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Loi biodiversité : les sénateurs réécrivent le texte de l'Assemblée

Les débats reprennent le 10 mai en séance publique sur la loi biodiversité au Sénat. En commission, l'interdiction des néonicotinoïdes et la taxe sur l'huile de palme ont été supprimées. Le régime de réparation du préjudice écologique a été précisé.

Les sénateurs de la commission du développement durable ont adopté le 4 mai, en seconde lecture, le projet de loi-cadre sur la biodiversité (1) , après l'avoir modifié. Ils ont approuvé 143 amendements au texte voté, en seconde lecture, par les députés le 17 mars dernier. Les sénateurs en commission sont, sans surprise, revenus à leur vote en première lecture de fin janvier dernier. Ils ont supprimé l'interdiction des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes à compter de septembre 2018 (article 51 quaterdecies), contre l'avis du rapporteur du texte au Sénat Jérôme Bignon (Les Républicains). Ce dernier s'est vu rejeter, par les groupes socialiste et républicain, son amendement repoussant cette interdiction à septembre 2022. "Ma solution n'est peut-être pas idéale, mais son délai, la dérogation et son actualisation annuelle la rendaient équilibrée", a déploré le rapporteur.

Lors de la conférence environnementale le 25 avril dernier, la ministre de l'Environnement Ségolène Royal s'était engagée à maintenir cette échéance de 2018 dans la loi.

Interdiction des néonicotinoïdes…

Mais la commission sénatoriale a, comme en première lecture, "laissé le soin à un arrêté du ministre chargé de l'agriculture de déterminer les conditions d'utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes". Cette réglementation permettrait de tenir compte des recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), "en encadrant l'utilisation de ces produits, sans pour autant conduire des productions agricoles dans des impasses techniques", soulignent les amendements défendus par les sénateurs Les Républicains. "L'interdiction n'est pas la solution. Pour les apiculteurs que j'ai rencontrés, les néonicotinoïdes, bien utilisés, ne sont pas un problème", a affirmé Rémy Pointereau. Les préconisations de l'Anses seront mises en œuvre "par l'autorité administrative dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi". "La mise en place d'un encadrement renforcé des usages de nature à réduire le risque d'exposition des colonies doit néanmoins tenir compte des alternatives agronomiques disponibles pour lutter efficacement contre les ravageurs des cultures", ajoute l'amendement, présenté par le sénateur Les Républicains Jean Bizet.

… et  taxe "Nutella" à la trappe

En commission, les sénateurs ont également supprimé la taxe additionnelle sur l'huile de palme (article 27A). Cette taxe, pourtant introduite par le Sénat, avait été revue à la baisse par l'Assemblée. Les députés avaient alors divisé en mars dernier, par dix son montant (30 euros par tonne en 2017, 50€ en 2018, 70€ en 2019 et 90€ en 2020). Ils proposaient également d'exonérer les huiles issues d'une production "durable", avec le soutien de Barbara Pompili, secrétaire d'Etat à la biodiversité. Mais la commission sénatoriale juge finalement qu'une telle taxe "présente un risque élevé de non-conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)" et que "le sujet global de la taxation des huiles trouve mieux sa place dans une loi de finances". Cette taxe "est en contradiction avec la déclaration d'Amsterdam sur le développement d'une filière durable de production d'huile de palme, signée en 2015 par la France, soutenant l'engagement du secteur privé de s'approvisionner à 100% en huile de palme durable en Europe d'ici à 2020", a indiqué Jérôme Bignon.

"Pour une meilleure cohérence de la fiscalité, et plutôt que de créer une taxe additionnelle sur l'huile de palme, une harmonisation des taux de taxe applicables aux huiles végétales pourrait être discutée dans le cadre des lois de Finances au même titre que les autres taxes agro-alimentaires comme l'huile de colza ou l'huile d'olive", a ajouté l'amendement présenté par la sénatrice Les Républicains Catherine Deroche. Une mission d'information sur la taxation des produits alimentaires est en cours, menée par les députés Véronique Louwagie (LR) et Razzy Hammadi (Soc.). "Il est préférable d'attendre les résultats de ces travaux avant d'envisager toute évolution sur ce sujet", a souligné le rapporteur.

Les zones prioritaires pour la biodiversité, destinées à mettre en œuvre dans une zone définie des pratiques favorables à certaines espèces menacées (art. 34), ont aussi été retoquées en commission. En première lecture, les sénateurs avaient supprimé ces zones jugées contraignantes pour les agriculteurs, avec le soutien de Ségolène Royal. Les sénateurs ont de nouveau rappelé qu'il existe "toute une panoplie d'outils pour protéger la biodiversité".

Introduits par l'Assemblée, les espaces de continuités écologiques, permettant d'inscrire la trame verte et bleue dans les plans locaux d'urbanisme (art. 36 quater), passent aussi à la trappe alors que le groupe socialiste y était favorable. "Cet article introduit une rigidité puisqu'un tel classement imposerait une obligation de résultat lourdement contraignante, la révision des documents d'urbanisme étant un processus complexe", a indiqué le rapporteur, Jérôme Bignon.

Préjudice écologique, brevetabilité du vivant : des mesures saluées par les ONG

La commission estime avoir voté "un texte équilibré". Les associations France Nature Environnement et Humanité & Biodiversité ont déploré "des modifications régressives" tout en saluant néanmoins quelques mesures. Parmi elles, figure la "consolidation" du nouveau régime de réparation du préjudice écologique dans le code civil (article 2 bis). "Elle est globalement positive bien que réduisant le délai de prescription et limitant les personnes pouvant demander cette réparation", a indiqué Humanité & Biodiversité.

La commission sénatoriale a adopté une série d'amendements visant à "simplifier le dispositif en veillant à sa bonne harmonisation avec le droit commun de la responsabilité civile, à  garantir l'efficacité de la réparation et veiller à la bonne application dans le temps du nouveau dispositif". Afin de permettre "une protection plus ambitieuse de l'environnement", les sénateurs ont créé "une action spécifique pour faire cesser le dommage écologique et prévu une application de ce régime aux dommages nés de faits générateurs antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi".

Les sénateurs ont également maintenu des obligations environnementales pour les nouveaux centres commerciaux (procédés de production d'énergies renouvelables, toitures végétalisées, parkings perméables), même si le délai est repoussé d'un an, soit au 1er janvier 2018  (art. 36 quinquies A).

La commission a aussi restauré la compensation intégrale par l'Etat (article 68 sexies) des pertes pour les communes, provoquées par l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétaires en zones Natura 2000, si cette exonération représente plus de 10% du budget communal.

Humanité & Biodiversité a également salué la réintroduction par le Sénat de la non-brevetabilité des gènes natifs (article 4 ter) dans le texte : "Cela permet d'éviter la brevetabilité des découvertes et non des inventions, ce qui ne constitue donc pas une entrave à la recherche".

Cet article, "en limitant le champ des brevets, répond à une demande des agriculteurs et semenciers français. Il vise à encadrer la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique. Cet article complète le dispositif de l'article 4 bis qui pose le principe de la non brevetabilité du vivant", a souligné Jérôme Bignon.

Unités de travail communes entre l'AFB et l'ONCFS

Enfin, concernant l'Agence française pour la biodiversité (AFB) opérationnelle au 1er janvier 2017, les sénateurs ont de nouveau rétabli parmi ses missions (article 9), l'évaluation des dommages causés par les espèces protégées aux espaces agricoles et forestiers. "C'est une mesure d'appui technique et non de financement", a indiqué M. Bignon. En seconde lecture, les députés avaient supprimé cette mission, déjà assumée par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

En reprenant les compétences de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'AFB exercera des missions de police de l'eau et de la nature, ce qui comprend des opérations de police administrative et des missions de police judiciaire. "En première lecture, j'ai proposé que ces missions soient exercées dans le cadre d'unités de travail communes avec l'ONCFS, l'autre organisme en charge de ces missions de police. Des unités de travail communes sont déjà opérationnelles en outre-mer et fonctionnent bien", a précisé le rapporteur. Ces unités de travail communes seront placées sous l'autorité d'un directeur de la police désigné conjointement par les directeurs des établissements concernés, a ajouté la commission.

Les sénateurs examineront, en séance plénière, le projet de loi du 10 au 12 mai. Une commission mixte paritaire est déjà fixée le 25 mai.

1. Consulter le projet de loi adopté par le Sénat en commission
http://www.senat.fr/leg/pjl15-578.html

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