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AccueilVincent Colard Définition de l'emballage recyclable : un véritable casse-tête européen

Définition de l'emballage recyclable : un véritable casse-tête européen

Responsable au Citéo, Vincent Colard propose un panorama des divergences européennes sur la notion d’emballage recyclable. Il plaide pour une harmonisation des pratiques et des modes d’évaluation, d’un point de vue technique et au-delà.

Publié le 26/10/2021

En 2030, 100 % des emballages devront être recyclables ou être retirés du marché français. Mais l’enjeu se situe bien avant l’horizon réglementaire fixé par la loi n 2020-105 du 10 février 2020, dite loi Agec[1], et sur un territoire beaucoup plus vaste que la France. En effet un grand nombre d’entreprises s’est engagé à atteindre cet objectif pour tous leurs produits cinq ans avant. Or, 2025 c’est demain et il reste beaucoup à faire, tant au niveau des filières de recyclage à créer en Europe (pour les plastiques, tels que les polytéréphtalate d’éthylène (PET) operculé, les polystyrènes (PS), les souples, comme les polypropylènes (PP) / les polyoxydes de propylène (PO)[2]) que des progrès en éco-conception. Mais au fait, qu’est-ce qu’un « emballage recyclable » ?

Une philosophie partagée…

Tant qu’on reste dans la philosophie, on arrive à se comprendre en France comme au-delà de nos frontières. Un emballage recyclable doit à minima :

- Pouvoir être mis dans un bac dédié au recyclage par tous les « déballeurs », terme belge très utile illustrant autant les ménages que les entreprises, devant gérer des emballages vides.

- Être orienté efficacement vers une filière de recyclage, par exemple à l’aide d’un centre de tri.

- Être recyclé en une nouvelle matière première utilisée par l’industrie, sans perturber le recyclage des autres emballages.

Ce n’est pas nouveau, c’est d’ailleurs l’esprit de la norme EN 13 430[3] qui aide les entreprises depuis près de vingt ans sur le sujet.

Oubliées les anciennes rengaines « tous les emballages sont recyclables, c’est juste un problème de collecte » ou les « je sais le recycler sur ma paillasse de labo »... Il y a bien encore un ou deux défenseurs du « on en collecte entre 0 et 5% par colis, ça suffit pour être recyclable » mais non ! Il fait consensus que la qualification de « recyclable » repose sur une réalité tant physique qu’économique.

 

Mais des détails divergents…

La définition ne saurait en rester à la philosophie, car les industriels, comme leurs parties prenantes dont les pouvoirs publics, ont besoin de comprendre dans le détail les règles d’éco-conception, permettant de cocher les cases triable et recyclable pour chaque emballage. La pression porte sur les emballages plastiques, ils servent donc de cobayes sur ce sujet.

En France, on a même commencé à tester le modèle il y a vingt ans. Dès 2001, la chaîne de valeur des emballages plastiques a engendré un Comité technique indépendant pour le recyclage des emballages plastiques, le Cotrep, en charge d’étudier, de tester et de rendre des conclusions sur le comportement des emballages au tri et au recyclage. Au fil des ans, la méthode s’est structurée et inscrite dans un cadre plus large, avec la définition d’un emballage recyclable portée par Citeo avec ses parties prenantes, en utilisant le Cotrep, largement diffusée via l’outil de test de la recyclabilité des emballages, dit TREE[4]. En 2021, le comité est toujours autant actif et vient d’inaugurer avec le Centre technique industriel de la plasturgie et des composites (IPC) une ligne pilote de recyclage des emballages plastiques souples[5] pour continuer à créer de la connaissance. Avec plus de 200 avis publiés, le Cotrep fait référence aujourd’hui dans l’hexagone. Ses recommandations sont publiques sur son site internet[6].

Dans le cadre de l’Europe, la situation est un peu plus compliquée avec l’existence de multiples structures sur ce sujet et autant d’avis divergents. La palme revient à l’Allemagne avec quatre organismes privés rendant des avis pour un même pays. Mais alors où cela coince-t-il ? L’harmonisation est-elle possible à court terme ?

 

Histoire et diversité

L’harmonisation des recommandations de conception est souhaitable, elle doit permettre aux industriels de faciliter la libre circulation des produits emballés en Europe sans compromettre l’économie circulaire. La question est étudiée de près dans plusieurs instances européennes.

Cependant, pour harmoniser la conception des emballages entre plusieurs pays, la difficulté tient en premier lieu à des différences notables au niveau des territoires étudiés :

- On ne consomme pas de la même manière : cela a un impact sur les emballages sur le marché. Par exemple le lait, consommé frais en Angleterre, peut être emballé en polyéthylène (PE) clair, qui deviendra une nouvelle bouteille en PE clair et ainsi de suite. Les règles de recyclabilité s’adaptent à ce mode de consommation. En revanche, en Allemagne comme en France, on consomme des laits « longue conservation » sensibles à la lumière, emballés dans des emballages opaques. C’est la diversité et la force de l’Europe, mais cela n’aide pas à l’harmonisation.

- On ne trie pas de la même manière. Un certain nombre de pays a mis en place une consigne pour recyclage sur les bouteilles PET de boisson. D’autres laissent toutes les bouteilles dans le bac jaune destiné à rejoindre un centre de tri. Le process de tri sera différent, adapté aux déchets entrants (simple pour les bouteilles de boisson, plus de problèmes à gérer avec plein d'emballages en mélange). La séparation fibreux/non fibreux à la source par l’habitant dans un grand nombre de pays aura aussi un impact non négligeable par rapport aux pays laissant les emballages en mélange.

- On ne recycle pas de la même manière. Aux Pays Bas par exemple les emballages rigides en PP sont lavés à chaud avec de la soude avant d’être recyclés, les recommandations sur les colles lavables ne pourront donc pas être les mêmes que pour un lavage à froid, majoritaire en Europe. Les débouchés du recyclage ne sont pas non plus identiques d’un pays à l’autre. Faire du mobilier urbain autorise des critères de conception plus large que refaire un emballage.

Pour faire une métaphore d’actualité, on cherche à ce que toutes les photos de classe se ressemblent alors que les élèves sont tous différents.

 

Les organismes d’évaluation également responsables

Pour savoir si un emballage est recyclable ou non, tout commence par un test. Dans cet article, je vais en effet me limiter à cette règle d’or, qui regroupe les organismes ayant le plus de poids sur le marché, même s’il existe encore des acteurs se positionnant sur des avis de recyclabilité sans test.

Mon test de triabilité ou recyclabilité donc, basé sur un protocole, va me donner un résultat :

- L’emballage passe avec succès le test, tous les voyants sont au vert, la conclusion est facile et généralement on la retrouvera dans tous les organismes en Europe. Par exemple un bouchon PP ne nuit pas au recyclage d’une bouteille PET.

- Au contraire, le test ne peut pas être mené au bout ou tous les critères sont dans le rouge, alors l’emballage n’est pas recyclable. Pas de débat, c’est par exemple le manchon PVC sur du PET (plus que 5 bouteilles en France, on y est presque).

- Et puis tous les autres cas qui demandent une interprétation des résultats.

Et c’est dans cette dernière situation que les organismes vont porter des approches différentes qui nuisent à l’harmonisation : démocratie ouverte à tous, expertises de sages nommés par la profession, décision unilatérale d’un expert employé de la maison…

Le parfait exemple est le ressort en métal dans une pompe sur un flacon en PP. Le flacon est orienté dans un trieur pour PP, où il est broyé. L’eau permet de trier, car le PP flotte, l’acier est éliminé car il coule. L'acier ne sera pas neutre sur le processus (de fines particules de métal ne couleront pas) mais pourra être géré de manière facile et universelle. Ce cas fait l’objet de tous les classements possibles et inimaginables en Europe, de la colonne verte à la colonne rouge.

 

En conclusion

Je comprends tout à fait l’intérêt d’une définition technique et harmonisée au niveau européen de « recyclable ». On vient de le faire en France et on doit viser cet objectif européen à long terme. Impossible en 2021 de le faire malheureusement, cela reviendrait à nier les spécificités nationales et in fine à avoir des impacts désastreux sur le recyclage et sur des investissements contre productifs en amont de la chaîne.  

On peut cependant avancer vers cette harmonisation en définissant dans des normes européennes la philosophie et la manière de statuer sur des résultats complexes d’un essai. Fort de l’expérience du Cotrep, vous comprendrez que je plaide pour s’appuyer sur des experts de toute la chaîne de valeur, des matières premières aux régénérateurs. Le travail de normalisation a commencé avec la Circular Plastics Alliance et j’espère que nous irons dans cette direction.

Et quelle approche pour les autres matériaux en Europe ? En France, Citeo a développé une méthode harmonisée pour tous les matériaux et que tout le monde peut s’approprier via l’outil TREE, mais quid au-delà de nos frontières ? Nul doute que cette harmonisation n’est pas terminée et demandera encore beaucoup d’énergie.

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[1] NDLR : Loi n 2020-105 du 10 février 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/

[2] NDLR : classification des matières plastiques : https://www.paprec.com/fr/comprendre-le-recyclage/tout-savoir-sur-les-matieres-recyclables/plastiques/la-classification-des-types-de-matieres-plastiques/

[3] NDLR : Norme Afnor NF EN 13 430 : https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-en-13430/emballage-exigences-relatives-aux-emballages-valorisables-par-recyclage-mat/fa125393/23746

[4] NDLR : Outil TREE : https://tree.citeo.com/

[5] Ligne pilote de recyclage des emballages plastiques souples : https://www.youtube.com/watch?v=By5YqzXBhyY

[6] www.cotrep.fr

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