secteur du transport aérien à améliorer la technologie de leurs appareils tout en protégeant l'environnement. Hier une étape supplémentaire a été franchie à Bruxelles avec le lancement officiel de ce programme. Doté d'un budget total de 1,6 milliard d'euros sur 7 ans (2008-2014), ce programme de recherche européen doit permettre d'atteindre une partie des objectifs pour 2020 fixés par le Conseil consultatif pour la recherche sur l'aéronautique en Europe (Acare**) qui visent à réduire de 50% les émissions de CO2, de 50% le bruit perçu, et de 80% les émissions d'oxydes d'azote (NOx).
Le financement de l'UE portera sur 800 millions d'euros au titre du 7e programme-cadre pour la recherche et développement (PCRD) et le secteur privé (avionneurs, motoristes et équipementiers) contribuera au projet pour le même montant. Les défis que nous devons relever aujourd'hui, comme le renforcement de la compétitivité internationale ou la lutte contre le changement climatique, sont communs à l'ensemble des pays européens et la recherche en est un élément de réponse très important, a assuré Janez Potocnik, le commissaire européen à la science et à la recherche. Nous aurons plus de chances de réaliser des progrès décisifs si nous travaillons ensemble. Voilà la logique fondamentale qui sous-tend l'ITC Clean Sky et je me félicite que ce programme soit maintenant lancé et prêt à entamer ses travaux, a-t-il poursuivi.
Le programme sera fondé sur six domaines techniques parmi lesquels les « démonstrateurs technologiques intégrés» (DTI) relatifs aux aéronefs à voilure fixe intelligents, les avions de transport régional verts (ciblés sur les configurations légères et les technologies utilisant des structures intelligentes), les giravions verts (ciblés sur l'installation de pales et de moteurs innovants en vue de la réduction du bruit, la diminution de la traînée de la cellule, les moteurs diesels et les systèmes électriques plus économes en carburant et les trajectoires de vol respectueuses de l'environnement).
Une structure sera également dédiée à l'éco-conception. Elle portera sur l'ensemble du cycle de vie des matériaux et des composants, en se concentrant sur des questions comme l'utilisation optimale des matières premières, la réduction de l'utilisation de matières non renouvelables, les ressources naturelles, l'énergie, l'émission d'effluents nocifs et le recyclage.
À ce jour, le programme « Clean Sky » réunit 86 organisations issues de 16 pays, comprenant 54 entreprises (notamment EADS, Saab, Dassault, Rolls-Royce, Safran et Thales…) dont 20 PME, 15 centres de recherche et 17 universités. Le programme devra être prochainement complété par un second programme du 7e PCRD qui visera à réorganiser l'ensemble du système européen de gestion du trafic aérien.
Affirmant que l'industrie aérospatiale est tout à fait consciente de ses responsabilités sur le plan de l'environnement, Marc Ventre, le président du comité de direction provisoire de l'ITC «Clean Sky» et directeur général du groupe SAFRAN chargé de la branche propulsion aéronautique et spatiale prédit qu'aujourd'hui, le trafic étant appelé à s'intensifier encore, « Clean Sky » préparera une nouvelle étape importante de ce processus en évolution constante.
Rappelons qu'au niveau Français, dans le but d'atteindre les normes fixées par l'UE, cinq des principaux acteurs du transport aérien ont signé, le 28 janvier dernier, une convention avec l'Etat visant à réduire les nuisances des appareils et les émissions polluantes du secteur. Signé par Air France-KLM, le groupement des Industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), Aéroports de Paris (ADP), la Fédération Nationale de l'aviation marchande (FNAM), l'Union des aéroports français (UAF) ou encore le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA), cette convention d'une durée de 4 ans comporte des objectifs dans trois domaines. Aux côtés de la lutte contre les nuisances sonores, la convention porte sur la réduction de l'impact sur le changement climatique et la qualité de l'air local avec, respectivement, la diminution des émissions de dioxyde de carbone et d'oxydes d'azote.
** Les objectifs d'ACARE, fixés en 2000 pour 2020, incluent une réduction de 50% des émissions de CO2 grâce une réduction drastique de la consommation de carburant, une réduction de 80% des émissions d'oxydes d'azote (NOx) et une réduction de moitié du bruit perçu. De plus, le cycle de vie des avions (fabrication, maintenance et démantèlement) devra être écologique.