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Ce que prévoit la modeste directive sur la performance énergétique des bâtiments

La nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments affiche des objectifs intéressants mais les obligations concrètes restent modestes. La volonté politique fera toute la différence, estime l'avocate Corinne Lepage.

Publié le 30/05/2018
Environnement & Technique N°382
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°382
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Le Parlement européen a adopté le 26 avril 2018 une directive modifiant les précédentes directives 2010/ 31 et 2012/27 concernant respectivement la performance énergétique des bâtiments et l'efficacité énergétique. Ce texte s'inscrit dans la stratégie communautaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030 par rapport à 1990, d'augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique et de l'efficacité énergétique grâce à des économies d'énergie. L'examen et l'analyse d'impact des textes existants par le Parlement ont conduit à proposer un certain nombre de modifications dont celles concernant les bâtiments qui représentent 50% de la consommation d'énergie finale de l'Union.

Des objectifs généraux intéressants

L'objectif est donc d'obtenir un parc immobilier efficace sur le plan énergétique et décarboné pour parvenir à des bâtiments à consommation nulle pour 2050. Un tel objectif impose un taux moyen annuel de 3% de rénovation, chaque augmentation de 1% des économies d'énergie générant une réduction des importations de gaz de 2,6%. Ce chiffre n'est pas exact en France où l'addiction à l'énergie nucléaire a conduit à l'usage déraisonnable du chauffage électrique. Cette politique rejoint les lignes directrices de l'OMS concernant la qualité de l'air intérieur des bâtiments en prévoyant le retrait de l'amiante et des substances nocives de ces bâtiments.

Les moyens pour parvenir à une bonne performance énergétique ne se limitent pas à l'enveloppe des bâtiments, mais concernent également les techniques passives, la consommation de l'éclairage et la ventilation et les solutions fondées sur la nature comme la végétation urbaine et les murs végétalisés.

Toute une série d'outils financiers sont favorisés par la directive comme les prêts hypothécaires en matière d'efficacité énergétique pour la rénovation des bâtiments certifiés efficaces, les investissements des autorités publiques dans le cas de PPP ou de contrat de performance énergétique, des guichets uniques proposant des services intégrés de rénovation énergétique et la valorisation des mesures prévues dans l'initiative "Financement intelligent pour bâtiments intelligents" de la Commission. Cependant, la directive propose que les mesures financières soient liées à la qualité des travaux de rénovation et à l'efficacité des économies d'énergie obtenues. Cela passe bien entendu par la performance des équipements et des matériaux, le niveau de certification de qualification des installateurs et l'amélioration obtenue, évaluée en comparant les certificats de performance énergétique délivrés avant et après rénovation.

Une des innovations les plus intéressantes résulte certainement de l'électromobilité. La directive propose de déployer les infrastructures de recharge obligatoires dans les bâtiments résidentiels et non-résidentiels. Il va de soi qu'une telle mesure liée au développement des énergies renouvelables propres à ces bâtiments crée une boucle énergétique intégrant pour une part le stockage de l'électricité.

La numérisation du système énergétique, l'intégration des énergies renouvelables aux réseaux intelligents et aux bâtiments à potentiels d'intelligence sont également au cœur du projet. La directive propose un indicateur de potentiel d'intelligence pour permettre de mesurer la capacité des bâtiments à l'utilisation des technologies de l'information, de la communication pour adapter le fonctionnement des équipements du réseau et améliorer l'efficacité énergétique de la performance globale.

Mais, concrètement, les obligations restent modestes

D'abord, l'article 2 bis de la directive impose une stratégie de rénovation à long terme qui débouche sur une feuille de route comportant des mesures et des indications de progrès mesurables pour parvenir à des bâtiments à consommation quasi nulle en 2050. La feuille de route doit comporter des jalons énergétiques pour 2030 et 2040. Cet objectif s'accompagne d'un soutien aux investissements dans les travaux de rénovation par l'agrégation des projets, la réduction des risques, l'utilisation de fonds publics et des guichets uniques. Cette stratégie de long terme doit faire l'objet d'une consultation publique.

En second lieu, l'article 8 (nouveau) fixe des exigences en termes de système de performance énergétique totale, la réalisation d'un point de recharge pour dix emplacements de stationnement pour les bâtiments non résidentiels neufs ou faisant l'objet d'une rénovation importante. Pour les bâtiments résidentiels, l'infrastructure de raccordement doit permettre les branchements individuels avec de nombreuses dérogations.

L'inspection des systèmes de chauffage est revue avec une obligation d'inspection régulière pour les systèmes ayant une puissance nominale utile supérieure à 70 kW, avec là aussi un certain nombre de dérogations.

Dans les grands bâtiments l'automatisation et le suivi électronique pourraient permettre de réaliser des économies substantielles. Pour les bâtiments non résidentiels ayant une puissance nominale supérieure à 290 kW, la directive impose un système d'automatisation et de contrôle pour 2025 mais cette obligation est subordonnée à une faisabilité technique et économique.

Une directive qui interpelle le système français actuel

Les plans de rénovation thermique des bâtiments se sont succédés depuis des années avec un succès plus que limité. Le manque d'investissements publics, des politiques erratiques de soutien aux investissements privés, les difficultés économiques et budgétaires expliquent cette situation cependant que la construction de nouveaux bâtiments soumis à la RT 2012 reste très inférieure à nos besoins. La première question posée est donc celle de la volonté politique d'investir réellement dans la rénovation des bâtiments et celle du système bancaire de jouer le jeu.

En second lieu, la vision communautaire est indubitablement celle d'une décentralisation énergétique dans laquelle le bâtiment joue un rôle central non seulement en devenant source de production énergétique, mais également source d'alimentation électrique des véhicules automobiles. La part importante prise par l'électromobilité dans le système s'inscrit dans une vision communautaire d'un développement massif du transport électrique, les véhicules devenant une utilisation importante du stockage électrique par batterie de l'électricité produite localement. La France est très loin de cette vision compte tenu de l'option pour une électricité très centralisée qui continue, quels que soient les discours, à être le dogme.

En troisième lieu, les indicateurs de potentiel d'intelligence des bâtiments et de manière plus large, la connectivité des bâtiments pour mettre le consommateur au centre du réseau et en capacité d'être le plus efficace possible sont incompatibles avec la généralisation du système Linky qui ne permet précisément pas cette agilité du consommateur et son adaptabilité permanente. Le caractère facultatif de ces dispositions pourtant particulièrement intéressantes n'est pas une bonne nouvelle pour la France.

De plus, on ne peut que regretter que la discordance des dates exclût le débat national autour du plan de rénovation à long terme des bâtiments du débat actuel autour de la PPE. Il faut espérer que ce débat devrait se dérouler dans quelques années, le temps nécessaire à l'élaboration du plan. Il faut espérer également que cette consultation puisse être l'occasion de mettre sur la table les grands sujets autour de la rénovation des bâtiments et les blocages auxquels elle se heurte.

Enfin, espérons que les professionnels dont les start-ups du bâtiment, de la communication, de l'électromobilité, de l'énergie auront le poids suffisant pour que ce texte constitue un réel levier pour sortir notre pays d'une mise en mouvement beaucoup trop lente de la transition énergétique dans le secteur du bâtiment et de la mobilité.

Avis d'expert proposé par Corinne Lepage, avocate à la Cour au cabinet Huglo Lepage, Co-présidente du Mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie (MENE)

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1 Commentaire

Tunroc

Le 31/05/2018 à 11h23

"La connectivité des bâtiments... Incompatible avec la généralisation des Linky" : j'aurai pensé le contraire! puisque qu'il sera ainsi possible à l'abonné de mieux connaitre sa consommation et son profil horo-saisonnier et donc de la maîtriser et réduire, et de produire en ER, en individuel ou en collectif local. Expliquez donc cette incompatibilité prétendue! Par ailleurs seule une volonté politique ferme d'augmenter fortement le prix TTC des énergies fossiles par une fiscalité additionnelle entièrement affectée au financement diffus de la transition énergétique, pourrait modérer voire éviter l'effet de yoyo du prix du baril et donc l'incertitude régnante actuelle sur la rentabilité des investissements diffus d'efficacité énergétique, l'indécision dominant les comportements individuels, collectifs et publics actuels. De plus, une taxation forte et concertée diminuera à terme les excès financiers des pays producteurs autocrates et leur financement de l’extrémisme et de l'entretien des guerres. La taxation forte, concertée et affectée des fossiles, c'est la voie vers la transition, ses millions d'emplois, vers la paix juste et globale et la restauration du climat global.

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