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La biosurveillance des milieux gagne du terrain

La métrologie de l'eau en quête de renouveau Actu-Environnement.com - Publié le 23/05/2016

Alors que l'écotoxicologie n'était pas prête pour faire partie des outils d'application de la directive cadre sur l'eau de 2000, ses avantages sont aujourd'hui redécouverts. La biosurveillance est une approche recherchée et appréciée pour affiner la connaissance des milieux et surtout les restaurer.

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La biosurveillance des milieux gagne du terrain
Environnement & Technique N°358 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°358
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Utiliser le vivant pour évaluer l'état global d'un écosystème ? Rien de plus logique. Le nombre d'espèces présentes, l'abondance des individus sont en effet des critères qui peuvent traduire le niveau de dégradation du milieu. Ce principe est d'ailleurs l'un des deux piliers sur lesquels repose la surveillance des milieux aquatiques terrestres demandée par la Directive cadre sur l'eau (DCE). Depuis 2000, cette DCE a conduit les Etats membres à faire un état des lieux complet de leurs masses d'eau (lacs, rivières, eaux souterraines) sous deux approches. Un état physico-chimique, basé sur des analyses de concentration de plusieurs contaminants dans l'eau, et un état biologique basé sur les espèces présentes ou non dans le milieu (bioindication écologique).

Mais maintenant que l'état des lieux a été réalisé, l'heure est à la restauration des milieux dégradés. Car l'objectif ultime de la DCE est bien de restaurer la qualité des masses d'eau. Les gestionnaires des milieux, sur lesquels porte cette responsabilité, cherchent à modifier les pratiques pour améliorer la situation. Encore faut-il qu'ils sachent ce qui a causé la dégradation du milieu. Une question à laquelle ne répondent pas les outils d'analyse actuels, ce qui pousse au déploiement de nouvelles méthodes d'analyse de la qualité des milieux.

L'utilisation du vivant pour compléter les données

Les mesures chimiques et la bioindication écologique de la DCE présentent certaines lacunes que les nouveaux outils biologiques cherchent à combler. "Le problème de la mesure, c'est qu'on aura beau faire la liste de toutes les molécules chimiques du monde, on aura beau avoir les meilleurs appareils de mesure, il est impossible de doser toutes les molécules toxiques. Il n'est pas possible de comprendre toute la toxicité en regardant juste la chimie.
 Il faut une réponse intégrée sur le biologique", estime Arnaud Chaumot, chercheur à l'Irstea et co-fondateur de Biomae, une société qui propose un test biologique utilisant des crevettes.

D'autre part, la présence de molécules dans le milieu ne veut pas forcément dire qu'elles sont toxiques pour les populations. "Tout dépend de leur biodisponibilité, c'est-à-dire leur capacité à s'accumuler dans les organismes vivants, explique Guillaume Jubeaux, président et co-fondateur de Biomae. Nous pouvons observer deux concentrations identiques d'une même molécule dans deux milieux différents, mais ne pas avoir les mêmes niveaux d'accumulation dans les êtres vivants. Les organismes mesurent la fraction biodisponible des molécules en fonction des caractéristiques des milieux. C'est leur principal intérêt par rapport à des analyses d'eau". L'écotoxicologie fait ainsi le lien entre les observations biologiques (biomarqueurs) et l'exposition à des molécules. Le vivant répond au volet sanitaire de la DCE en déduisant le niveau d'exposition des êtres vivants et par la même occasion de l'Homme.

"Le vivant permet également d'expliquer les dégradations observées dans les milieux", complète Arnaud Chaumot. Les causes possibles sont multiples : pollution chimique, dégradation physique… "Les biomarqueurs peuvent être utilisés pour cibler les causes chimiques. Ils aident ainsi les gestionnaires à savoir quel robinet il faut couper pour améliorer l'état écologique", détaille le chercheur de l'Irstea. Surtout que la DCE impose une obligation de résultat. Elle a pour objectif l'atteinte d'ici 2015 du "bon état" de l'ensemble des masses d'eau. Si la deadline est désormais dépassée, l'objectif est lui toujours d'actualité.

De nouveaux outils déjà utilisés sur le terrain

Si la directive impose des obligations de résultats, elle ne donne aucune obligation de moyens. Les Etats membres ont donc une certaine marge de manœuvre pour arriver à leurs fins. De nombreux projets de recherche ont ainsi été lancés pour développer les outils adéquats. Ils ont abouti à la mise au point de tests biologiques capables de rendre compte d'une pression chimique globale.

C'est le cas par exemple du test du laboratoire WatchFrog qui utilise des larves d'amphibiens et de poissons pour détecter la présence de perturbateurs endocriniens dans un milieu. Equipés d'un gène codant la production d'une protéine fluorescente, les larves de WatchFrog s'illuminent en présence de perturbateurs endocriniens. "Le niveau de fluorescence révèle les effets des produits chimiques sur le système hormonal, explique Gregory Lemkine, co-fondateur et PDG du laboratoire WatchFrog. Les hormones contrôlent toutes nos grandes fonctions physiologiques comme la reproduction, le développement du système nerveux, le métabolisme, le système immunitaire… Donc lorsqu'un têtard a son équilibre hormonal perturbé, c'est qu'il est exposé à un cocktail de micropolluants dans l'eau qui va perturber ses grandes fonctions physiologiques". Normalisé depuis octobre 2015, ce test est aujourd'hui utilisé aussi bien pour la surveillance des milieux que pour évaluer le potentiel toxique d'effluents industriels, ou d'effluents de sortie de station d'épuration.

Utilisés initialement dans l'industrie pharmaceutique pour identifier le potentiel toxique d'une molécule, ces tests arrivent aujourd'hui dans la métrologie de l'eau pour servir de complément à la mesure chimique classique. "Avec la mesure chimique, on ne trouve que ce que l'on cherche. Ca ne prend pas en compte l'effet cocktail. Les tests biologiques sont donc indispensables pour savoir si le milieu est toxique ou non", estime Philippe Durand, directeur scientifique de Kallistem. Sa société propose un test capable de mesurer le potentiel toxique d'un échantillon d'eau sur la spermatogénèse. "Ce test est un système d'alerte. Si l'échantillon induit un dysfonctionnement de la spermatogénèse, il y a de grande chance pour qu'il perturbe d'autres fonctions physiologiques", prévient Philippe Durand.

La start-up Biomae commercialise de son côté un test utilisant des gammares, des mini-crevettes à la fois accumulatrices et sensibles aux polluants. Leurs particularités ? Les organismes utilisés, avant d'être exposés par encagement dans le milieu à tester, sont "calibrés". Après avoir été pêchés dans l'élevage, ils sont conditionnés en laboratoire (température, nourriture, etc.) durant une période donnée avant leur transplantation pendant plusieurs jours sur les stations d'étude. Suite à cette phase d'exposition in situ, les gammares sont analysés pour mesurer la biodisponibilité de molécules et l'impact toxique du milieu à l'aide de biomarqueurs. "La grande force de ces tests est de donner une réponse comparable dans le temps et l'espace, ce qui n'est pas possible avec des individus prélevés dans le milieu, pour lesquels les incertitudes sont trop nombreuses", explique Guillaume Jubeaux, président et co-fondateur de Biomae.

Un avenir prometteur

Les tests développés par les instituts de recherche et déployés sur le terrain par ces start-up sont déjà utilisés par les gestionnaires des milieux comme les agences de l'eau. "Il ne s'agit plus de recueillir des connaissances. Nos tests, utilisés depuis plus de dix ans par les industriels sont devenus des outils d'aide à la décision", estime Grégory Lemkine. La France a fait de la biosurveillance un axe de recherche majeur. Elle est aujourd'hui bien placée sur ce sujet comme l'Allemagne et l'Angleterre. D'autres pays, comme les Pays-Bas, qui ont principalement des canaux, développent plutôt des échantillonneurs passifs.

L'ensemble des travaux français va alimenter les réflexions européennes. La DCE pourrait fortement les encourager dans les prochains cycles de mesures. La France a clairement l'intention de les généraliser. En avril 2015, le ministère de l'Environnement a d'ailleurs officiellement reconnu l'utilisation de moules et d'huitres pour la surveillance du milieu marin. L'Ifremer est en charge d'animer ce réseau de surveillance. "Il est probable que d'ici quelques années, l'approche par le biote soit poussée au point de ne plus fixer de seuil de rejet en terme de concentration de polluants dans l'effluent mais de fixer un maximum de potentiel toxique à rejeter", imagine Arnaud Chaumot, chercher à l'Irstea.

Florence Roussel

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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