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AccueilChristian de PerthuisMiser sur un contre-choc énergétique : le défi de l'Europe face aux stratégies internationales

Miser sur un contre-choc énergétique : le défi de l'Europe face aux stratégies internationales

Christian de Perthuis nous livre ici son analyse des conséquences préoccupantes de la dépendance énergétique externe européenne, et plaide pour une réorganisation internationale des flux d’énergie, favorable à l'Europe.

Publié le 10/03/2022

La décision de Jo Biden d’arrêter d’acheter du pétrole et du gaz à la Russie porte sur des quantités modestes mais risque d’enclencher des mesures de représailles, probablement ciblées sur le gaz européen. Pour gagner la bataille des sanctions économiques, il convient d’agir massivement sur la demande d’énergie pour briser la spirale haussière des prix.

Avec les mesures prises pour isoler la banque centrale et restreindre l’accès des banques russes au réseau Swift, les sanctions économiques contre la Russie ont monté d’un cran. Toutefois, Gazprombank et Sberbank, par lesquelles transite la majorité des règlements des exportations d’énergie, n’ont pas été déconnectées de Swift. Le secteur de l’énergie reste largement épargné par les sanctions. Il constitue pourtant le poumon économique et financier de la Russie. Les produits énergétiques (pétrole et dérivés, gaz, charbon, électricité) représentent de l’ordre de deux tiers des exportations du pays et abondent 45 % de son budget fédéral. Si on agissait directement sur ces recettes, on affecterait bien plus lourdement les capacités économiques et guerrières du pays[1].

Une mesure de rétorsion visant ces exportations ne peut pas fonctionner. Pire, elle pourrait se retourner contre ses promoteurs en renforçant la cible initialement visée. Certes, les pays européens peuvent freiner, voire interrompre, leurs achats, pour amputer une partie des livraisons physiques de la Russie. S’ils le font, ils ne trouveront pas de substituts à court terme sur le marché mondial, du fait des limites de capacité sur le transport du gaz et des produits pétroliers. Les prix des hydrocarbures risquent alors de s’envoler[2] et la sanction de se retourner contre ses promoteurs.

Effet boomerang des sanctions

L’Union européenne, qui a importé un peu moins de 40 % de son gaz de Russie en 2021, serait la première pénalisée. La Russie pourrait compenser la baisse du volume des livraisons à l’Ouest par la meilleure valorisation de ses hydrocarbures exportés vers les autres pays. Elle serait sans doute gagnante, car les mouvements de prix sont, dans ce genre de situation, bien plus marqués que ceux des quantités.

Cette arme a déjà été testée par Poutine en 2021 avec le freinage des expéditions de gaz vers l’Union européenne. Cela a eu un double effet : l’envolée du prix du gaz européen et la faiblesse des stocks pour passer l’hiver. De façon préventive, le stratège du Kremlin a pris soin d’accroître la vulnérabilité de l’Europe de l’Ouest avant même de franchir les frontières ukrainiennes. S’il renouvelle l’opération, l’Europe de l’Ouest affrontera l’hiver prochain avec des réserves au plus bas[3].

Les Européens peuvent-ils se prémunir contre un tel risque[4] ? Le centre d’analyse Bruegel a effectué les premières simulations sur le gaz. Le message est limpide. Pour faire face à toutes les situations, l’Europe doit agir simultanément sur l’offre et la demande. Côté offre, il s’agit de déployer un ensemble de mesures pour trouver à court terme des alternatives au gaz importé. Faute de temps pour réaliser les investissements requis, cela ne suffit pas. Pour se couvrir efficacement, il faudrait simultanément agir sur la demande en économisant ou rationnant l’énergie.

L’Agence internationale de l’énergie liste les actions sur l’offre et la demande qui permettraient d’amoindrir la dépendance européenne. A court terme, les actions les plus impactantes concernent la demande, mais elles ne suffisent pas si elles se limitent à l’Europe.

Un contre-choc énergétique

Les gros importateurs pourraient sans délai modérer leurs achats via un effort d’économie d’énergie (Japon, Corée du Sud). Les exportateurs pourraient libérer des capacités d’exportation en réduisant leur consommation domestique (États-Unis, Canada, Australie).

Une telle action pourrait être organisée sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie qui centralise les informations sur les flux énergétiques et préconise par ailleurs de telles actions dans tous ses scénarios de décarbonation au nom de l’action climatique. Il ne s’agirait pas de distribuer des cartes de rationnement à l’ensemble des consommateurs, mais de s’accorder sur des objectifs à court terme de réduction de la demande finale au sein des grands pays et de mettre en place un dispositif de suivi. Chaque pays resterait ensuite libre de la façon dont il mobiliserait ou contraindrait ses citoyens et ses entreprises pour réduire au moindre coût sa demande énergétique finale.

Irréaliste, un tel contre-choc énergétique organisé du côté de la demande ? Si on veut affaiblir la capacité économique de la Russie, c’est pourtant l’arme qu’il nous faut mettre en place sans délai avant qu’elle ne se retourne contre nous.

 

Article initialement publié sur le blog de Christian de Perthuis[5].

 

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[1] Article Énergie, Russie, gaz naturel. Gaz pas hilarant, Les Échos, 6 mars 2022. Lien vers l’article.

[2] Article Guerre en Ukraine : les prix du gaz et du charbon atteignent des records,Étienne Goetz, Les Échos, 2 mars 2022. Lien vers l’article.

[3] Article Ukraine : comment l’Union européenne pourrait se passer du gaz russe dès l’hiver prochain, Richard Hiault, Les Échos, 1 mars 2022. Lien vers l’article.

[4] Article L’Europe pourrait compenser la coupure du gaz russe mais au prix fort, Yves Bourdillon, Les Échos, 7 février 2022. Lien vers l’article.

[5] Article originel publié sur le blog de Christian De Perthuis. Lien vers l’article.

Article proposé par : Christian de Perthuis Christian de Perthuis Economiste

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1 Commentaire

Dmg

Le 11/03/2022 à 9h43

La semaine dernière un méthanier russe déchargeait en France sa cargaison de GNL. Son nom ? De Margerie ! Tant que l'Europe tolèrera de telles accointances entre ses propres sociétés d'hydrocarbures et les pires dictatures, on n'avancera pas !

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