
Alors que le groupe de travail éolien a rendu ses conclusions en janvier dernier, la concrétisation des mesures n'est pas encore effective. Si le sujet du repowering a avancé, les autres notamment ceux liés à l'accélération des contentieux sont en stand-by.
La concrétisation des mesures issues du groupe de travail de Sébastien Lecornu tarde à venir. En janvier, le secrétaire d'Etat à la transition écologique rendait les conclusions du groupe de travail sur l'énergie éolienne : dix mesures “pour accélérer la concrétisation des projets et améliorer leur acceptabilité au niveau local”. Objectif affiché : donner aux porteurs de projets les moyens de diviser par deux le délai de construction des parcs d'éoliennes terrestres. Celui-ci est actuellement de sept à neuf ans, explique le ministère. Cette accélération doit servir “l'ambition de doubler la capacité de production issue de l'éolien terrestre entre 2016 et 2023”. Mais neuf mois après les annonces, la filière est toujours dans l'attente.
Un contentieux unique en premier et dernier ressort
Pourtant, un projet de décret a très vite été mis en consultation en février. Il prévoit une modification du code de justice administrative pour confier en premier ressort le contentieux de l'éolien terrestre aux cours administratives d'appel. “C'est la mesure la plus efficace et la plus attendue. Ça va accélérer les procédures. En supprimant le niveau du tribunal administratif, on gagne deux ans. Le droit au recours reste préservé”, commente Pauline Le Bertre, déléguée générale de France énergie éolienne (FEE).
Le décret prévoit aussi des dispositions transitoires pour les contentieux en cours, et ajoute le principe de la cristallisation des moyens. Lors des recours, les parties n'auront que deux mois pour alimenter leur argumentation. Le tribunal aura rapidement l'ensemble des moyens entre les mains pour entamer l'étude du dossier. Les durées d'instruction seront donc plus homogènes et se réduiront.
Modification du dossier d'autorisation
Le décret prévoit également une modification du code de l'environnement pour ajuster le dossier de demande d'autorisation. Il est prévu une suppression de l'obligation de transmettre les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation. “Cette mesure ne s'appliquera pas qu'aux éoliennes mais elle sera particulièrement impactante pour celles-ci”, commente le ministère. Cette disposition est en effet une source de contentieux important et d'insécurité juridique. Dans l'éolien, il est courant de créer une société de projet, portée par une société-mère qui lui met à disposition ses capacités financières lorsqu'elle en a besoin et pas forcément lors de la demande d'autorisation, comme l'exige l'actuelle réglementation.
Le décret prévoit aussi de ne demander que le montant des garanties financières attendues, et pas non plus leur nature et leurs délais de constitution et de ne demander la conformité aux documents d'urbanisme quand ceux-ci sont en cours de modification.
Le cas complexe des radars militaires
Dans le cadre du groupe de travail, la question des contraintes spatiales liées aux radars militaires a été abordée. Le gouvernement a acté pour limiter le veto de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans un périmètre de 16 km autour de leur radar au lieu des 30 km actuels. Le projet de décret modifie donc le code de l'environnement pour restreindre les cas où l'avis conforme de la DGAC est nécessaire et fait référence à un futur arrêté pour fixer les périmètres.
Un décret qui ne fait pas l'unanimité
Ce projet de décret n'est pas passé inaperçu. Il a même divisé le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le CSPRT a examiné le projet de décret en mars dans un climat peu consensuel, qui a conduit à la nécessité de procéder à des votes séparés sur différentes parties du texte et au rejet de la partie dédiée à la cristallisation des moyens.
Les propositions ont en effet subi un tir croisé de plusieurs membres du CSPRT dont les associations de protection de l'environnement et des personalités qualifiées. “FNE n'est nullement favorable à la possibilité de limiter les recours à la seule cour administrative d'appel dans la mesure où la possibilité d'exercer un droit de recours pour les associations, est primordiale”, a ainsi réagi Solène Demonet, qui représentait la fédération des associations de protection de l'environnement. “Une entorse franche à la règle des doubles juridictions constituerait la fin du droit de l'environnement”, a même déclaré l'avocat Jean-Pierre Boivin. Un avis partagé par le président du CSPRT Jacques Vernier selon qui “le double degré de juridiction est un principe fondamental auquel on ne peut déroger”.
Quant à la cristallisation des moyens, les critiques ne sont pas moins vives. “Il ne faut pas se placer dans une posture qui serait le contraire de l'efficience en accablant les juges de moyens idiots auxquels ces derniers se trouveraient contraints de répondre”, a tonné Jean-Pierre Boivin. Les représentants du ministère de la Transition écologique ont tenté de rassurer les opposants à ces mesures en précisant qu'”elles ne s'appliqueraient pas à d'autres secteurs que l'éolien, où le niveau de contentieux est particulièrement élevé”. Une justification qui ne les a pas convaincus.
Au final, la disposition relative à la saisine de la cour administrative d'appel en première instance a recueilli une courte majorité de 16 voix, alors que 15 membres du Conseil se sont prononcés contre ou se sont abstenus.
Quant à la disposition relative à la cristallisation des moyens, elle n'a recueilli que 7 votes favorables. Les avis du CSPRT étant suivis de très près par le ministère, ces votes n'ont sans doute pas faciliter une publication rapide du décret. Reste à savoir si le ministère va passer en force.
Florence Roussel et Laurent Radisson
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