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Trans(dé)formation, pourquoi les transitions n’avancent-elles pas plus vite ?

Bernard Lemoult, directeur de recherche à IMT Atlantique, nous porte à réfléchir sur le dilemme constant de la transition écologique, entre un savoir théorique acquis et une dimension humaine et sociétale quelque peu réfractaire.

Publié le 26/10/2022

Dans le débat public, on entend souvent parler de transition énergétique en termes de voitures électriques, d’éoliennes, de centrales nucléaires, de logements rénovés, de méthanisation... Alors pourquoi, en dépit de toutes les technologies dont nous disposons, les transitions n’avancent-elles pas plus vite ?

Explorons quelques freins à ces transformations sociétales[1].

Pour peu que l’on croit encore à la science…

Dans les propos des uns et des autres (surtout des autres, disent les premiers), il n’est pas rare d’entendre des approximations, voire des contre-vérités. Or, il importe de savoir de quoi on parle. Comprendre la place de l’énergie dans nos modes de vie (nous disposons chacun.e d’environ 500 « équivalent-esclaves »), connaître la situation climatique actuelle et à venir (avec deux irréversibilités majeures, le climat et la biodiversité), savoir que nous réagissons très tardivement (l’alerte a été donnée il y a plus de 50 ans) et enfin comprendre l’origine structurelle du problème (notre modèle de développement), constituent la base même de cette « entrée en transition » très documentée, pour peu bien sûr que l’on croit encore à la science.

Interroger notre « normalité »…

Face à ces enjeux considérables, nous pouvons nous demander, comme Einstein, « comment résoudre un problème avec le même mode de pensée qui l’a créé ? ». Depuis notre enfance, nous baignons dans des représentations collectives, des normes sociales. Pour faire évoluer cette « normalité », l’histoire des grandes avancées sociales nous renseigne sur l’importance de la présence d’« excentriques » et de « frottements » pour une démocratie vivante.

Ce travail de mise en interrogation des « briques de base » qui structurent notre modèle de développement vient bousculer, au plus profond de nous-même, des certitudes que nous pensons vérités. Et toutes les questions démarrent par « est-il normal que …? »

Nous n’aimons pas le changement…

Nous n’aimons pas vraiment le changement. Chacun possède en effet ses habitudes et a du mal à en changer. L’absence d’évolutions structurelles portées par l’État ne nous y aide pas.

Pour beaucoup, le changement inquiète et invite à rester dans sa zone de confort, même si on sent bien qu’elle se dégrade lentement. Les réactions du type « oui mais quand même », « ça finira bien par s’arranger », « les scientifiques vont bien trouver une solution »… est une manière de couper court aux échanges.

Par ailleurs, la préoccupation des 12 millions de Français.es vivant en dessous du seuil de pauvreté (9,3 millions en 2018) porte en priorité sur les besoins de base : manger, se loger, se chauffer, se déplacer. « Nous sommes à la limite de la survie et vous osez nous parler de sobriété ? » entend-on. « Ne venez pas nous chercher sur ce terrain ! » ajoutent-ils…

Enfin, le poids économique et électoral (actuel et à venir) des 14,3 millions de personnes de plus de 65 ans interroge sur leurs capacités à changer. La tonalité est plus ou moins véhémente, avec une forme de nostalgie du passé.

Une gouvernance à plafond et cloisons de verre…

Le pouvoir de décision dans l’espace public est majeur pour engager de telles transformations systémiques. Mais la structure pyramidale, cloisonnée et stratifiée de certaines collectivités constitue un frein. Heureusement, des personnes au sein des services et parmi les élu.es font un travail exceptionnel de facilitation grâce à un « jeu en interstice et en relationnel ».

De plus, et même si la situation commence à évoluer avec l’arrivée de jeunes élu.es, les mâles dominants et grisonnants à fort taux de testostérone sont encore bien présents. Ils s’agitent pour beaucoup dans le « bac à sable » de l’entre-soi et de l’ambition personnelle. Ces dirigeants vont devoir sortir de leur « moi-je » pour articuler leur « je-nous ».

Une défiance au climat délétère

La défiance qui s’est progressivement installée, touche désormais de nombreux domaines comme le progrès, la science, les médias, la parole publique... conduisant à une abstention record aux élections, à de l’agressivité et à des contre-vérités.

Si les Français restent très attachés au système démocratique, ils jugent avec sévérité la pratique démocratique, au point de considérer que c’est plutôt aux citoyens et non au gouvernement de décider ce qu’il y a de meilleur pour le pays. « Si tu fais sans moi, tu fais contre moi », entend-on.

L’arrivée d’un régime autoritaire est même souhaitée par plus de 40 % d’entre eux. L’Histoire ne nous apprend-elle pas le débouché politique d’une telle orientation ?

Travailler le « PFH »…

La plupart des freins aux transformations sont d’ordre culturel, social, anthropologique et non uniquement techniques, dus à ce « putain/précieux facteur humain » qui nous caractérise. Il explique en grande partie « pourquoi les transitions n’avancent pas plus vite », en tous cas bien moins vite que l’horloge climatique.

Nous qui savons, pouvons et voulons, faisons le pari du long terme, de l’éducation, de la solidarité, de la coopération, des principes démocratiques, mais aussi et surtout celui de l’action concrète avec plus de « faiseux » et moins de « diseux ».

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[1] Trans(dé)formation, pourquoi les transitions n’avancent pas plus vite ? Bernard Lemoult, 40 pages, septembre 2022

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1 Commentaire

Albatros

Le 27/10/2022 à 20h18

"Croire à la science". Le mot de trop ici, c'est "croire" qui est parfaitement antinomique à toute science.
Ensuite, LA science n'est pas unique. Elle est construite sur la base d'essais et d'erreurs et c'est quand elle est "unanime" qu'elle n'est plus science.
Ex. : LA science a longtemps édicté que :
- La Terre est plate
- Les femmes n'ont pas d'âme
- Les races inférieures et supérieures existent
- Les théories de Lyssenko
- etc.
Je me méfie.

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