Téléchargez le Hors Série E&T spécial Eolien, édition 2018
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Avec 14 GW installés sur le territoire français et une production de 24 TWh en 2017, l'éolien est une énergie mature, définitivement ancrée dans notre quotidien, qui ne cesse de se développer et de s'améliorer. Si le développement de nouveaux sites doit faire face à de nombreux défis administratifs, l'exploitation des parcs de la première décade du 21^ème siècle en France doit, elle, relever celui de la fin des tarifs de rachat et de la vente de la production sur le marché de l'électricité. Ce défi, rendu plus prégnant dernièrement par une ressource éolienne capricieuse, incite les exploitants à rechercher un niveau de fiabilité des actifs toujours plus élevé mais aussi à envisager le déploiement de solutions plus ou moins importantes pour optimiser les équipements existants.

Au sein de la France Energie Eolienne, le groupe de travail “Gestion d'actifs” regroupe des acteurs du monde éolien directement concernés par cette problématique. Une année de réunions a permis d'éditer un catalogue de solutions techniques disponibles ou en développement telles que le remplacement des contrôles commandes, l'optimisation de la courbe de puissance ou la vérification de l'équilibre massique du rotor. Afin de maintenir cette dynamique d'échanges riche en enseignements, exploitants, turbiniers et fournisseurs de solutions ont maintenu un rythme régulier de rencontres afin de partager en toute transparence leurs retours d'expériences. L'objectif était de présenter les avantages que peuvent apporter certains outils mais aussi les difficultés à les mettre en place et d'en définir les retours sur investissement.

Le plan d'actions d'EOS Wind France

C'est dans ce contexte qu'au sein du groupe EOS Wind France, nous avons mis en place un plan d'actions en trois étapes :

- Une attention soutenue à l'usure des composants en renforçant : la maintenance préventive par des contrôles périodiques des composants majeurs (inspections semestrielles, tableau haute tension, pales). La maintenance corrective par la création de stocks.

- La sécurisation de nos données : sans données fiables et disponibles à tout moment, il est impossible d'exploiter dans de bonnes conditions. Nous doublons donc nos liens de communication (SDSL renforcée avec le réseau mobile) de chaque parc et sécurisons nos réseaux informatiques (firewall, VPN). Cette architecture nous assure une continuité de service efficace et prévient les risques de piratage informatique à l'heure où les crypto virus deviennent courants.

- L'optimisation des performances des turbines en exploitation en coopération avec turbiniers et fournisseurs de solutions.

Pour ce dernier point, deux solutions ont été identifiées, offrant chacune des caractéristiques différentes. La première cherche à identifier un disfonctionnement tandis que la seconde augmente les capacités de production de la turbine. Nos analyses nous ont permis de constater des écarts de production parfois importants d'une turbine à une autre que les effets de site seuls ne pouvaient justifier. Le désalignement d'une nacelle face au vent peut expliquer ce phénomène. L'industrie éolienne offre de nombreuses solutions pour contrôler et corriger cet état en mesurant le vent en amont de la nacelle (lidar ou ultrasonique). Nous avons donc en premier lieu réalisé une campagne de mesure sur 15 machines avec l'un de ces systèmes et avons constaté un désalignement dans 40% des cas. Nous en avons déduit qu'un désalignement supérieur à 5° entrainait une perte de revenue estimée à 7%.

Trois difficultés à ne pas négliger

L'aérodynamisme n'a cessé d'évoluer avec la filière, les fabricants proposant des profils de pale toujours plus efficaces et des upgrades pour les rotors déjà installés. Nous avons donc dans un second temps mis en œuvre une de ces solutions sur un de nos sites en opération depuis 10 ans. Elle comprend notamment des générateurs de vortex, des extensions de bord de fuite et des spoilers avec une amélioration du productible attendue d'au moins 2%. Si notre expérience est encore très récente, elle nous a permis d'identifier les trois difficultés suivantes :

- L'investissement initial est souvent conséquent avec un retour sur investissement difficile à définir. Par ailleurs, l'augmentation de la production ne se retrouve pas intégralement dans le résultat d'exploitation. En effet, si la production augmente il ne faut pas oublier que c'est aussi le cas du revenu variable des turbiniers et des taxes par exemple.

- Les gains réels de productible sont complexes à quantifier et approximatifs si on se base sur les données turbines, notamment sur nos deux projets. L'utilisation de méthodes comme la comparaison “side-by-side” ou l'intervention d'une société tierce indépendante pour confirmer l'amélioration peut dans certains cas s'avérer utile.

- Quand il s'agit d'installer l'outil d'un fournisseur indépendant du turbinier, il est parfois difficile d'en faire accepter les résultats à ces derniers, surtout si la solution n'a pas été validée en amont par leur service technique. En conclusion, on observe une filière très active sur le sujet récent des optimisations. Des solutions toujours plus nombreuses et utilisant les nouvelles technologies permettent aujourd'hui de répondre aux besoins des exploitants qui cherchent à maximiser les performances de leurs actifs. On constate néanmoins que la mise en place de ces outils n'est pas simple et demande une analyse pertinente du site aussi bien en amont qu'en aval du projet et il est préférable qu'une collaboration avec le turbinier existe sur de tels sujets, ce qui simplifie les échanges et permet de partager les risques.

Pour finir, le GT “Gestion d'actif” de la FEE est un formidable laboratoire qui laisse place aux échanges entre tous les acteurs du monde éolien autour de réussites ou difficultés et fait avancer la profession.

Thomas Grossard, pilote du groupe de travail “gestion d'actif” à FEE et responsable technique EOS Wind France