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Gestion des sites pollués : garantie des vices cachés et changement d'usage

Fanny Vellin, avocate, nous éclaire ici sur les circonstances de l’affaire ayant mené à l’arrêt de la Cour du Cassation du 29 juin 2022, concernant les responsabilités en cas de travaux de dépollution supplémentaires à effectuer sur un site.

Publié le 01/09/2022

Dans une décision en date du 29 juin 2022[1], la Cour de cassation a apporté des précisions concernant le point de départ du délai de prescription de la garantie des vices cachés en cas de découverte de pollution des sols et concernant la responsabilité du dernier exploitant en cas de changement d’usage du site.

Ce qu’il faut retenir

Le point de départ du délai de deux ans de l’action en garantie des vices cachés est la date à laquelle la pollution ou son ampleur, a été découverte. La Cour a précisé que c'est la date de communication du diagnostic établissant la pollution et non pas du devis des travaux nécessaires pour remédier à cette pollution qu'il convient de prendre en compte.

L'entreprise responsable des coûts de dépollution est l'entreprise qui est à l'origine du changement d'usage - quand bien même la fin de la procédure de cessation d'activité n'aurait pas été actée[2].

Les cessions de sites pollués sont sujettes à contentieux lorsque les vendeurs et acquéreurs ne sont pas conseillés par des conseils spécialisés, en particulier en cas de cessions successives, de changements d'usage ou de procédure de cessation d'activité réalisée avant le 1er juin 2022.

Les faits

Après la mise à l’arrêt définitive d’une activité de fabrication de peintures et de savons industriels, le dernier exploitant a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de mise en demeure, en date du 17 juillet 2008, lui enjoignant de transmettre la copie de la proposition de l’usage futur du site ainsi qu’un échéancier pour sa mise en sécurité.

Le 5 octobre 2009, le dernier exploitant a obtenu un permis l’autorisant à réhabiliter les bâtiments existants pour les transformer en bureaux, ateliers et stockage. Cet usage était conforme au plan d’occupation des sols alors en vigueur qui affectait la zone à des activités industrielles ou commerciales.

Le 16 novembre 2009, la préfecture a notifié au dernier exploitant qu'après instruction par ses services techniques, le site était considéré comme mis en sécurité.

Le 19 mai 2010, une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) établie par le dernier exploitant a conclu qu’aucune mesure de réhabilitation n’était nécessaire et que le risque était acceptable eu égard à l’usage futur du site.

Le 28 février 2011, le dernier exploitant (le « vendeur ») a vendu le terrain à un groupe acquéreur (l’« acquéreur »). L‘acte de vente prévoyait une clause de garantie selon laquelle, si une dépollution était nécessaire, le vendeur s’engageait à supporter les coûts de dépollution qui seraient nécessaires, si ces coûts étaient supérieurs à 200 000 euros.

Peu après, un nouveau plan d’urbanisme a été adopté. Ce nouveau plan est venu modifier l’affectation de la zone sur laquelle se trouvait le site en la transformant en zone exclusivement dédiée aux logements.

Le 4 août 2011, l’acquéreur a revendu le terrain à une SCI sous-acquéreur (le « sous-acquéreur »). Selon cet acte de vente, « l’état actuel des biens immobiliers vendus permet leur utilisation pour un usage quelconque ». Un diagnostic approfondi de pollution établi le 31 mai 2011 a été joint à l’acte de vente.

Le jour de la signature du second acte de vente, le vendeur et le sous-acquéreur ont conclu un acte intitulé « Délégation de pouvoirs », selon lequel le vendeur a donné au sous-acquéreur mandat et pouvoirs "à l'effet de régulariser tous actes et toutes formalités aux fins de déclassement du site", et, "plus généralement, tous les actes ayant un lien direct ou indirect avec ledit déclassement et à cet effet il subroge en tant que de besoin dans ses droits et actions à ce titre [la société sous-acquéreur], cette dernière prendra à sa charge exclusive les frais inhérents audit déclassement du site sous son entière responsabilité".

Le sous-acquéreur a déposé une demande de permis de construire pour une opération immobilière consistant en la démolition de l'existant et la construction d’un immeuble de logements conformément au nouveau plan d’urbanisme. Ce nouveau projet et ce changement d’usage nécessitaient cependant une dépollution supplémentaire.

Un rapport de l'inspection des installations classées en date du 24 août 2011 a établi que, l’EQRS « ne correspondait pas au projet envisagé dans le cadre du nouveau permis de construire ».

Le 30 mars 2012, le vendeur a reçu un second courrier de mise en demeure de l’autorité préfectorale qui mentionnait que l’acceptabilité du risque associé à l’usage futur, telle qu’elle était relatée dans l’EQRS, n’était pas suffisante pour garantir la remise en état du site au regard des obligations lui incombant en sa qualité de dernier exploitant. Néanmoins, ce même courrier rappelait que l’EQRS correspondait bien à l'usage futur qui avait initialement été validé.

La procédure

Le sous-acquéreur s’est alors retourné vers le vendeur pour qu’il effectue cette dépollution. Ce dernier ayant refusé, le sous-acquéreur l’a assigné en paiement de dommages-intérêts et a assigné l’acquéreur sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés.

Le sous-acquéreur s’est prévalu de la clause contenue dans l’acte de vente conclu entre le vendeur et l’acquéreur, selon laquelle l’exploitant s'engageait, si une dépollution était nécessaire, à supporter les coûts qui seraient supérieurs à 200 000 euros.

Enfin, le sous-acquéreur s’est prévalu du fait que le délai de deux ans pendant lequel l'action en garantie des vices cachés peut être intentée, devait courir à compter de la découverte du vice dans son ampleur réelle apprécié au moment du devis des travaux de dépollution et non pas à compter de la découverte de l’existence de la pollution établie par le diagnostic approfondi.

La Cour d’appel de Paris a déclaré irrecevables les demandes du sous-acquéreur et la Cour de cassation a confirmé la décision d’appel.

La Cour s’est fondée sur le fait que la dépollution supplémentaire du site avait été rendue nécessaire par le changement d'usage opéré à l'initiative du sous-acquéreur après l’acquisition du terrain, de sorte que le coût qui en résultait était à la charge de ce dernier.

À propos de la clause de garantie conclue dans l’acte de vente initial, la Cour a constaté qu’elle ne s’appliquait qu’au titre du permis de construire obtenu lors de la cessation d'activité. La Cour a ainsi déduit qu'il n'était pas démontré que l’exploitant avait manqué à ses obligations de remise en état, dès lors que ce dernier avait alors rempli son obligation conformément à l’usage futur du site tel qu’il avait été validé par la mairie.

Sur la question du délai pendant lequel l'action en garantie des vices cachés peut être intentée, la Cour a constaté qu’une mention de la dépollution supplémentaire avait été faite au sein du diagnostic approfondie de pollution demandé par le sous-acquéreur lors de la vente. Elle en a alors déduit que les vices invoqués par la SCI étaient connus d'elle dès la communication de ce rapport, et que le délai courrait donc à partir de celui-ci. Le fait qu’elle n’ait eu connaissance du coût réel des travaux de dépollution que plus tard n’ayant aucune incidence puisque la connaissance du vice n'est pas conditionnée par la connaissance du coût des travaux nécessaires pour y remédier.

Conclusion

Pour les cessations d'activité intervenues avant le 1er juin 2022, date d'entrée en vigueur de la loi ASAP, la date exacte de la fin de la procédure de cessation d'activité n'est pas toujours connue.

En l'absence de procès-verbal de récolement, il peut être difficile de déterminer si un changement d'usage est réalisé dans le cadre de la procédure de cessation d'activité ou après la procédure de cessation d'activité.

La jurisprudence précise ici que l'entreprise responsable des travaux de dépollution nécessités par un changement d'usage, est celle qui est à l'origine du changement d'usage.

Depuis le 1er juin 2022, le calendrier de la procédure de cessation d'activité des activités est strictement encadré : en l'absence d'arrêté préfectoral dans un délai de deux mois à compter de l'attestation certifiant la conformité des travaux de réhabilitation au regard des mesures de gestions prévues et des travaux réalisés, la procédure de cessation d'activité est considérée comme achevée.

Cette jurisprudence sera-t-elle maintenue pour les cessations d'activité qui interviendront après le 1er juin 2022, dans l'hypothèse où la demande de permis à l'origine du changement d'usage intervenait avant l'achèvement de la procédure de cessation d'activité ?

 

_____________________________________________

[1] Arrêt de la Cour de cassation, Pourvoi n° 21-17.502 : accès au texte.

[2] Article de Laurent Radisson, Sites pollués : la dépollution supplémentaire résultant d'un changement d'usage est à la charge de l'acquéreur sur Actu-environnement : accès à l’article.

 

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