Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilAlix DardennesL’accès au foncier agricole, pierre angulaire de la transition agroécologique

L’accès au foncier agricole, pierre angulaire de la transition agroécologique

Alix Dardennes et Stan Muraczewski, lauréats du Prix Jeunes EpE/LCI, plaident pour l’instauration d’un nouveau plan Marshall de l’agriculture à travers un montage financier ingénieux liant banques et épargne, en faveur d’une agriculture régénératrice.

Publié le 15/09/2021

Alors qu’en France, 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d’ici quatre ans[1], que 200 fermes disparaissent chaque semaine[2], et qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours[3], il est urgent de mettre en place une politique volontariste pour renouveler les générations d’agriculteurs, récompenser les pratiques durables et redonner du sens à ce métier fondamental.

 

L’agriculture, au cœur des enjeux sociaux, économiques, et environnementaux

Perte de diversité génétique et catastrophe climatique : tels sont actuellement les deux phénomènes constituant les menaces les plus imminentes pour la pérennité́ de l’espèce humaine[4].

Or, il existe une corrélation significative entre l’effondrement du nombre d’agriculteurs au sein de la population française et l’effondrement de la biodiversité sur ce territoire. La corrélation est inversée lorsqu’il s’agit des émissions de gaz à effet de serre : moins il y a d’agriculteurs, plus le secteur agricole est émetteur. Outre l’aspect environnemental, l’agriculture humaine – à l’opposé de l’agriculture intensive – est garante aussi bien du maintien d’un savoir-faire technique et traditionnel, d’emplois non délocalisables, de paysages bucoliques, que de notre souveraineté alimentaire.

 

Un moment décisif

Alors que 50 % des agriculteurs sont en passe de partir à la retraite, c’est aujourd’hui qu’il faut favoriser la transmission des terres à de nouveaux porteurs de projets, afin d’endiguer le phénomène de remembrements et de concentrations des terres.

Or nombreux sont ceux qui se heurtent à une difficulté majeure : l’accès au foncier agricole. C’est particulièrement le cas des Non-issus du milieu agricole (NIMA). Pourtant, ces derniers représentent une part majeure des personnes souhaitant aujourd’hui s’installer en agriculture – à l’image de la région Nouvelle-Aquitaine, où ils représentent deux tiers des personnes se présentant au Point d’accueil installation-transmission (PAIT) [5]. Cette difficulté s’explique en partie autant par l’inflation du foncier agricole, que par le refus de financement des banques, faute de savoir évaluer la solidité économique d’un projet d’agriculture, non qualifiée de « conventionnelle ».

 

Un « plan Marshall de l’agriculture » pour favoriser l’accès au foncier agricole et récompenser les pratiques durables

Une première solution existe pour permettre aux banques de jouer leur rôle dans la transition agricole. Il s’agirait d’un produit financier drainant l’épargne citoyenne pour financer l’achat de terrains par des porteurs de projets agroécologiques, via la combinaison d’un Bail Rural Environnemental (BRE)[6] et d’un leasing[7]. Alors que l’épargne en France atteint des sommets, 75 % des répondants à une enquête d’Opinion Way menée en 2017[8] souhaiteraient choisir les projets financés par leur épargne, avec la nette volonté qu’il s’agisse de projets locaux.

Concrètement, la banque se porterait acquéreuse du terrain et signerait un BRE combiné à un leasing avec le porteur de projet. A l’issue des neuf ans, moyennant une somme résiduelle, le porteur de projet pourrait à son tour acquérir le terrain, à condition d’avoir respecté les clauses environnementales du BRE. Pour limiter l’inflation du foncier agricole, tant la banque que le porteur de projet signeraient une clause les engageant à ne pas revendre le terrain à un prix supérieur au prix d’achat, revalorisé à l’inflation générale moyenne. 

Pour assurer une évaluation correcte des projets, la banque ferait appel à des experts de terrain : membres des Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (CIVAM)[10], des Associations pour le développement de l'emploi agricole et rural (ADEAR)[11], des Groupements d’agriculteurs biologiques (GAB)[12], des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER)[13], etc. L’expertise apportée serait subventionnée par la puissance publique, via la labellisation de ce service en Service d’intérêt économique général (SIEG).

Favoriser l’installation de porteurs de projets agroécologiques est d’une nécessité vitale. Il convient ensuite de récompenser les pratiques durables. Une solution permettrait de récompenser les agriculteurs mettant en place des méthodes facilitant le stockage du carbone – telles que celles de l’agriculture régénératrice : ces derniers pourraient être rémunérés via la vente de quotas carbone.

 

Une nouvelle rémunération pour une nouvelle agriculture

L’agriculture régénératrice a pour but «de régénérer les sols, augmenter la biodiversité, la séquestration du carbone [...], la résilience des sols face aux fluctuations du climat, optimiser le cycle de l’eau et améliorer la fourniture de services écosystémiques»[14].

Bien qu’il n’existe aujourd’hui pas de label, des expérimentations de terrain[15] confirment ce potentiel. Une modification des pratiques comme le zéro-labour, la culture de plantes à racine profonde ou l’utilisation d’engrais naturel permettrait de réduire et stocker du dioxyde de carbone et de régénérer la qualité des sols.

Les aides financières insuffisantes et le surendettement des exploitations[16] ne permettent pas aujourd’hui de transitions vers ces pratiques. C’est pourquoi le changement de méthode doit s’accompagner de nouveaux mécanismes de rémunération des exploitants.

Par exemple, la séquestration de carbone peut être mesurée et suivie à l’aide de nouvelles méthodologies[17]. Concrètement, ces mesures de stockage permettraient d’obtenir des quotas qui pourraient être vendus, assurant ainsi une meilleure rémunération aux agriculteurs favorisant ces pratiques. Mettre en place un tel mécanisme de rémunération permettrait ainsi de stabiliser financièrement et écologiquement les exploitations agricoles françaises.

L’aval de la puissance publique semble aujourd’hui indispensable pour que ces solutions voient le jour : parlementaires, ministres, ou candidats à l’élection présidentielle pourraient s’en saisir, afin de répondre de manière adéquate à l’un de plus grands enjeux de notre siècle.

 

Par Alix Dardennes, Etudiante à Sciences Po Paris, et Stan Muraczewski, chargé de Projet chez Tremplin 01, tous deux lauréats du Prix Jeunes pour l'Environnement 2021 EPE/LCI.

________________________________________________________________________

[1] https://www.lecese.fr/travaux-publies/entre-transmettre-et-sinstaller-lavenir-de-lagriculture

[2] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/le-vrai-du-faux-260-exploitations-agricoles-disparaissent-chaque-semaine_2119203.html

[3] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/08/17/31003-20180817ARTFIG00252-pourquoi-un-agriculteur-se-suicide-t-il-tous-les-deux-jours-en-france.php

[4] www.gc.soton.ac.uk/files/2015/01/Steffen-01-16-15-copy.pdf

[5] https://draaf.nouvelle-aquitaine.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Pre-Rapport_AITA_cle413488.pdf

[6] NDLR. https://www.cerema.fr/system/files/documents/2017/10/Bail_rural_clauses_environnementales_10_Questions_10_R%C3%A9ponses.pdf

[7] NDLR. Définition de Leasing : « Location-vente de matériel ou de bien d'équipement qui est assortie d'une option d'achat au terme d'une période déterminée ». Source Cnrtl.fr. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2437

[8] https://www.lafinancepourtous.com/2017/04/07/les-francais-et-lepargne-des-envies-de-proximite/

[10] NDLR. CIVAM : https://www.civam.org/

[11] NDLR. ADEAR : https://www.agriculturepaysanne.org/qui-sommes-nous

[12] NDLR. GAB : https://www.fnab.org/un-reseau-des-valeurs-des-hommes/qui-sommes-nous/150-fonctionnement-reseau

[13] NDLR. SAFER : https://www.safer.fr/

[14] https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_r%C3%A9g%C3%A9n%C3%A9ratrice

[15] https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/Rapport%20Etude%204p1000.pdf

[16] https://www.paysan-breton.fr/2015/12/les-exploitations-francaises-fortement-endettees/

[17] https://www.inrae.fr/actualites/marche-carbone-lutter-contre-changement-climatique

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

2 Commentaires

Olivier

Le 16/09/2021 à 11h40

Bonjour,
Proposition intéressante, cependant, je ne comprends pas bien l'intérêt par rapport au dispositif "Terre de liens" : vous argumentez sur le fait que le porteur de projet devient propriétaire de sa terre et bénéficie donc d’une sûreté pour sa retraite. Mais on pourrait aussi imaginer améliorer le système de retraite actuel, sans switcher vers un système reposant sur l’accumulation d’un capital foncier. Les ouvriers ne dépendent pas pour leur retraite de la possession de leur outil de production, pourquoi les agriculteurs? En attendant, et même avec votre dispositif pour modérer le prix de la terre, l'agriculteur va, je suppose, devoir payer à la banque des mensualités de leasing bien supérieures au montant d'un fermage, et peut-être s'endetter auprès de la banque pour lui payer le résidu et acquérir la terre. Pourquoi mettre au point un système, certes sophistiqué, allant dans le sens de faire porter aux agriculteurs la charge de la possession de leur outil de travail, qui est un des gros problèmes pour l'installation des agriculteurs NIMA, alors même que des citoyens non agriculteurs sont prêts à investir durablement leur épargne dans des projets locaux, comme le sondage que vous citez semble le montrer? Et ceci sans pour autant revendiquer une part de la plus-value agricole à laquelle leur qualité de propriétaires terriens donnerait droit. Sur ces sujets, une note intéressante: https://utaa.fr/notes-thematiques/politique-fonciere-et-agriculture/ A vos avis!

Signaler un contenu inapproprié

Citi

Le 17/09/2021 à 17h59

Tout à fait d'accord pour la mise en place d'un plan Marshall pour une agriculture régénératrice, mais je me permets d'émettre le doute s'agissant de rendre dépendants les Non-issus du milieu agricole (NIMA) d'une banque au travers d'un contrat de leasing. Le principe du leasing est que l'objet financé ne vous appartient qu'en cas de paiement des loyers, et ce jusqu'au bout du contrat. Une météo chancelante, un rendement en baisse,..., et on perd tout! Toujours se rappeler que les banques sont soumises à des obligations de performance dossier de prêt par dossier de prêt. Les banques n'ont pas le droit de faire de la philanthropie.

Vous rejetez la solution de Terre de liens parce que les exploitants ne peuvent pas vendre la terre qu'ils ont entretenue à leur retraite. Pourtant, à la place d'un coût de leasing et autres frais annexes (dont des frais de propriétaire), ils n'ont avec Terre de liens que des frais de location limités, fixés par arrêté préfectoral. L'économie réalisée entre le gros montant pour le leasing et le petit montant pour la location pourra être placé ailleurs que dans "leur" terre selon leur choix, par exemple en préparation de leur retraite mais aussi pour un meilleur confort de vie tout simplement.

Signaler un contenu inapproprié

Commentez ou posez une question à Alix Dardennes

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié