Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilBruno LhosteBiodiversité : pourquoi toutes les entreprises sont-elles concernées ?

Biodiversité : pourquoi toutes les entreprises sont-elles concernées ?

Bruno Lhoste, Directeur Général d'Inddigo, nous propose un Avis d'expert sur l'interdépendance entre l'activité humaine et le vivant et les opportunités qui se profilent pour concilier développement de l'entreprise et biodiversité.

Publié le 12/10/2010
La prise en compte de l'interdépendance profonde entre l'activité humaine et le vivant, dans sa dimension économique, est autant une chance aujourd'hui qu'une contrainte. Elle nous offre la possibilité d'explorer de nouvelles voies et peut-être ainsi de nous engager dans un nouveau modèle de développement, non plus fondé sur la prédation du vivant mais la coopération et co-évolution avec ce dernier. « Les systèmes naturels qui supportent la vie, l'économie et les moyens de subsistance sur la planète sont menacés de dégradation rapide et d'effondrement, à moins que des mesures rapides, radicales et créatives soient prises pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité de la vie sur Terre. » Perspectives mondiales de la biodiversité 3 – mai 2010 En cette année de la biodiversité, les liens entre biodiversité et entreprises sont souvent évoqués en termes d'impact négatif de l'activité économique sur les espèces rares ou les milieux naturels remarquables, oblitérant de fait des relations entre Vivant et Entreprises bien plus étendues et plus complexes. Si l'on prend comme définition de la biodiversité la diversité du vivant à toutes ses échelles (génétique, espèces et écosystèmes) et la dynamique de leurs interactions, que l'on analyse les liens de dépendance de notre activité économique avec la biodiversité en parcourant la chaine de valeur, des interrelations émergent alors. Plus ou moins fortes selon les secteurs, ces dernières n'en restent pas moins toujours présentes, de manière directe ou indirecte. Certains secteurs sont particulièrement sensibles en termes de dépendance en matières premières (source Orée 2008) : - Agriculture, pêche et exploitation forestière : 100 % - Industrie du tabac : 98 % - Industrie alimentaire : 95% - Industrie du papier carton : 75 % - Industrie textile, cuir et chaussures : 50% - Recherche et Développement : 45 % - Industrie chimique et pharmaceutique : 30 % D'autres secteurs sont concernés en raison de leurs impacts directs particulièrement forts : matériaux de construction, autres Industries extractives (charbon, hydrocarbures, uranium, minerais métalliques), énergie (barrages,…). Aujourd'hui, ces liens se tendent et l'érosion accélérée de la biodiversité conduit à une pression sur les entreprises : émergence de la rareté des ressources, durcissement des règles du jeu juridiques, fiscales et économiques, demande croissante des parties prenantes (actionnaires, clients, ONG,..). Les services éco systémiques : l'indispensable négligé La compréhension du lien entre biodiversité et économie commence à être mieux appréhendée, au travers notamment de la notion de « services éco systémiques » rendus par le vivant sous toutes ses formes. On peut les définir comme les biens et services produits par les écosystèmes, provenant des interactions des organismes vivants, y compris les êtres humains, avec leur milieu. Contribuant, directement ou indirectement, au bien-être de l'être humain, ils sont également nécessaires à l'activité des entreprises en terme de fournitures de matières premières (alimentaires, non alimentaires, principes actifs), de procédés biologiques (fermentation, biosynthèses,…), de services de régulation (pollinisation, traitement de l'eau,…), ou de services culturels. On le sait, ces services éco systémiques subissent les différentes pressions de l'activité humaine qui agissent en synergie : - dégradation, fragmentation et destruction généralisée des écosystèmes, conduisant à l'homogénéisation des milieux - pollutions chimiques massives et diversifiées - exploitation excessive des ressources issues du monde vivant (pêcheries,…) - introduction accidentelle ou non d'espèces exotiques pouvant envahir et bouleverser le fonctionnement des écosystèmes - réchauffement climatique global de la planète qui influence directement l'évolution des écosystèmes, notamment la répartition des espèces qui les composent. Les travaux du Millenium Ecosystem Assesment (MEA) publiés en 2005 ont montré que 15 des 24 services éco systémiques étudiés se sont fortement dégradés au cours des 50 dernières années. Comprendre les liens entre activité de l'entreprise et biodiversité Le groupe de travail « Economie et Biodiversité » de l'association Orée œuvre depuis 2006 à la production d'outils permettant de mieux prendre en compte les liens et surtout de traduire les enjeux liés à la biodiversité dans les outils de pilotage de l'entreprise. Ce groupe de travail a ainsi défini, en collaboration avec la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité un Indicateur d'Interdépendance de l'Entreprise à la Biodiversité (IIEB). Testé par 21 entreprises, l'IIEB prend en compte 5 familles de critères, sur un total de 24 questions. - critères en lien direct avec le monde vivant - critères liés aux marchés actuels - critères liés aux impacts sur la biodiversité - critères liés à la compensation des impacts - critères liés aux stratégies de l'organisation La méthodologie de l'IIEB est décrite en détail dans le guide « Intégrer la biodiversité dans les stratégies des entreprises » publié en 2008 en partenariat avec la FRB et Natureparif1. Un autre outil est désormais disponible : EBEvie. A la demande du MEDDM, cet outil d'autoévaluation interactif à été réalisé en 2010 par un groupement de cabinets spécialisés (DERVEN, INSPIRE et INDDIGO), en collaboration avec les associations et experts de la biodiversité en France (OREE, EPE, UICN, WWF…). Sa vocation est de sensibiliser les responsables d'entreprises, en particulier de PME2. Un bilan biodiversité est il possible ? Depuis plusieurs années, des travaux sont menés qui tentent de formaliser ce qui pourrait devenir le pendant pour la biodiversité du Bilan Carbone pour les émissions de gaz à effet de serre. En l'absence de référentiel partagé, différents travaux ont été menés ou sont encours pour proposer des méthodes adaptées à la complexité du sujet : La méthodologie Ecosystem Service Review (ESR) développée par le World Research Institute (WRI), le World Businesss Council for Sustainable Development et le Meridian Institute vise à identifier les risques et opportunités issus de l'évolution des écosystemes. Une autre démarche est en cours de développement au sein du GT « Economie et biodiversité » d'Orée à partir d'une analyse en termes de stocks et flux des biens et services issus du vivant, et la création d'un système d'information comptable intégré dans le pilotage de l'entreprise. Cependant, contrairement à la prise en compte du changement climatique, la préservation de la biodiversité ne peut s'appuyer sur une unité de référence unique. Appréhender les interactions entre l'économique et le vivant nécessite en effet de tenir compte d'une multitude d'échelles spatiales et temporelles, ainsi que du dynamisme de l'évolution des écosystèmes. Il apparait donc aujourd'hui illusoire de définir une méthode unique de référence, même si des convergences dans les processus de questionnement et d'analyse des enjeux peuvent être trouvées. D'une police d'assurance à une source d'inspiration pour de nouvelles activités Comme le souligne à juste titre le dernier rapport The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB) de Juillet 20103, destiné aux entreprises, la prise en compte de sa relation à la biodiversité dans la stratégie de l'entreprise peut aussi créer de nouvelles opportunités : A minima, elle constitue un élément d'analyse et de réponse aux risques pour l'entreprise : anticipation des évolutions réglementaires, sécurisation des chaines d'approvisionnement, réduction des dépenses liées aux achats et augmentation de l'efficience des processus, … La valorisation patrimoniale du foncier peut également être revisitée à travers une nouvelle gestion des espaces naturels. Elle peut enfin constituer une opportunité de développement de nouveaux produits, services ou modèles de rémunération. Des marchés émergent et se structurent, qu'ils soient liés à la séquestration du Carbone (MDP), à l'eau (marchés de rémunération de services aux USA, Mexique, Costa Rica,..), ou directement à la biodiversité (entretien des espaces, compensation (CDC, FIPAN)). Ces nouveaux marchés attestent d'une relation plus mature de notre relation au vivant, tout comme l'engouement croissant pour le bio mimétisme, un courant qui s'enracine dans l'ouvrage fondateur de Janine BENYUS « Biomimicry », et nous amène à rechercher dans la nature et le vivant de nouveaux produits, procédés ou modes d'organisation s'inspirant des boucles naturelles pour repenser le métabolisme des entreprises et des territoires. Avis d'expert proposé par Bruno Lhoste, Directeur Général d'Inddigo.

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

2 Commentaires

Miquey

Le 20/10/2010 à 15h24

Demain, tout le monde et toutes les entreprises seront concernés, mais demain c'est déjà aujourd'hui!

Signaler un contenu inapproprié

Synergiz

Le 24/11/2010 à 18h53

Voici des éléments complémentaires à l'article: une sélection de publications portant sur le développement d'une comptabilité d'entreprise en matière de biodiversité et de services écossytémiques.

Celle-ci répondrait à 2 objectifs
1- pour rendre compte de la performance de l'entreprise aux parties prenantes externes :

- Houdet, J., Trommetter, M., Weber, J., 2010. Rendre compte des dépendances et impacts en matière de biodiversité et de services écosystémiques. Vers la standardisation d’un Bilan Biodiversité. Orée, 16p. http://www.oree.org/_script/ntsp-document-file_download.php?document_id=820&document_file_id=822

- Houdet, J., 2010. Vers un Bilan Biodiversité. Sociétal 69(3), 54-61.

2- Pour gérer les interactions d'une entreprise avec la biodievrsité et les services écosystémiques :

- Houdet, J., Pavageau, C., Trommetter, M., Weber, J ., 2009. Accounting for changes in biodiversity and ecosystem services from a business perspective. Preliminary guidelines towards a Biodiversity Accountability Framework. Ecole Polytechnique, Department of Economics, 63p. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/43/44/50/PDF/2009-44.pdf

- Gonzalez, G., Houdet, H., 2009. Accounting for biodiversity and ecosystem services from a management accounting perspective. Integrating biodiversity into business strategies at a wastewater treatment plant in Berlin. Orée – Veolia Environnement, 18p. http://www.oree.org/docs/case-study-veolia-oree.pdf

Signaler un contenu inapproprié

Commentez ou posez une question à Bruno Lhoste

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié