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Dépensons sans compter ce qui ne se compte pas

Dominique Bidou s’insurge contre le jeu de chaises musicales financier, auquel se livre le gouvernement pour gérer les crises au détriment des avancées environnementales, et pose une question fondamentale : quelle valeur accordons-nous à la nature ?

Publié le 11/04/2024

Les comptes sont trompeurs. Une forme de magie, une fabrique à illusions. Les mesures prises par le Gouvernement pour faire face à la crise agricole en sont une bonne illustration. Abandon des ambitions environnementales, pour augmenter le revenu des agriculteurs.

La production donne lieu à rémunération, à échanges monétaires, elle entre dans les comptes. Sa valeur est visible et mesurée, elle contribue à la croissance, au PIB. Les effets « collatéraux », comme la dégradation des sols et de la ressource en eau, sont oubliés. La protection, le maintien de l’environnement et de l’outil de travail, dont bénéficient l’exploitant et la collectivité, n’entrent pas dans les comptes. Leur valeur est invisible, même si nous savons que les services gratuits procurés par la nature représentent plusieurs fois le PIB officiel. La magie des comptes, combinée à l’opposition artificielle « production vs protection », conduit ainsi à des solutions à la Pyrrhus, dont le bilan réel restera inconnu. La vraie production de l’agriculture devrait intégrer la gestion du vivant, des cycles du carbone, de l’azote et du phosphore, le paysage et le régime des eaux. C’est l’ensemble de cette production qui donne à l’agriculture sa légitimité et pas uniquement les produits marchands. C’est sur cette base que la rémunération des paysans doit être calculée.

Ce qui ne se voit pas, compte-t-il ?

Ce n’est, hélas, pas le cas. Faisons simple, dépensons sans compter ce qui ne se compte pas. Troquons la qualité de l’environnement, qui ne se compte pas, contre un espoir de revenu supplémentaire pour les paysans. Un bon marché de dupes, mis au point sous pression. Le modèle dominant d’agriculture est responsable de 20 % des émissions des gaz à effet de serre pour moins de 2 % du PIB, un ratio catastrophique. Il consomme les deux tiers de l’eau douce disponible, tout en perturbant le cycle de l’eau, il a fragilisé bon nombre d’espèces animales et végétales, il maintient des inégalités record entre exploitants. Il n’est manifestement pas « durable », mais il a la vie dure et contrôle l’essentiel des réseaux de soutien technique et de financement de l’agriculture. Levons donc les obstacles à son développement, rédigeons des lois à cet effet, c’est l’environnement qui paie, ça contribuera au déficit de la France, mais ça ne se verra pas. Retour de l’environnement à un statut peu enviable de variable d’ajustement. En matière d’immobilier, il est question d’alléger les exigences du ZAN, zéro artificialisation nette, ce qui ne coûte rien, pour relancer le marché de la maison individuelle. Pourquoi pas, le ZAN n’est pas exempt de défauts, mais la méthode employée en dit long sur la valeur que les pouvoirs publics accordent à la nature.

La règle d’or avait déjà, en son temps, suscité le débat. Equilibrer les comptes, oui, mais quels comptes ? L’occultation de ce qui n’est pas comptabilisé a des effets dans tous les domaines de la vie quotidienne, comme l’alimentation et l’habitat. L’environnement est souvent accusé de coûter cher, mais c’est le non-environnement qui coûte cher. Le prix apparait bien après le mal, à l’heure de la réparation ou de la restauration. Comme la valeur du capital « nature » n’apparait dans aucun compte, sa dégradation est invisible sur le moment. Les comptes ne font apparaitre l’environnement que dans la colonne des dépenses, ce qui l’expose à toutes les mésaventures à chaque fois que l’État a besoin d’argent frais, ou de relancer l’activité en levant des restrictions. Sacrifier l’environnement aujourd’hui, c’est accroître les déficits de demain.

 

Dominique Bidou

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1 Commentaire

ETPFR

Le 12/04/2024 à 9h34

Très belle analyse de la situation de l'agriculture telle que nous la pratiquons aujourd'hui... Pourquoi ne pas s'inspirer de nos aïeux et revenir à une démarche plus locale et respectueuse de la Nature à qui nous devons beaucoup ?!?!?

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