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AccueilLaurent ArnaudRE 2020 : bétons et mortiers biosourcés marginalisés dans la construction

RE 2020 : bétons et mortiers biosourcés marginalisés dans la construction

Laurent Arnaud, chef du département Bâtiments Durables du Cerema, plaide en faveur d’une meilleure prise en compte de l’aspect hygrothermique du fonctionnement des matériaux biosourcés par l’élaboration d’outils de calculs réglementaires.

Publié le 27/07/2021

La réglementation environnementale 2020 (RE 2020)[1] positionne les matériaux biosourcés comme solutions prioritaires, voire inéluctables, pour un futur éco-responsable dans les constructions neuves, tant en logements qu’en bâtiments tertiaires. Or actuellement, les mortiers et bétons biosourcés sont quasi absents du débat. Le fonctionnement hygrothermique n’est notamment pas pris en compte, alors qu’il s’agit de l’une de leurs performances essentielles. Ceci pénalise lourdement leur diffusion.

La nécessité d’une vision prospective

Nous militons pour des évaluations de tous les types de bâtiment. Nous devons en mesurer les performances réelles, ne plus nous focaliser uniquement sur la conductivité thermique des matériaux et leurs variations, car les matériaux biosourcés ne fonctionnent pas seulement comme cela. Ils sont sensibles à la vapeur d’eau. Le moteur de calculs réglementaires n’est pas adapté aujourd’hui, car il ne prend pas en considération la diffusion de vapeur et les changements de phase des transferts hygrothermiques ! Cela fait dix ans que nous nous en sommes aperçus et que nous le signalons. Le phénomène de changement de phase étant non linéaire, il existe de réelles difficultés pour le modéliser. Cependant nous sommes tout à fait capables de créer un outil fiable dans une temporalité courte, d’environ un an par exemple.

Il est urgent d’élaborer un moteur de calculs réglementaires adapté, afin que tous les bureaux d’études se l’approprient. Cela se révèlera bénéfique pour l’ensemble des acteurs, mais à ce jour, la filière des mortiers et bétons biosourcés ne se mobilise guère sur cette question pourtant essentielle à son développement. Des solutions existent, une réaction salutaire est indispensable !

Nous possédons tous les éléments, techniques comme scientifiques, afin de réaliser des simulations thermiques fiables pour les bétons végétaux. Une thèse de doctorat visant à la modélisation du fonctionnement hygrothermique, soutenue à l’École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE), date déjà de 2010 !

Alors que la filière possède la maturité nécessaire en termes de production de matières premières, son vrai développement va-t-il demeurer un serpent de mer ? Il ne le doit pas… Il ne le peut pas… Car l’utilisation des matériaux biosourcés permet de réduire instantanément l’impact carbone des constructions de 60 % (taux de substitution - source Hub des prescripteurs bas carbone) !

Rappelons ici les atouts des bétons végétaux tant en constructions neuves qu’en rénovation : ils présentent de bonnes capacités d’isolation thermique grâce à leur micro-porosité ; leurs performances hygrothermiques régulent l’humidité et améliorent l’isolation. Ils offrent également une absorption acoustique remarquable et ce sont de véritables puits de carbone. Sont également du plus grand intérêt leur renouvellement annuel ainsi que leur disponibilité à l’échelle locale/régionale.

Rappelons aussi que la France est le référent au niveau international concernant les matériaux de construction biosourcés. Ceci, notamment, au travers des bétons végétaux issus du chanvre, du lin, du miscanthus, des balles de riz... L’expertise française s’avère réelle mais demeure inconnue. Allons-nous enfin saisir l’opportunité de développement particulièrement précieux pour la dynamique économique et crucial pour la planète, qui s’offre à nous ?

La France s’est engagée comme aucun autre pays à travers le monde

Nous pouvons affirmer que l’État a été précurseur en pilotant la RE 2020. Il a suscité l’élan et a su porter les démarches de développement, ce dont nous nous félicitons. Il s’est inscrit dans une vision globale, alors que la filière des mortiers et bétons biosourcés tarde encore à s’éveiller à l’intérêt collectif. Normalisation, moteur réglementaire, fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES), analyse du cycle de vie (ACV)… sont des outils indispensables pour faire entrer de plain-pied les matériaux biosourcés dans la construction et la réhabilitation. Certaines actions, comme la normalisation à laquelle nous participons, démarrent. Mais il reste encore beaucoup à faire afin d’atteindre les objectifs définis.

Ce qui interpelle, c’est l’audace de l’État avant-gardiste et a contrario la timidité de la filière, repliée sur elle-même, sur ce sujet plus que d’actualité. Pourquoi n’a-t-elle pas endossé le rôle d’activateurs d’innovation ? Espérons que son inertie ne soit pas fatale à ces matériaux.

La filière traditionnelle du béton demeure statique quant à sa conversion aux biosourcés… C’est préjudiciable à l’heure où il est nécessaire d’opérer des changements radicaux et concrets dans la construction. L’État doit encore poursuivre son action et encourager la filière des matériaux biosourcés. Cela pourrait se faire au travers d’incitations comme, par exemple, un taux réduit de TVA à 5%.

Un œil dans le rétro, un œil sur l’avenir

La réglementation thermique 2012 (RT 2012)[2] se focalisait sur la partie consommation énergétique dans la phase d’utilisation du bâtiment. La RE 2020 bouleverse la donne en apportant deux évolutions majeures : l’une associant économies d’énergie et impacts carbone, l’autre élargissant l’évaluation des bâtiments à l’ensemble du cycle de vie (construction, utilisation et fin de vie). Les études récentes (« Objectifs bâtiment énergie-carbone » (OBEC)[3], expérimentations « bâtiments à énergie positive et réduction carbone » E+C-[4]) montrent que 75 % des gaz à effet de serre sont émis lors de la production des matériaux et de la construction du bâtiment. Les mortiers et bétons biosourcés ont donc toute leur place au cœur de la stratégie de la RE 2020 et également dans la rénovation !

Rénover avec les matériaux biosourcés

Chaque année en France, nous ne renouvelons que 1% du parc immobilier. La question de la rénovation est donc un enjeu crucial et prioritaire. Nous devons massifier l’usage des bétons biosourcés qui possèdent toutes les caractéristiques adéquates (physique, mécanique, thermique, acoustique …) pour des réhabilitations performantes, notamment pour le bâti ancien qui concerne 1/3 des Français. Enfin l’analyse des chantiers récents montre que l’écart quant à l’aspect économique est infime en coût global sur les opérations, ceci au regard du bénéfice environnemental effectif des bétons végétaux en rénovation.

Notre avenir s’inscrit pleinement dans une économie circulaire et au travers de bâtiments évolutifs. Soyons pertinents, innovants, rigoureux et intransigeants quant à nos engagements. Ceci, pour notre bien à tous et afin de bâtir des projets ambitieux aux fonctions mutualisées.

[1] Réglementation environnementale RE 2020 : https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020

[2] Réglementation thermique 2012 : https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-thermique-rt2012

[3] Objectifs bâtiment énergie-carbone (OBEC) : https://www.ademe.fr/expertises/batiment/passer-a-laction/labels-signes-qualite/programme-objectif-batiment-energie-carbone

[4] Bâtiments à énergie positive et réduction carbone : https://www.ecologie.gouv.fr/batiment-energie-positive-et-reduction-carbone

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