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AccueilChristian de PerthuisComment ont évolué émissions et empreinte carbone durant le quinquennat ?

Comment ont évolué émissions et empreinte carbone durant le quinquennat ?

À l’heure où le nouveau président doit être élu, Christian de Perthuis nous invite ici à une analyse rétrospective des émissions de gaz à effet de serre de la France durant ces cinq dernières années en manière de bilan écologique du président sortant.

Publié le 22/04/2022

Alors que le quinquennat d'Emmanuel Macron achève ses derniers jours, et que pointe le second tour des élections présidentielles, je propose de refaire le point sur l'évolution des émissions de GES française de ces cinq dernières années.

À la suite de ma tribune[1] dans Le Point sur la « planification écologique » annoncée par Emmanuel Macron, j’ai reçu beaucoup de questions sur deux sujets :
1) le rythme de baisse des émissions nationales (voir illustration 1)
2) l’évolution de l’empreinte climat qui intègre les émissions incorporées dans les importations.
Faisons un point rapide à partir des données disponibles.

Le rythme de baisse des émissions a-t-il doublé durant le quinquennat ?

Cette affirmation figure dans le programme d’Emmanuel Macron. Elle a été reprise par le candidat pendant son débat télévisé avec Marine Le Pen.

Les données permettant de suivre l’évolution des émissions sont celles de l’inventaire national des gaz à effet de serre. Cet inventaire est réalisé chaque année par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) pour l’ensemble des gaz à effet de serre. Les données d’inventaire sont transmises chaque année à l’UE puis aux Nations Unies pour le suivi de nos engagements internationaux (voir illustration 2).

Les données annuelles disponibles couvrent les années 1990 à 2020. Pour 2021, nous avons utilisé les données du baromètre mensuel du Citepa. La série historique révèle une rupture de tendance en 2005. De 1990 à 2005, les émissions semblent stabilisées sur un plateau horizontal. A partir de 2005, elles s’orientent à la baisse.

La meilleure tendance qui peut être calculée (à partir du logiciel standard Excel) sur la période 2005 à 2021 est une tendance linéaire, montrant une diminution de 8,4 Mt d’équivalent CO2 chaque année (avec un coefficient de corrélation R2 = 0,94). Les émissions durant les cinq dernières années qui se superposent avec le dernier quinquennat se situent bien dans cette tendance, le rebond des émissions en 2021 remettant juste au-dessus de la droite de tendance après la chute de 2020 provoquée par le Covid.

D’après nos observations, le quinquennat d’Emmanuel Macron ne s’est donc accompagné, ni d’une accélération, ni d’un ralentissement de la baisse des émissions. Cependant, la prolongation de la tendance observée ne nous conduirait pas à une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, ainsi que le nouvel objectif européen nous y oblige, mais plutôt vers 40 %. Il sera donc urgent d’accélérer la baisse des émissions durant le prochain quinquennat !

Comment évolue l’empreinte climat du pays ?

Beaucoup de lecteurs de l’article du Point indiquent que l’indicateur des émissions sur le territoire, calculé par le Citepa, leur semble moins pertinent que celui de l’empreinte climat[2] intégrant les émissions incorporées dans les importations et retranchant celles des exportations. Beaucoup pensent que l’empreinte carbone continue d’augmenter alors que les émissions sur le territoire reculent. Qu’en penser ?

Le service statistique du ministère en charge de l’écologie, le SDES, calcule depuis quelques années l’empreinte climat pour les trois principaux gaz à effet de serre. De 1995 à 2010, on dispose d’une année tous les cinq ans, la série[3]devenant annuelle depuis. Cette statistique a fait l’objet d’une sérieuse révision en 2021 (courbe orange sur le graphique ci-dessous, cf. illustration 2) par le Haut Conseil pour le Climat dans un rapport sur la question[4].

Ces corrections ont été suffisamment importantes pour raconter une nouvelle histoire. En se basant sur l’ancienne série, on pouvait avancer que l’empreinte carbone était encore en hausse en 2018 comparativement à 1995. C’est manifestement ce que pense la majorité des lecteurs qui ont réagi sur ce point. Avec les nouvelles estimations, il apparaît que l’empreinte stagnait sur un plateau avant 2005 pour diminuer ensuite à un rythme comparable à celui des émissions de l’inventaire. (voir les graphiques de l’illustration 2 et l’illustration 1).

Les dernières données disponibles suggèrent donc que la baisse de l’empreinte climat du pays s’est opérée à un rythme voisin de celui des émissions sur le territoire depuis 2005 (voir illustration 3).

La robustesse des nouvelles estimations de l’empreinte

On pourrait alors se demander si les nouvelles estimations de l’empreinte sont plus robustes que les anciennes. Le calcul de l’empreinte climatique est en effet complexe car il faut multiplier les hypothèses sur les facteurs d’émission tout au long des chaînes de valeur pour les produits importés et exportés.

Mon opinion est que les nouvelles séries sont nettement plus robustes que les anciennes. Elles sont en effet bien plus en cohérence avec les informations qu’on peut trouver dans les bases de données internationales de référence.

Pour le CO2 (environ les 3/4 de l’empreinte), on dispose de trois bases de données sur l’empreinte : la base de données du ministère[5] couvre la période 2010 à 2020 et donne une estimation pour les années 1995, 2000 et 2005 ; la base de données du Global Carbon Budget[6] couvre la période 1990 à 2019 ; celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)[7] couvre la période 2005 à 2015. La nouvelle estimation du ministère en charge de l’écologie ne converge pas totalement avec celles de l’OCDE et du Global Carbon Budget, mais elle est bien plus compatible avec elles.

Reste bien entendu l’essentiel : la baisse de l’empreinte climat du pays n’est pas du tout suffisante pour nous mettre en cohérence avec les trajectoires visant la neutralité climatique vers le milieu du siècle. Il est donc urgent de l’amplifier !

Publication initialement parue sur le blog personnel de Christian de Perthuis[8].

______________________________________________________________________

[1] Article de Christian de Perthuis, La conversion tardive de Macron à l’écologie, Le Point, 17 avril 2022 : lien vers l’article.

[2] Article de Christian de Perthuis, E… Comme empreinte carbone, blog personnel : lien vers l’article.

[3] Article de Christian de Perthuis, L’empreinte climatique des Français : de nouvelles estimations officielles, blog personnel : lien vers l’article.

[4] Rapport Maîtriser l’empreinte carbone de la France, Haut Conseil pour le Climat : lien vers le rapport.

[5] Base de données du ministère, Estimation de l’empreinte carbone de 1995 à 2019 : accès à la base.

[6] Base de données du Global Carbon Budget : accès à la base.

[7] Base de données de l’OCDE : accès à la base.

[8] Blog personnel de Christian de Perthuis : accès aux articles.

Article proposé par : Christian de Perthuis Christian de Perthuis Economiste

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4 Commentaires

Gabriel Ullmann

Le 25/04/2022 à 9h43

Bonjour Christian,
merci pour ces précisions. J'aimerais avoir une confirmation : la déclaration des émissions de GES n'intègre pas, n'est-ce pas, les importantes émissions issues du bois-énergie, sur le fondement de la convention, insensée, du carbone O propre à la biomasse ?
merci

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Christian

Le 25/04/2022 à 11h36

Bonjour Gabriel,
Les émissions de CO2 résultant de la combustion de biomasse sont calculées par le CITEPA, mais ne figurent pas dans l'inventaire comme vous le rappelez.
Bien cordialement

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Gabriel Ullmann

Le 25/04/2022 à 19h44

Merci pour ces précisions.
Dernière question : quelle est la proportion des GES issus de la combustion de la biomasse calculés par le CITEPA, mais non intégrés dans l'inventaire (ce qui fait que la réduction de 40 % est surévaluée en fait, et de plus en plus au fur et à mesure que les filières biomasse se développent -à thermies équivalentes par ex. le bois énergie émet environ 2 fois plus de CO2 que le pétrole, que je ne défends pas bien sûr) ?
Cette proportion est-elle d'ores et déjà significative ?
merci
Bien cordialement

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Christian

Le 02/05/2022 à 15h10

En réponse à votre dernier message, le montant des émissions résultant de la combustion de biomasse non comptabilisées dans l'inventaire a été estimé à 60,9 Mt en 2019 et 396 Mt en 2020 soit de l'ordre de 14% des émissions nationales.
Cordialement,
CdP

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