Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilFrançois DemarcqLes bioénergies : quelle place dans la transition énergétique ?

Les bioénergies : quelle place dans la transition énergétique ?

La Fabrique écologique revient sur les bioénergies, dont l’usage, indispensable pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, implique des défis à relever, de l’exploitation de cette ressource au délicat équilibre entre alimentaire et utilitaire.

Publié le 13/03/2024

L’atteinte par notre pays de la « neutralité carbone » en 2050 est un défi majeur, auquel doit répondre la nouvelle stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC). Dans ce contexte, tous les scénarios prévoient, de manière conjuguée avec une sobriété incontournable et le développement des usages de l’électricité, une forte croissance de la place des bioénergies dans notre bilan énergétique, jusqu’à représenter près de 50 % de l'énergie finale que nous consommerons en 2050. Les directives européennes récentes sur les énergies renouvelables fixent les exigences de durabilité qui s’imposent aux usages de la biomasse, notamment pour éviter des pertes de biodiversité, mais la ressource connaît des limites, suscitant une concurrence entre les filières et les usages.

Une nouvelle « note » de La Fabrique écologique rappelle ce qu’est la biomasse et à quoi elle peut servir en tant que source d’énergie. Elle met en lumière les arbitrages nécessaires et exprime quelques messages simples pour une prise en compte raisonnée et partagée des bioénergies dans les politiques publiques. Cette note est actuellement soumise à consultation publique.

La forêt et le bois

La forêt et sa production biologique sont en expansion, mais les stress multiples liés au changement climatique (sécheresses, canicules, tempêtes, incendies…) diminuent la productivité, augmentent la mortalité des arbres et menacent le puits de carbone forestier. Certaines essences actuelles ne seront pas adaptées au climat des prochaines décennies. Entre interventionnisme et promotion de la libre évolution, une diversité d'expériences et une recherche active sur la gestion forestière sont nécessaires. Une croissance modérée de la récolte en bois reste néanmoins envisageable, grâce notamment à une gestion plus collective en forêt privée ; une part de cette récolte sera orientée vers l’usage énergétique, en complément du bois-matériau.

La contribution de l’agriculture : biogaz et biocarburants

Dans le domaine de l’agriculture, la méthanisation – qui doit être soumise à des normes environnementales strictes et à des contrôles – et les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) doivent être développées rapidement, en promouvant les pratiques agroécologiques. La variabilité de la production fourragère, qui va s’accentuer avec le changement climatique, pourrait être amortie en jouant sur une complémentarité entre l’alimentation du bétail et l’approvisionnement des méthaniseurs : il s’agit de mettre à profit les importantes capacités interannuelles des stockages de gaz naturel, dans un contexte de baisse importante de la consommation de gaz. Cependant, le bio-GNV présente des avantages comparatifs qui devraient lui permettre de jouer un rôle significatif dans le transport lourd. Il reste que la méthanisation sera insuffisante pour satisfaire l’objectif d’un gaz renouvelable à 100 % en 2050 et qu’il faudra recourir notamment à la pyrogazéification d’une ressource complémentaire de type ligno-cellulosique.

La première génération de biocarburants (à partir de betteraves, blé, colza, etc.) est volontairement limitée (compte tenu de la concurrence avec la production alimentaire) et les ressources utilisées en France sont pour moitié importées. Mais la deuxième génération, promue par tous les textes européens, bute à court terme à la fois sur la ressource disponible et sur la maturité insuffisante des procédés. L'utilisation croissante des biocarburants par l'aviation et la croissance prévue du trafic aérien conduisent à une impasse : il est ainsi indispensable de limiter le trafic aérien.

Des marges de manœuvre : pour un nouveau partage des terres

La ressource forestière restera insuffisante face à une demande croissante en biomasse ligno-cellulosique, pour produire du méthane 100 % renouvelable (avec la pyrogazéification) et des biocarburants de deuxième génération. Une production nouvelle de matière ligno-cellulosique est donc attendue.

Les marges de manœuvre existent heureusement, à travers la « végétalisation » de nos régimes alimentaires. Diminuer notre recours aux protéines animales permettrait – au-delà de l’intérêt sanitaire d’une alimentation plus végétale – de « libérer » plusieurs millions d'hectares aujourd’hui consacrés à l’alimentation des animaux d’élevage. Plusieurs objectifs, de production comme de protection, pourraient être poursuivis à l’occasion d’un nouveau « partage des terres », parmi lesquels le développement des cultures pérennes à vocation énergétique (miscanthus, taillis à courte rotation, etc.) sur certaines terres arables, notamment dans les aires d’alimentation des captages pour la production d’eau potable. La nécessaire protection des prairies permanentes ne serait nullement remise en cause.

Ces mutations profondes bousculent la priorité accordée jusqu’ici sans distinction à l’usage alimentaire de la biomasse. Elles supposent des évaluations économique et environnementale approfondies, un soutien ciblé et durable aux agriculteurs et éleveurs et une politique alimentaire volontariste (à travers la nouvelle stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat). Pour élaborer des arbitrages cohérents entre les différentes politiques publiques et s’inscrire dans la durée, une gouvernance renforcée de la biomasse est indispensable, aux différents niveaux géographiques (national, régional et local).

Trois propositions-clés

Les orientations dégagées par la note conduisent à trois propositions-clés :

- Développer la ressource en biomasse-énergie tout en renforçant la biodiversité, à travers la méthanisation et les CIVE, l’amélioration de la gestion en forêt privée et une stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) qui promeuve activement la baisse de notre consommation de protéines animales et permette le développement des cultures pérennes à vocation énergétique sur une partie des terres arables « libérées » par la baisse de l’élevage ;

- Définir des priorités nouvelles dans les usages de la biomasse, avec notamment une limitation du trafic aérien, consommateur croissant de biocarburants, et un objectif de gaz 100 % renouvelable en 2050 associé à une baisse très forte de la consommation, tout en laissant une place au bio-GNV pour la mobilité lourde ;

- Renforcer la gouvernance de la biomasse aux niveaux national et régional, en (1) décloisonnant résolument l’organisation politique et administrative nationale aujourd’hui éclatée entre différents ministères et organismes, pour notamment produire une nouvelle stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) en même temps que la nouvelle stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) ; et (2) en créant dans chaque région une assemblée des parties prenantes à géométrie variable réunissant tous les acteurs réellement intéressés, pour débattre du schéma régional biomasse (SRB) et des actions à engager, et leur donner les moyens de l’animation des réseaux locaux pour le développement de la ressource en biomasse dans le respect des écosystèmes.

 

François Demarcq

Référent « énergie » de La Fabrique écologique

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

Commentez ou posez une question à François Demarcq

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié