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Les micropolluants questionnent les traitements et le suivi des stations d'épuration

Micropolluants : la lutte s'intensifie Actu-Environnement.com - Publié le 28/11/2016

La prise en compte de la question des micropolluants dans les stations d'épuration est complexe. Il existe des traitements capables de les supprimer, mais leur coût et le suivi de ces molécules placent le rapport coût-bénéfice au coeur des choix.

Micropolluants : la lutte s'intensifie  |    |  Chapitre 11 / 11
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Les stations d'épuration (Step) ont été conçues pour traiter le carbone, l'azote et le phosphore mais pas les micropolluants. Pourtant, elles reçoivent des effluents complexes qui contiennent plusieurs centaines de molécules en concentration variable : de quelques microgrammes par litre (μg/L) pour certaines à plusieurs centaines de microgrammes par litre pour d'autres.

Malgré tout, la situation n'est pas catastrophique selon plusieurs projets de recherche menés ces dernières années. Par exemple, le projet "Amélioration de la réduction des micropolluants dans les stations de traitement des eaux usées domestiques" (Armistiq) mené de 2010 à 2013 a permis de mieux connaître les performances des stations. Pour cela, les chercheurs ont mesuré l'efficacité avec différentes conditions de fonctionnement. Le projet démontre qu'une optimisation des traitements actuels est possible.

Des stations à optimiser

Le gain potentiel associé à l'optimisation du fonctionnement des Step, en terme de réduction des concentrations de sortie pour des polluants tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les alkylphénols ainsi que certains résidus de médicament, métaux ou pesticides, serait de l'ordre de 10 à 30%.

L'étude a aussi permis de déterminer le rôle des différents paramètres. Ainsi, l'augmentation de la température améliore le rendement d'élimination de quelques pourcents seulement pour certains micropolluants (ibuprofène, paracétamol, métoprolol, diclofénac). La diminution des concentrations dans les eaux traitées est donc faible. Un doublement de la concentration en matière sèche en suspension dans le bassin d'aération conduit à une faible augmentation du rendement d'élimination (de 93 à 95% pour l'ibuprofène et de 77 à 83% pour le métoprolol). Enfin, l'aération, au-delà de la durée nécessaire, apporterait une élimination supplémentaire des micropolluants très limitée.

"Le niveau d'efficacité dépend du type de molécule, du niveau de performance des filières par rapport aux polluants classiques et du type de procédé intégré dans les filières", explique Vincent Rocher, responsable du service expertise et prospective du Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (Siaap) qui préfère parler de "familles de micropolluants".

Dans le cadre d'un projet baptisé Opur réalisé en partenariat avec l'Université Paris-Est et son Laboratoire eau environnement systèmes urbains (Leesu), le Siaap a cherché à savoir comment chaque étape de traitement d'une station classique influait sur les micropolluants. Réalisée notamment sur la station d'épuration de Seine-Centre du Siaap à Colombes (Hauts-de-Seine), l'étude apporte des connaissances complémentaires sur l'efficacité de deux procédés de traitement largement intégrés dans les stations d'épuration modernes : la décantation physico-chimique suivie d'un traitement complet de l'azote par biofiltration.

Il en ressort que la décantation favorise l'élimination de micropolluants qui s'adsorbent sur les particules. "Les molécules hydrophobes comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont éliminées à 80% dès cette première étape. Par contre, les médicaments ou les pesticides, ces molécules hydrophiles, ne sont pas ou peu impactées", résume Vincent Rocher. Les traitements biologiques à base de biomasse bactérienne agissent quant à eux de deux façons : une partie des molécules - les micropolluants organiques - est éliminée ou transformée par l'activité bactérienne. Il s'avère également qu'une partie des micropolluants (les plus volatiles) est volatilisée dans les bassins du fait de l'aération. Une autre partie des molécules s'adsorbe sur les bactéries elles-mêmes.

"Ces traitements sont donc très efficaces pour une large gamme de micropolluants du fait de la multiplicité des processus impliqués",estime Vincent Rocher. Pour le parabène par exemple, le taux d'abattement peut atteindre près de 100% rien que sur le traitement biologique. Les alkylphénols et le HAP peuvent quant à eux être éliminés entre 90 et 100%. Les résultats démontrent en revanche que le traitement biologique est moins efficace sur les pesticides ou les métaux car ce sont des éléments peu véhiculés sous forme particulaire, des molécules peu volatiles et peu biodégradables.

"Lorsqu'on vise une nitrificationaboutie, les conditions opératoires appliquées sont également favorables à l'élimination des micropolluants. C'est très intéressant car aujourd'hui de nombreuses stations sont équipées de ce traitement permettant l'élimination de l'azote, ce qui aura mécaniquement un effet bénéfique en matière de micropolluants", conclut Vincent Rocher. Le comportement de ces derniers est étroitement lié aux conditions de fonctionnement de ces ouvrages. Un fonctionnement optimisé de ces procédés, permettant un traitement efficace de la pollution carbonée, azotée et phosphorée, induira probablement une élimination accrue des micropolluants.

Aller plus loin avec des traitements tertiaires

Le Siaap a poussé sa réflexion un peu plus loin. Et si on devait gagner en performance, quels traitements supplémentaires devrions-nous rajouter ? Ce fut le coeur d'un projet de recherche de trois ans dont l'objectif a été de tester directement sur un pilote industriel différentes technologies disponibles. Le projet Armistiq avait conclu que l'ozonation et le charbon actif donnaient de bons résultats puisqu'ils permettaient d'abattre à plus de 70% plus de deux tiers des substances organiques analysées.

Le Siaap a testé trois technologies : CarboPlus - développée par la société Stereau (Saur) et Actiflo Carb de Veolia basées toutes les deux sur l'utilisation de charbon actif (sorption), ainsi que le dispositif Toccata proposé par Suez, un système d'ozonation catalytique. "Nos tests confirment que ces technologies fonctionnent très bien pour éliminer les molécules qui passent à travers le filet de la décantation et du traitement biologique et notamment les pesticides et les résidus de médicament", conclut Vincent Rocher.

Le projet a surtout permis d'affiner les connaissances sur le lien entre les conditions d'exploitation et les résultats. "Certaines molécules vont être très bien éliminées avec peu de charbon, d'autres demanderont plus de réactifs. En fonction des cibles que l'on va viser, on pourra adapter les conditions d'exploitation mais cela aura un impact sur les coûts de traitement. Cela nécessite la réalisation d'une analyse technico-économique. Combien est-on prêt à mettre pour aller chercher la dernière molécule réfractaire ?", s'interroge le responsable du Siaap.

Certaines de ces technologies sont d'ores et déjà exploitées en conditions réelles. La station d'épuration de Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes) est équipée, depuis 2012, d'un système d'ozonation. L'exploitant Suez a acquis de nouvelles connaissances sur l'efficacité de ce traitement. Il a également convaincu la ville de Lausanne (Suisse) de mettre en oeuvre l'ozonation. "A Lausanne, la plupart des micropolluants présents seront bien éliminés par l'ozonation. Nous apporterons un complément de charbon pour atteindre les 80% d'abattement demandés par les Suisses. Les micropolluants moins réactifs à l'ozone nécessiteraient un surdosage d'ozone ce qui n'est pas toujours économiquement intéressant car le coût de l'ozonation dépend fortement de la consommation d'énergie, explique Ywann Penru, chercheur au centre de recherche de Suez (Cirsee). "Quand on cible des micropolluants très réactifs, on peut se limiter à des doses inférieures à 0,3 g d'ozone par gramme de carbone. Si on devait aller chercher des substances moins réactives, il faudrait doubler la dose. Faire l'appoint avec du charbon, c'est économique plus raisonnable", ajoute-t-il.

Cette question des coûts va être le prochain thème de travail pour le Siaap. Après avoir identifié les performances et les dimensionnements nécessaires pour le traitement tertiaire, le syndicat va en déduire les coûts d'investissement et d'exploitation qui en découlent. L'impact environnemental des traitements supplémentaires sera égalment étudié. Quelles molécules suivre ? Afin d'affiner au mieux les conditions d'exploitation, et par conséquent limiter les surcoûts, de nouvelles connaissances sur la réactivité des substances sont nécessaires.

Dans le cadre des travaux Micropolis-Procédés, les partenaires du projet s'appuient sur la station de Sophia-Antipolis pour mieux comprendre la cinétique des réactions chimiques. "Chaque molécule réagit différemment à l'ozone de part sa structure avec constante cinétique. C'est un facteur clef pour améliorer l'efficacité des traitements. Même pour une même famille de substances il n'y a pas une dose, un traitement. La concentration initiale en substance joue également", explique Ywann Penru.

A l'instar de la Suisse, la France réfléchit à une liste de micropolluants qui pourraient servir d'indicateurs d'efficacité et permettre de comparer les traitements d'ozonation tertiaires des stations d'épuration entre eux. Le projet Micropolis-Procédés a ainsi abouti à une première liste de 21 molécules. "On retrouve certaines substances fixées par le projet Equibiotem dont l'objectif était de trouver des indicateurs de qualité d'effluents secondaires et servir au suivi des performances de traitement. La liste Micropolis-Procédés est plus adaptée à l'ozonation. On a pris en compte la réactivité à l'ozone, la toxicité des molécules, leur ubiquité", détaille M. Penru.

Quelle place pour les essais biologiques ?

Cette restriction à une liste de molécules interroge : le risque n'est-il pas d'appréhender le problème des micropolluants que par un trou de serrure et de perdre de vue la pollution globale des effluents ? Le projet Micropolis-Indicateurs va donc aussi mettre en oeuvre un panel de tests biologiques innovants recouvrant différents types de toxicité notamment les effets perturbateurs endocriniens, la génotoxicité et la cytotoxicité.

"Le premier avantage de la biosurveillance est que l'on n'est pas dans une course à l'identification de x molécules. On mesure un impact global", défend Grégory Lemkine, co-fondateur de la société WatchFrog, inventeur d'un test de bioluminescence sensible à la perturbation du système endocrinien. Cette surveillance globale peut ainsi être utilisée de différentes manières : suivi de la performance de la station - le niveau de fluorescence renseigne sur le potentiel perturbateur de l'effluent en amont et en aval et on en déduit l'abattement –, mesure de la sensibilité du milieu en amont et en aval de la station, alerte sur des contaminations soudaines si le potentiel de perturbation augmente brutalement, surveillance et cartographie du réseau.

"Avec une approche classique d'analyse de la composition des effluents, on ne peut pas couvrir l'intégralité des substances, ni leurs métabolites en sortie de traitement alors que ces derniers peuvent avoir des effets", confirme Vincent Rocher du Siaap. "Alors, oui c'est intéressant de regarder les modèles biologiques pour identifier des effets mais il faut garder à l'esprit qu'il n'y a pas une toxicité mais des toxicités : effets biocides, génotoxiques, perturbation endocrinienne…", complète le responsable du Siaap. "On n'aura pas un outil biologique mais un panel d'outils qui permettront de rendre compte de la meilleure des façons de la combinaison des effets".

Les travaux du Siaap à ce sujet ne sont pas encore finalisés. Le sujet est complexe et l'aspect méthodologique n'est pas encore réglé. Quel outil utiliser, comment, et comment interpréter les résultats… De nombreuses questions restent en suspens.

Florence Roussel

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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