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AccueilOlivier SidlerNon, la méthode de calcul du DPE n’est pas fausse !

Non, la méthode de calcul du DPE n’est pas fausse !

Consultant en énergie du bâtiment, Olivier Sidler revient sur la nouvelle méthodologie de calcul du DPE. Contrairement à d'autres acteurs, il la défend. Il critique par contre la méthode de révision de la structure du parc immobilier en septembre 2020.

Publié le 07/10/2021

Les pouvoirs publics viennent de retirer l’outil de calcul du DPE pour les logements datant d’avant 1975, au motif qu’il comporte des bugs et qu’il conduirait à livrer des rapports « anormaux », surévaluant le nombre de logements de classes F et G. Ceci fait suite aux remontées des professionnels de l'immobilier qui ont pointé une augmentation du nombre de ces logements.

Quelles références pour ce nouveau calcul ?

Mais une augmentation par rapport à quoi ? De telles remarques peuvent surprendre parce qu’elles semblent préjuger du résultat attendu. Rappelons qu’il est difficile aujourd’hui, même pour des professionnels aguerris, d’avoir des repères en la matière, car l’étiquette énergie vient de changer en profondeur, que les seuils ne sont plus les mêmes et surtout qu’il existe désormais deux échelles qualifiantes, l’une en énergie et l’autre en émission de gaz à effet de serre (GES). Rappelons aussi que la réforme a abaissé le seuil d’entrée dans la classe énergétique G qui est passé de 450 à 420 kWhEP/m²/an[1]. Difficile dans ces conditions de se faire a priori une idée du résultat final.

D’autre part, le DPE devant devenir opposable, la méthode de calcul, jusque là passablement approximative, a été profondément améliorée par une commission réunissant de nombreux experts du bâtiment. D’une manière générale ce travail a effectivement conduit à une augmentation de la consommation de chauffage, mais aussi à une baisse de la consommation d’eau chaude sanitaire (dont les besoins étaient surévalués jusque là). Il faut donc considérer cette nouvelle méthode comme beaucoup plus fiable, même si elle doit amener à dégrader les bilans de consommation.

Enfin, affirmer qu’il y a une surévaluation du nombre de logements de classes F et G, suppose de disposer d’une référence : surévalué, mais par rapport à quoi ? En principe, c’est à l’issue de l’ensemble des diagnostics que l’on saura quel est le nombre et la proportion de logements dans chaque classe énergétique.

Deux méthodes de calculs pour le DPE

L’ensemble de ces affirmations un peu péremptoires renvoie aux enjeux des stratégies mises en place afin d’éradiquer l’ensemble des passoires énergétiques (les logements de classes F et G) d’ici 2028, comme la loi nous y contraint. Mais dans un délai aussi court, l’éradication n’est possible que si le nombre de logements de classes F et G est limité…. Il existait depuis 2013 une enquête de terrain de grande qualité (baptisée Phébus), construite sur la réalisation de 2 500 DPE exécutés avec rigueur, associée à des entretiens dans chaque logement. Cette enquête datant de 2012, elle devait être actualisée pour tenir compte des logements construits depuis lors et pour intégrer la nouvelle étiquette énergie (alors dénommée Phébus +). Elle conduit au nombre de 9,3 millions de logements de classes F et G, valeur probablement un peu majorante si l’on tient compte des « gestes » de rénovation qui ont dû faire sortir quelques milliers de logements du statut de passoire.

Mais en septembre 2020, les pouvoirs publics ont publié une étude visant à redéfinir le nombre de logements dans chaque classe énergétique[2]. En s’appuyant sur une méthodologie particulièrement obscure, elle a conclu que les classes F et G ne comptaient plus que 4,8 millions de logements… Le but était évident et il est donc étonnant que ce soit sur la base de cette étude contestable qu’a été optimisée la nouvelle étiquette énergie. On comprend pourquoi l’enjeu des premiers diagnostics est considérable : c’est toute la stratégie mise en œuvre qui peut être mise en cause, ainsi que l’exécution de la loi Climat et résilience[3] rendue impossible.

Dès lors le plus simple est de confronter les chiffres que le terrain vient de faire remonter, en les comparant aux structures de parc issues des deux méthodes en concurrence : celle du service de la donnée et des études statistiques appartenant au Commissariat général au développement durable (CGDD/SDES) et Phébus +.

On a appris que 384 000 DPE avaient été réalisés depuis le 1er juillet 2021, que 207 000 concernaient des logements d’avant 1975, que parmi ceux-ci 80 000 étaient en classes F ou G, et 105 000 en classes D ou E.

Notons d’emblée que le taux de DPE dans les logements d’avant 1975 (53,9 %) est proche du nombre de logements d’avant 1975 dans le parc (50,5 %). Le tableau 1 en synthétise les observations (cf. première illustration ci-dessous).

Ce tableau met clairement en évidence la bonne concordance, sur toutes les classes énergétiques, entre les retours de terrain et le modèle de parc décrit par Phébus + (bien que celui-ci majore un peu la part des classes F et G et minore celle des classes D et E comme indiqué plus haut). En revanche, le modèle proposé par l’étude CGDD/SDES est totalement disqualifié. C’est pourtant lui qui a servi de référence à ceux qui viennent de déclarer que la méthode du DPE comportait des anomalies.

Que les choses soient donc claires : non la méthode de calcul du DPE n’est pas défaillante et ne comporte pas de bugs majeurs. Elle délivre un verdict qui est juste. C’est la méthode de révision de la structure du parc en septembre 2020 qui est fausse[4] et qui doit être abandonnée au plus vite. Si les pouvoirs publics traitaient cette affaire, comme ils semblent vouloir le faire, en modifiant la méthode de calcul du DPE, qui a pourtant fait l’objet de consensus entre de nombreux experts, ils détruiraient définitivement la confiance des Français dans l’étiquette énergie et videraient celle-ci de son sens profond. Ils seraient bien mieux inspirés en s’attaquant sérieusement à la rénovation du parc de logements plutôt qu’en cherchant en permanence à modifier le thermomètre qualifiant l’état de ce parc.

 

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[1] NDLR : kWhEP/m²/an : kilo Watt heure d’énergie primaire, par m² et par an.

[2] « Le parc de logements par classe de consommation énergétique » ‐ CGDD – Septembre 2020

[3] NDLR : Loi climat et résilience : https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience

[4] Voir la critique p.13 à 17 ici : http://leblog.enertech.fr/15-blog-olivier-sidler/74-reforme_cachee_dpe

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