Les collectivités sont dans les starting blocks pour accueillir les énergies marines, et notamment l'éolien offshore. Mais les volontés locales se heurtent parfois aux stratégies nationales, comme le montre l'exemple de Brême, en Allemagne.
Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°347C'est en 2000 que cette ville autonome a fait le pari de l'éolien offshore. Ancien port logistique de l'armée américaine, la zone a été sinistrée par le départ des GI, consécutif à la chute du mur de Berlin. Dans le même temps, les activités de pêche se sont raréfiées (de 60 chalutiers par semaine à la fin des années 70 à un par mois aujourd'hui) et les commandes des chantiers navals se sont effondrées. Résultat : la ville s'est vidée de sa population et le taux de chômage a atteint 25%.
Pour rebondir, les élus locaux ont souhaité réindustrialiser la zone. "Nous avons décidé de nous concentrer sur notre activité traditionnelle : la mer", explique Martin Günthner, sénateur de Brême. Transport maritime, recherche sur la mer, tourisme ont été développés… "Mais il fallait aussi mobiliser les compétences des chantiers navals (travail de l'acier, chaudronnerie, science des matériaux, logistique…) et faire des ponts avec les industries existantes : l'aéronautique et l'automobile (usine Mercedes)". L'éolien offshore est alors apparu comme une opportunité. En 2003, le gouvernement municipal de Brême a adopté sa stratégie offshore, qui vise à développer la recherche, les infrastructures technologiques et les programmes de formation et de qualification.
Naissance d'un véritable pôle industriel
Pour appuyer le développement de l'éolien offshore, les travaux de l'université locale ont été réorientés et un institut de recherche appliquée a été créé, se remémore l'historienne Rita Kellner-Stoll. Aujourd'hui, 600 chercheurs plancheraient sur l'éolien offshore, estime Andreas Reuter, directeur de l'institut des systèmes éoliens de l'université Leibniz de Hanovre. Les projets de recherche, définis avec l'industrie, portent sur la mesure du vent par laser, afin d'améliorer le pilotage de cette énergie, mais aussi sur la résistance des pales et des rotors.
Côté infrastructures, les élus ont investi 210 millions d'euros pour accueillir ces activités industrielles. Mise à disposition de sites d'essai terrestres, de zones de stockage, aménagements portuaires… Un port en eau profonde est en cours de construction, afin de faciliter le transport de ces immenses machines.
Selon le sénateur Günthner, ces investissements n'ont pas été vains : le secteur privé aurait investi de son côté 800 M€. Une vingtaine d'entreprises spécialisées dans l'éolien offshore se sont établies aux alentours et une centaine d'entreprises ayant des activités connexes constituent ce pôle industriel.
Au large de Bremerhaven, les turbines tournent déjà. Le site d'essai en mer Alpha Ventus, mis en service en 2010, accueille douze éoliennes. Deux parcs sont en cours de construction, pour une mise en service totale en 2016 : Global tech I (400 MW, 80 turbines) et Trianel Windpark Borkum (200 MW, 40 turbines). "La force de Bremerhaven est son infrastructure, mais aussi les compétences que l'on y trouve", analyse Eric Blanc, directeur d'Adwen, exploitant de ces deux parcs. Cette co-entreprise, créée par Areva et Gamesa, y a établi son siège social, son centre de pilotage à distance et une usine de fabrication de nacelles. Ses pales sont fabriquées à 80 kilomètres de là, à Hambourg.
Un avenir compromis par les débats nationaux ?
En 2013, l'éolien représentait 4.000 emplois dans la zone. Mais le débat national sur les énergies renouvelables a jeté un froid sur ce renouveau. Les investissements dans les énergies renouvelables ont été gelés, les carnets de commande de l'éolien offshore se sont vidés. En 2015, le nombre de personnes travaillant dans le secteur a chuté à 2.500... "Il y a eu un véritable coup d'arrêt pendant un an et demi, conduisant à de nombreux licenciements. Cela a cassé une dynamique : beaucoup de jeunes étaient venus travailler ici, dans l'innovation. Ils sont partis, ils ne reviendront certainement pas…", regrette Rita Kellner-Stoll.
La loi sur les énergies renouvelables, adoptée à l'été 2014, a fixé des objectifs ambitieux pour l'éolien offshore (6,5 GW en 2020, 15 GW en 2030 et 50 GW en 2050) et, par là, une nouvelle visibilité pour l'industrie. "Les cahiers de commandes commencent à se remplir à nouveau. Entre 5.000 et 10.000 emplois pourraient être créés", veut croire Martin Günthner. Pourtant, le débat est loin d'être tranché. La forte opposition citoyenne au réseau de transport d'électricité Nord-Sud, nécessaire pour relier les parcs offshore aux zones d'activités économiques, pourrait à nouveau mettre en péril la filière.
Sophie Fabrégat
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