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AccueilStéphanie GandetRéforme de la propriété des personnes publiques : les principaux impacts sur la production d'énergie

Réforme de la propriété des personnes publiques : les principaux impacts sur la production d'énergie

Le Code général de la propriété des personnes publiques vient d'être réformé par l'ordonnance du 19 avril 2017. Cette réforme concerne un grand nombre de projets et notamment les projets de production d'énergie. Détails avec Stéphanie Gandet avocat associ

Publié le 15/05/2017
Environnement & Technique N°370
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°370
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L'ordonnance du 19 avril 2017 modifie le Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), et plus précisément les conditions dans lesquelles l'occupation ou l'utilisation privative du domaine public peut être autorisée. Cette réforme est susceptible de concerner un grand nombre de projets nécessitant d'occuper le domaine public de façon temporaire ou pérenne.

L'une des principales innovations tient à l'instauration d'une obligation de mise en concurrence et de publicité qui s'appliquera, dans certaines conditions, aux autorisations d'occupation du domaine public ou privé et aux permissions de voirie. Présentation des principaux enjeux , en distinguant les changements qui concernent le domaine public de ceux qui concernent le domaine privé.

L'exigence nouvelle de mise en concurrence des autorisations sur le domaine public

Sous l'empire du droit antérieur, il n'existait pas d'obligation de mise en concurrence ou de publicité1, sauf si l'activité autorisée sur le domaine entrait dans le champ d'application de la directive n°2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services. Or cette jurisprudence de principe pouvait apparaître contraire à la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne2 (CJUE) qui avait jugé que la délivrance d'un titre d'occupation du domaine public à un opérateur économique supposait la mise en œuvre d'une procédure transparente.

L'ordonnance prend acte de la position de la CJUE et impose désormais à l'autorité compétente, lorsque le titre délivré permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, d'organiser une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité3 permettant aux candidats potentiels de se manifester.

Des exceptions sont prévues

Plusieurs exceptions4 sont prévues. On relèvera notamment que lorsque le titre d'occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa délivrance s'inscrit dans le cadre d'un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection, il n'a pas à être précédé d'une mise en concurrence.

De plus, la procédure de mise en concurrence ne doit pas être mise en œuvre si elles'avère "non justifiée" ou "impossible". Il est précisé que l'autorité compétente peut ainsi délivrer le titre à l'amiable, notamment dans les cas suivants :

1° Lorsqu'une seule personne est en droit d'occuper la dépendance du domaine public en cause ;

2° Lorsque le titre est délivré à une personne publique dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l'autorité compétente ou à une personne privée sur les activités de laquelle l'autorité compétente est en mesure d'exercer un contrôle étroit ;

3° Lorsqu'une première procédure de sélection s'est révélée infructueuse ou qu'une publicité suffisante pour permettre la manifestation d'un intérêt pertinent est demeurée sans réponse ;

4° Lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d'occupation ou d'utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique projetée ;

5° Lorsque des impératifs tenant à l'exercice de l'autorité publique ou à des considérations de sécurité publique le justifient.

Un garde fou est alors prévu : en l'absence de procédure de mise en concurrence, la personne publique doit alors rendre publiques les considérations de droit et de fait l'ayant conduite à ne pas mettre en œuvre la procédure. Il s'agit là évidemment d'une obligation cruciale dont les gestionnaires de domaine, mais surtout les opérateurs privés bénéficiaires des autorisations d'occupation, devront prendre soin afin de sécuriser les actes conclus.

Les projets de production d'énergie concernés

Cette hypothèse semble a priori pouvoir s'appliquer aux permissions de voirie et aux autorisations d'occupation du domaine routier communal lorsqu'est en cause l'enfouissement de câbles nécessaires aux projets de production d'électricité (parcs éoliens, centrales photovoltaïques, unité de cogénération, centrales hydroélectriques etc…). L'un des exemples énumérés à l'article L. 2122-1-3 du CG3P peut en effet être considéré comme pertinent pour ce type de projets : "4° Lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d'occupation ou d'utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique projetée ;".

En revanche, les titres portant sur des emprises relevant du domaine public et accueillant de façon pérenne des ouvrages industriels, notamment de production d'énergie, secteurs dans lesquels la concurrence en vue de la sécurisation du foncier peut être rude, pourraient probablement être soumis à mise en concurrence, sauf à se trouver dans l'une des exceptions listées par le CG3P.

Une analyse au cas par cas deviendra indispensable afin de s'assurer que le titre s'inscrive bien dans les nouvelles dispositions juridiques. A défaut, le risque n'est pas seulement l'illégalité de l'acte d'autorisation d'occupation mais également les erreurs quant au régime juridique qui en découle. Par exemple, la cession ou le transfert d'une autorisation d'occupation temporaire (AOT) ne sera possible que si le titre ne rentre pas dans la catégorie des AOT soumises à publicité et mise en concurrence. Cette limitation propre aux autorisations concernées par l'obligation de mise en concurrence pèse lourd pour les projets de production d'énergie, souvent portés par la société mère avant que l'ensemble des autorisations soit transféré à une société dédiée (SPV).

De plus, la durée des AOT5 doit désormais être déterminée en fonction "de l'amortissement des investissements" réalisés par l'occupant, en vue d'assurer "une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis".

Le domaine privé également concerné ?

Aucune obligation de mise en concurrence et de publicité n'existait avant la réforme6. Cependant, la distinction entre domaine public et domaine privé est étrangère au droit communautaire7, et la jurisprudence précitée de la CJUE de 2016 devrait donc également s'appliquer au domaine privé.

S'agissant de l'ordonnance, on relèvera que le rapport au Président de la République qui l'accompagne semble indiquer que le domaine privé serait concerné par les nouvelles dispositions : "L'article 3 impose, à la lumière de la décision de la Cour de justice du 14 juillet 2016 dite Promoimpresa Srl, de soumettre la délivrance de certains titres d'occupation du domaine public et privé à une procédure de sélection entre les candidats potentiels ou de simples obligations de publicité préalable, lorsque leur octroi a pour effet de permettre l'exercice d'une activité économique sur le domaine".

Mais cela ne ressort nullement du texte adopté, puisque l'article L. 2122-1 du CG3P ne vise que l'hypothèse de l'occupation ou de l'utilisation d'une "dépendance du domaine privé d'une personne publique par anticipation à l'incorporation de cette dépendance dans le domaine public, lorsque l'occupation ou l'utilisation projetée le justifie." Il s'agit donc d'une hypothèse très restreinte.

Une entrée en vigueur au 1er juillet 2017

L'article 15 de l'ordonnance dispose que les nouvelles règles sont applicables aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017. Certes, il résulte de ce qui précède que ce moyen n'aura que peu de chances de prospérer en cas de recours dirigé contre la permission de voirie ou l'autorisation d'occupation du domaine délivrée antérieurement à cette date, mais il ne fait nul doute que des débats auront lieu sur cette question compte tenu de l'existence de la jurisprudence de la CJUE de 2016.

Avis d'expert proposé par Stéphanie Gandet - Avocat associé du cabinet Green Law Avocats

1 CE, 3 décembre 2010, association Jean Bouin, n° 338272
2 CJUE, 14 juill. 2016, aff. C-458/14
3 CG3P, nouvel article L. 2122-1-1
4 aux articles L. 2122-1-2 et L. 2122-1-3 du CG3P
5 article L. 2122-2 du CGPPP
6 voir par exemple : TA Montpellier, 17 Mai 2011, Mme Dunleavy, Assoc Roc Paradet, n° 0904600
7 CJCE, 18 Juin 1985, Aff. C-197/84, Steinhauser c/ Ville de Biarritz

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1 Commentaire

Laura

Le 16/05/2017 à 11h04

J'aimerais savoir pourquoi affirmez-vous que "la cession ou le transfert d'une autorisation d'occupation temporaire (AOT) ne sera possible que si le titre ne rentre pas dans la catégorie des AOT soumises à publicité et mise en concurrence"?

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