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Intégrer la qualité écologique dans les politiques de protection des sols : plaidoyer pour un DPE des sols

La Fondation pour la nature et l’homme plaide en faveur de la protection des sols, de leur biodiversité. Son responsable biodiversité, Rémi Guidoum présente sa lutte dans le cadre des récentes propositions législatives française et européenne.

Publié le 12/07/2023

Les sols : au cœur de l’actualité, au cœur des écosystèmes

Les sols sont au cœur d’une intense actualité politique. En France, la proposition de loi sénatoriale visant à assouplir certaines dispositions de la politique « Zéro artificialisation nette » (ZAN) a fait l’objet de vifs débats au cours du premier semestre 2023, d’abord au Sénat en mars, puis à l’Assemblée nationale en juin, jusqu’à la Commission mixte paritaire du 6 juillet dernier. Au niveau européen, la Commission vient de présenter, le 5 juillet, sa proposition législative sur les sols.

La question de la protection des sols est cruciale et parfois quelque peu sous-estimée. Ces derniers jouent pourtant un rôle vital : on trouve jusqu’à un milliard de micro-organismes par gramme de terre, parmi lesquels vers de terre, insectes, arachnides, mille-pattes, et autres acariens, collemboles, tardigrades et nématodes, qui forment un océan de vie dont nous n’avons pas conscience au quotidien, mais dont nous dépendons. Au total, les sols concentrent un quart de la biodiversité́ du globe.

Les sols jouent également un rôle clé dans la lutte contre le dérèglement climatique, puisqu’ils stockent trois fois plus de carbone que la biomasse, et évidemment pour la souveraineté alimentaire.

En outre, les sols constituent une ressource naturelle limitée, non renouvelable aux échelles de temps humaines, et donc d’autant plus précieuse. Il faut environ 10 000 à 100 000 ans pour qu’un sol moyennement profond (1 m à 1,50 m) puisse se former, alors qu’il peut être dégradé́ de façon quasi irréversible en quelques heures de travaux.

Pour une législation européenne plus ambitieuse

La proposition de directive européenne sur la santé des sols, annoncée depuis plusieurs mois, a finalement été́ présentée le 5 juillet 2023 sous un nouvel intitulé : « Directive on soil monitoring and resilience »2. Il semble ainsi qu’il n’est plus question de mesures concrètes pour améliorer la qualité́ écologique des sols et lutter contre l’artificialisation, mais plutôt de prévoir un dispositif européen de suivi et de production de données sur l’état des sols. Si un tel dispositif est nécessaire et utile, il ne saurait être suffisant compte tenu de l’urgence à préserver les sols.

Face à l’effondrement du vivant et l’accélération du dérèglement climatique, il est crucial que la législation européenne sur les sols ne se limite pas à des mesures de suivi, mais intègre dès maintenant des dispositions concrètes pour les protéger. À titre d’exemple, la France est pour l’instant le seul pays européen à s’être doté d’un objectif de zéro artificialisation nette en 2050, bien que le dispositif ZAN vient d’être assoupli par une proposition de loi examinée au premier semestre 2023. À ce stade, il a été choisi de ne pas intégrer un objectif ZAN européen dans la directive sur les sols : élargir ce dispositif au niveau européen en y intégrant des mesures de la qualité des sols, issues de données de terrain, serait pourtant un horizon ambitieux pour protéger les sols du continent.

En France, améliorer le ZAN en intégrant la qualité des sols

Au niveau français, nous proposons d’initier ce mouvement en complétant le dispositif ZAN par l’intégration de la qualité des sols dans les outils de lutte contre l’artificialisation.

En effet, la notion d‘artificialisation des sols a historiquement été utilisée pour faire référence aux changements d’affectation des sols et mesurer les espaces agricoles perdus au profit de l’urbanisation. Cette préoccupation a ensuite été élargie à la perte d’espaces naturels et forestiers, dans une approche où les sols sont considérés comme des surfaces à utiliser et non comme des écosystèmes en trois dimensions.

C’est la loi climat et résilience du 22 août 2021 qui a permis de préciser en droit les définitions de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) et de l’artificialisation des sols. La consommation d’ENAF est ainsi « entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné », tandis que l’artificialisation des sols est définie comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

Si cette définition de l’artificialisation marque un progrès dans la reconnaissance et la prise en compte des fonctions écologiques que remplissent les sols, le dispositif de suivi de l’artificialisation n’intègre aucune information sur leur qualité écologique effective. Pour la première période d’application du ZAN, qui court de 2021 à 2031, les collectivités territoriales doivent suivre la consommation d’ENAF : c’est donc l’usage des sols, tel que renseigné dans les documents d’urbanisme qui fait foi. À partir de 2031, le suivi de l’artificialisation des sols sera réalisé grâce à des images satellitaires, via un système intitulé « Occupation des sols à grande échelle (OCS GE)[1] », donc toujours sur la base de l’occupation des sols, bien qu’avec une nomenclature différente[2]. Si une classification reposant sur de la photo-interprétation présente un intérêt en termes de référencement et de traitement de données à grande échelle, sa pertinence pour l’évaluation de la qualité́ écologique des sols pose question. En effet, comment en déterminer le niveau d’altération et la préserver, sans recourir à des mesures de terrain permettant d’en objectiver l’état ?

Quand on constate visuellement que le sol est imperméabilisé́, on peut évidemment en déduire qu’au moins une partie de ses fonctions écologiques sont altérées, ne serait-ce que ses fonctions hydriques. En revanche, quand le sol est en pleine terre, la photo-interprétation est souvent insuffisante pour déduire l’état écologique du sol. Ainsi, comment arbitrer entre les sols à préserver et ceux à aménager sans données de terrain sur leur état écologique ? Comment vérifier la qualité́ des travaux de renaturation réalisés, alors même que le principe du ZAN repose sur l’équilibre entre artificialisation et renaturation ?

Compléter le dispositif de suivi du ZAN grâce à des mesures de terrain permettant d’évaluer l’état écologique réel des sols : voilà un horizon de progrès dans la lutte contre l’artificialisation et la protection des sols en France et en Europe.

Pour la création d’un « DPE des sols » pour accélérer la production de données sur la qualité écologique des sols

Intégrer la qualité écologique des sols dans le dispositif de suivi de l’artificialisation suppose de disposer de données sur l’ensemble du territoire, produites de manière cohérente et rendues facilement accessibles à l’ensemble des acteurs, notamment des collectivités territoriales. 

Dans cette perspective, nous proposons une solution collective pour contribuer à la production de données fiables concernant la qualité des sols : la réalisation d’un diagnostic de qualité du sol, dans l’esprit du diagnostic de performance énergétique, au moment des ventes et des mises en location de terrains nus ou de bâtiments associés à au moins cinquante mètres carrés de terrain non bâti[3].

Les données sur la qualité des sols ainsi produites permettraient d’améliorer la connaissance sur l’état des sols en France, notamment en milieu urbain où celle-ci est la plus lacunaire, en mobilisant, non pas les pouvoirs publics via un vaste programme d’acquisition de connaissances, mais l’ensemble des propriétaires et bailleurs, de manière décentralisée. Cette solution permettrait de répartir le coût de la mesure sur un plus grand nombre d’acteurs, en visant un diagnostic simple, centré sur quelques indicateurs, et économiquement abordable pour chacun (quelques centaines d’euros par diagnostic). Le choix des indicateurs pourra notamment s’appuyer sur ceux listés dans la proposition de directive européenne.

Les données produites pourraient alimenter une base de données nationale mise à disposition des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, de l’Office français de la biodiversité (OFB), de l’Ademe, du Cerema et de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Ce diagnostic de la qualité des sols, mis à disposition de tous, permettrait également de sensibiliser largement les propriétaires et les locataires à la diversité et à l’importance des fonctions que remplissent les sols, dont nous dépendons tous.

  

Rémi Guidoum

Responsable biodiversité au sein de l’équipe « programmes et plaidoyer » de la Fondation pour la Nature et l’Homme. 

_____________________________________

[1] Portail de l’artificialisation des sols, OCS GE, sur le site du gouvernement : ici.

[2] Fondation pour la nature et l’homme, Améliorer le suivi de l’artificialisation par une évaluation scientifique de la qualité écologique des sols : accès au document.

[3] Ce qui correspond au seuil de détection du bâti par l’OCS GE.

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