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AccueilChristian de PerthuisLa « taxe carbone » à la frontière et la décarbonation de l’industrie lourde

La « taxe carbone » à la frontière et la décarbonation de l’industrie lourde

Le 13 décembre 2022, l’Europe a posé un acte politique majeur, en décidant la fin des quotas de Co2 gratuits et un prélèvement variable sur les importations polluantes. Analyse par Christian de Perthuis.

Publié le 18/12/2022

Ce mardi 13 décembre, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne ont adopté ce que l’on appelle la « taxe carbone » aux frontières. C’est un volet important des treize mesures législatives et réglementaires, proposées en juillet 2021 par la Commission dans le cadre du « Fit for 55 ». Ce dispositif ouvre les voies d’une accélération de la décarbonation de l’industrie lourde en Europe. Mais de nombreuses difficultés sont encore à régler (à ce sujet, retrouvez mon analyse dans le podcast de France Culture avec l’excellent Guillaume Erner).

Il ne s’agit pas d’une taxe

Le dispositif adopté n’est pas une « taxe ». Il s’agit de faire régler le prix du carbone aux importateurs de marchandises soumises au système d’échange de quotas en Europe. Ce prélèvement à la frontière est fixé en fonction du prix du quota de CO2 sur le marché européen. Il doit permette d’égaliser les conditions de concurrence entre les industriels européens soumis au système d’échange de quotas et leurs compétiteurs extérieurs.

Actuellement, ces industriels bénéficient d’une protection sous forme d’attribution gratuite de quotas. Ce dispositif envoie une incitation perverse, car il agit comme une subvention aux énergies fossiles. La mise en place du mécanisme d’ajustement à la frontière a donc vocation à se substituer à ce mode de protection.

L’enjeu de la suppression des allocations gratuites et des produits transformés

Encore faut-il s’assurer que ces allocations gratuites seront supprimées au rythme de la montée en charge du prélèvement à l’importation, ce qui n’est actuellement pas garanti. Le rythme de baisse de ces allocations est en effet fixé par un autre texte européen, portant sur la réforme du marché carbone. Rappelons qu’en 2012, les règles adoptées pour la troisième période du marché européen (2013-2020) prévoyaient déjà la suppression graduelle de ces allocations, ce qui n’a pas été fait.

Les recettes générées par les nouvelles mises aux enchères devraient être prioritairement destinées à l’accélération de la décarbonation de l’industrie lourde. C’est un enjeu majeur de l’atteinte de la neutralité carbone, l’industrie étant, juste après la production d’électricité et devant le transport, la seconde source d’émission dans le monde.

Dans certaines filières, une attention devra être portée aux produits transformés comme les véhicules ou les éoliennes. Ces secteurs ne sont pas eux-mêmes inclus dans le système d’échange de quotas mais leur fabrication incorpore une part important d’acier qui sera soumis au prélèvement variable.

En l’absence de mesures correctrices, l’incitation pourrait être de fabriquer ces produits à l’extérieur de l’Union européenne, puis de les importer sans régler le coût du CO2. L’incitation à décarboner l’industrie lourde se transformerait alors en une incitation à délocaliser certaines industries à l’aval !

Comment positionner la réforme vis-à-vis du reste du monde ?

Au plan extérieur, l’Union européenne devra convaincre le reste du monde, qu’il ne s’agit pas d’une mesure protectionniste destinée à protéger ou prolonger le fonctionnement d’industries matures fortement émettrices de CO2.

Les principaux partenaires commerciaux de l’UE qui seront touchés, sont la Chine, les États-Unis, la Turquie, l’Inde et certains pays du Maghreb ou du Proche-Orient. Ils ont déjà manifesté leur opposition à ce dispositif, qu’ils soupçonnent être une forme de protectionnisme déguisé. L’Union européenne devra donc défendre sa doctrine, consistant à affirmer que la sauvegarde du climat prime sur les règles du libre échange, tant que le coût du réchauffement climatique n’est pas intégralement intégré dans les valeurs marchandes.

Une attention particulière devra être portée aux pays moins avancés, dont l’accès au marché européen ne doit pas être affaibli. Sous cet angle, il est regrettable que les propositions qui avaient été faites de réorienter une partie des recettes vers ces pays n’aient pas été retenues.

La totalité du produit de ce nouveau prélèvement, apparenté à un droit de douane, ira en effet au budget européen. Mais rien n’empêche d’augmenter, dans ce budget, les sommes dirigées vers les pays moins avancés.

 

Christian de Perthuis

Article originellement publié sur le blog de Christian de Perthuis, le 16 décembre 2022.

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Annexes :

Podcast sur France-Culture (8mn).Article « Touche pas à mes quotas ».

Article proposé par : Christian de Perthuis Christian de Perthuis Economiste

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1 Commentaire

Albatros

Le 20/12/2022 à 18h56

La taxe touche que acier, aluminium, ciment, engrais, déjà taxés via des systèmes incroyablement complexes, non homogènes dans l'UE. Il faudrait d'abord évaluer la contrainte fiscale moyenne européenne sur ces produits et mettre tous les pays au même niveau. Cela ne sera pas fait et on en restera au système ETS, le seul uniforme en UE.
De nombreuses autres taxes liées au CO2 existent : en France, « contribution climat » sur l’énergie, répercutée sur les coûts de production.
Pour une « égalité de traitement » entre imports et productions internes, il faut soit conserver les exonérations d’achats de quotas pour les activités intensives en énergie et appliquer aussi des calculs en tenant compte pour les imports, soit supprimer les exonérations. Cela double les prix de revient pour l’acier, le ciment, l’aluminium.
Une partie de ces matières étant issues de recyclages (acier de ferrailles, aluminium refondu, ciment de sous-produits des hauts fourneaux). Comment les différencier des produits issus de minerais au passage à la douane ? C’est probablement faisable mais impossible à généraliser aux frontières. Compter sur les exportateurs pour divulguer leurs procédés de fabrication… on peut toujours rêver. Entre matières neuves et recyclées, le bilan GES peut aller du simple au double. Comme pour recycler il faut des quantités énormes d’électricité, il faut connaître le bilan de l’électricité utilisée dans le pays exportateur.
Aucun praticien industriel n’a dû être consulté.
Slts

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