
Pour Guillaume Simonet, les solutions d'adaptation aux changements climatiques doivent être pensées de manière globale, sans omettre l'atténuation. Selon lui, la lutte contre les ICU passe donc par un questionnement de nos modes de vie.
Entretien avec Guillaume Simonet, Chercheur associé à l'Institute for climate economics (I4CE)
Actu-environnement : Face à la hausse attendue des pics de chaleur et de leur intensité, les villes s'emploient à lutter contre les îlots de chaleur. Quelles sont les difficultés ?
Guillaume Simonet : La question de l'adaptation m'a toujours posé problème : qu'entend-on par là, jusqu'où va-t-elle ? Il est difficile de définir exactement ce que cette notion recouvre. A l'origine, c'est le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui a employé ce mot dans les années 1990. Il estimait qu'il fallait, outre réduire l'impact des activités humaines sur le climat, s'attaquer aux conséquences du changement climatique. C'est donc une construction humaine : il s'agit de se protéger contre les effets du changement climatique, comme la montée des eaux. Au départ, cette question était principalement traitée par des géographes, de manière très technique. Mais cette approche constitue un danger : on ne remet pas en question le système, on veut le surprotéger. Or, le système est contributeur net du changement climatique, il faut qu'il évolue. D'ailleurs, lorsque l'on regarde dans le dictionnaire, l'adaptation est définie comme un processus qui permet de se réorganiser… Par exemple, pour éviter l'érosion des sols, les collectivités peuvent opter pour un renforcement des protections, un rehaussement des digues et/ou, au contraire, accepter de vivre avec le risque. Peu à peu, le sujet s'est ouvert et d'autres disciplines se sont intéressées à la question : la sociologie, la géographie sociale, la psychologie…
AE : Justement, comment les collectivités traitent la question aujourd'hui ?
GS : Les collectivités sont confrontées à une réelle difficulté. Alors qu'elles ont des ressources contraintes, on leur demande de réaliser des plans climats et des stratégies d'adaptation, sans davantage définir ce qui relève de l'atténuation ou de l'adaptation. Quid de l'isolation des bâtiments, la végétalisation, la sensibilisation ? C'est à elles d'interpréter, cela peut dépendre des enjeux locaux. La communauté urbaine de Dunkerque (59) a décidé de ne pas trancher. Le mot adaptation n'est employé à aucun moment dans les 173 actions qui constituent son plan climat. Ces mesures ont été définies en fonction de l'urgence, et par une direction transversale, ce qui permet de décloisonner les réflexions.
AE : Est-ce qu'aujourd'hui, les collectivités pourraient être tentées par la mise en place de mesures visibles, comme la végétalisation, sans traiter le problème en profondeur ?
GS : L'important, c'est qu'il y ait des mesures, même si elles sont cosmétiques ! Cela veut dire qu'il y a eu une action de la collectivité, c'est mieux que l'inaction… Mais on voit parfois des choses farfelues, sans véritable vision d'ensemble. Les toits végétaux n'ont finalement que peu d'effets sur l'isolation ou le développement d'îlots de chaleur, par rapport à l'ensemble des coûts générés par leur installation et leur entretien… Si l'on regarde l'analyse de cycle de vie de cette solution, on constate qu'il y a une forte consommation d'énergie fossile, et peu de gains en termes de surmortalité l'été…
C'est la première génération des plans climat, on tâtonne encore. On peut espérer que, pour la deuxième génération, la réflexion sera plus poussée, plus systémique. L'objectif est d'aller plus loin que la simple mesure pour tendre vers le gain. Je suis optimiste : c'est un sujet sur lequel les acteurs sont assez volontaires. Il faut les encourager à aller vers une adaptation, une transformation beaucoup plus globale, ce que l'on appelle finalement la durabilité. Il faut se protéger, mais aussi changer nos modes de vie et nos mentalités : consommation d'énergie, émissions de gaz à effet de serre, production de déchets… Le terme réorganisation me convient assez.
AE : Mais ces questions bousculent davantage…
GS : Oui, c'est sûr, mais il faudra passer par là, c'est inévitable. Il y a une question que l'on n'aborde que trop peu, celle de la démographie. C'est un sujet sensible et très émotionnel, que l'on peut difficilement mettre sur la table. Or, en France, il y a 200.000 personnes en plus chaque année sur le territoire, l'équivalent de la ville de Rennes (35). Il va falloir se poser la question : est-ce que l'on peut tous vivre au même endroit ? Est-ce que l'on peut tous vivre au même niveau de richesse ? Dans d'autres pays, comme la Chine ou l'Inde, ces questions ont fait des dégâts, avec un planning familial forcé… Il y a aussi des exemples plus probants, comme celui du Mexique, qui a entamé une politique publique sur la question dès 1974, amorçant une transition sans brutalité ni violence significatives. Mais aujourd'hui, même les démographes bottent en touche en extrapolant une éventuelle stabilisation future, sans relever que les dégâts se font d'ores et déjà sentir. C'est dommage car la politique de l'autruche ne fait que retarder l'échéance d'aborder la question.
Propos recueillis par Sophie Fabrégat
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L'étude de SPF est très riche d'enseignement sur la nécessité de mettre en place des plans climatiques appropriés dans les agglomérations importantes. Natif justement de Dunkerque qui est stipulé ici, je peux témoigner que cette ville est transformée!
J'ai des interrogations sur la variance de krigeage, quèsaco?
Ensuite le style de la police de caractère ne permet pas dans cette étude(page 16) de comprendre(en ce qui me concerne) la méthode de calcul de l'impact sur la mortalité, pourriez-vous me transmettre les équations lisibles.
Pour info une application réservée au professionnel intitulé "AIRVISUAL" donne toutes les deux heures des données sur 6000 villes environ( taux d'humidité-vitesse du vent...)
Retrouvez le dossier "Ilots de chaleur : premières pistes pour ré-inventer la ville"
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