La façon pour le moins chaotique dont ont été révisés les tarifs de rachat de l'électricité photovoltaïque, entre novembre 2009 et mars 2010, masque fondamentalement un conflit entre les ambitions d'EDF et la filière photovoltaïque. Les conflits d'intérêts entre EDF et la filière photovoltaïque Le soutien au photovoltaïque, via les tarifs réglementés, est en effet directement répercuté sur les factures des consommateurs français, par la CSPE (Contribution au Service Public de l'Electricté). En ce sens, elle échappe à EDF et ne contribue en aucune manière à l'augmentation de ses revenus. Or, EDF a clairement manifesté son souhait d'augmenter significativement ses tarifs afin de financer sa croissance et ses investissements, principalement étrangers. Comment donc concilier, pour les consommateurs d'électricité, et dans un contexte de tension sur le pouvoir d'achat, une hausse simultanée du tarif de base et de la CSPE ? Léquation semble impossible. Lorsque la communication fait office d'information Dans ce contexte de marché, les attaques continuelles du secteur photovoltaïque, orchestrées par les lobbies, fusent dans la presse qui s'en est fait largement écho ces derniers mois : - explosion annoncée de la CSPE, - mise en exergue des malfaçons, hélas nombreuses, d'installations, - annonces alarmistes sur l'augmentation rapide des demandes de contrat d'achat (en omettant de préciser que bon nombre des projets associés ne verront jamais le jour pour de multiples raisons), - inquiétudes d'ERDF d'une probable saturation du réseau en raison du nombre élevé d'installations photovoltaïques, quand l'Allemagne, avec 20 fois plus de puissance photovoltaïque installée, ne connaît pas ce type de problème… L'excellence des services de communication des opposants à la filière photovoltaïque permet d'instiller des contrevérités rarement contestées. Le photovoltaïque français n'est pas apprécié à sa juste valeur Le fond du problème réside également dans la balance des paiements : il semble plus judicieux de financer EDF pour ses futures exportations que l'industrie photovoltaïque qui importe massivement modules et cellules de Chine ou de Taiwan. Or, si l'on peut regretter que l'industrie française de fabrication de silicium, wafers, cellules, et modules photovoltaïques soit si pauvre, on ne peut ignorer deux éléments importants : 1- d'une part, le module photovoltaïque ne représente plus que 30-35% du coût d'une installation photovoltaïque, le reste étant constitué de main d'œuvre d'installation pour 25%, ainsi que d'éléments « systèmes » (câbles, connectique, onduleurs, systèmes d'intégration au bâti ou de fixation). Or, les systèmes sont majoritairement fabriqués en Europe ou en France, la main d'œuvre étant généralement essentiellement française. 2- d'autre part, il n'est pas si évident que cela que les centrales, nucléaires ou non, que souhaite exporter EDF, puissent contribuer aussi efficacement que le photovoltaïque à la création d'emplois et au développement de l'industrie française, dès lors que des parties importantes seront fabriquées et sous-traitées à l'extérieur de nos frontières. Paradoxalement, alors qu'il est connu que les innovations et les créations d'emplois proviennent majoritairement des PME, nombreuses dans le photovoltaïque, nos gouvernements semblent accorder beaucoup plus de crédit aux grandes entreprises et à leurs ambitions hors de nos frontières. Une opportunité industrielle qu'il est encore possible de saisir Enfin, en termes stratégiques, n'y a-t-il pas un intérêt majeur à développer les énergies renouvelables considérées, par tous les économistes, comme l'un des gisements les plus prometteurs de création d'emplois et d'industrie ? La spécificité française de « l'intégration au bâti » a donné à la France une chance unique de prendre une longueur d'avance sur le reste du monde en favorisant une industrie des « systèmes photovoltaïques » et une culture visant à faire du photovoltaïque un matériau du bâtiment, ce qui est sans doute sa vocation ultime. Le bras de fer prend même une tournure symbolique : tissu de PME et vision d'un système énergétique décentralisé, contre société du CAC 40 et culture de grands programmes nucléaires centralisés. Opposer et affronter ces deux visions de façon manichéenne serait assurément faire un pari perdant : notre avenir énergétique et industriel sera nécessairement pluriel, et un soutien français affirmé à l'énergie photovoltaïque, assorti de mécanismes de régulation et de soutien à l'innovation enfin adéquats, peut nous permettre de nous tailler une place de choix dans l'industrie des énergies renouvelables. Dans quelques années il sera trop tard. Avis d'expert proposé par Antoine Nogier, président de Sun'R.