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Micropolluants dans les eaux : mieux vaut prévenir que guérir

Micropolluants : la lutte s'intensifie Actu-Environnement.com - Publié le 28/11/2016
Micropolluants : la lutte s'intensifie  |    |  Chapitre 2 / 11
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Le ministère de l'Environnement, en lien avec les ministères chargés de la santé et de l'agriculture, a mis en place un nouveau plan national micropolluants 2016-2021 pour préserver la qualité des eaux et la biodiversité. Le plan va se dérouler sur un cycle de gestion de six ans pour être en concordance avec les objectifs de la directive cadre sur l'eau (DCE) et être en appui aux politiques déployées sur le territoire notamment dans le cadre des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage).

Trois grands objectifs

Ce plan se décline en trois grands objectifs :

  • réduire dès maintenant les émissions de micropolluants présents dans les eaux et les milieux aquatiques et dont la toxicité est avérée. Des objectifs chiffrés de réduction sont donnés substance par substance.
  • consolider les connaissances pour adapter la lutte contre la pollution des eaux et préserver la biodiversité. Il s'agit d'améliorer les connaissances sur les substances, sur les niveaux de pollution des milieux aquatiques, sur leurs effets, mais aussi d'évaluer l'impact de nouvelles techniques de recyclage de déchets ou de traitement de l'eau en amont ou en aval de stations de traitement des eaux usées.
  • dresser des listes de polluants sur lesquels agir, en tenant compte des marges de manœuvre techniques, économiques et sociales, ce qui représente un challenge important.

Le plan micropolluants est clairement orienté par une politique de réduction à la source selon le principe "mieux vaut prévenir que guérir". Ce principe nécessite d'intégrer davantage de développement durable dans les différentes politiques sectorielles (transport, énergie, industrie, santé, agriculture, éducation…) et permet d'avoir une approche moins "consumériste" et plus responsabilisante pour tous les acteurs, que ce soit au niveau de la production, de l'utilisation ou de l'élimination de substances ou produits contenant ces substances polluantes. Dans la mesure où l'on est en présence d'un risque chronique, on peut accepter de prendre le temps nécessaire à une meilleure connaissance des risques avant de décider de mesures de gestion. Ceci n'empêche pas de déployer dès maintenant toutes les "mesures sans regret".

Une approche préventive vertueuse

Développer une politique publique dans le domaine des micropolluants nécessite également de se poser la question des priorités d'action. Concernant l'assainissement, la Suisse a décidé d'équiper d'un traitement complémentaire une centaine de stations de traitement des eaux usées domestiques qui rejettent dans des milieux dégradés. Le ministère de l'Environnement est souvent interrogé sur sa position différente. A cette occasion, nous rappelons que les stations de traitement des eaux usées traitent aujourd'hui près de 80% des micropolluants qui entrent dans la station. Toutefois, le parc des stations n'est pas entièrement dimensionné pour accuser les flux plus importants d'eaux usées arrivant par temps de pluie et des déversements sans traitement au milieu naturel sont constatés. La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) a décidé, en concertation avec les collectivités et les agences de l'eau, de réduire fortement ces déversements.

Ce programme est défini dans la circulaire du 7 septembre 2015 relative à la surveillance des rejets directs au milieu naturel au niveau des systèmes de collecte. Cette maîtrise des déversements aura des effets très positifs sur la qualité des eaux en diminuant de facto le flux de micropolluants. Parallèlement, nous poursuivons l'action de recherche de micropolluants dans les rejets d'eaux usées traitées. La circulaire du 12 août 2016 relative à la recherche de micropolluants dans les stations de traitement montre la détermination du ministère à ce que chacun soit acteur de la réduction des pollutions. En effet, lorsque des substances sont détectées de manière significative, la collectivité responsable de la police des réseaux d'assainissement doit établir un diagnostic et revoir avec les contributeurs identifiés de cette pollution son conventionnement afin de revenir à une situation acceptable. Les contributeurs devront alors modifier leurs pratiques voire substituer une substance par une autre, moins dangereuse.

Pour aider les collectivités, un guide rédigé par le Cerema paraîtra début 2017 sur les raccordements non domestiques. Un travail avec l'Ineris et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de l'Environnement est également en cours pour aider les industriels à trouver les meilleures pratiques. Les collectivités bénéficieront également des résultats des projets menés par les villes innovantes sélectionnées dans le cadre de l'appel à projet Onema - Agences de l'eau d'un montant de 10 millions d'euros. Ces résultats feront l'objet d'un guide d'ici 2018.

Cette approche préventive apparaît donc préférable car vertueuse au sens où elle demande à chacun de s'interroger sur ses pratiques. On notera par ailleurs, outre le coût important des traitements complémentaires, qu'à ce stade de nos connaissances, l'effet des traitements complémentaires à l'aval des stations n'est pas totalement cerné. On peut citer, entre autres, le risque de formation de produits de dégradation ou le déficit d'apport en nutriments pour la faune et la flore aquatique.

Un sujet émergent qui interroge encore

Le plan micropolluants développe également un axe important sur la surveillance des eaux et milieux aquatiques. En raison des coûts et de la multitude de substances potentiellement dangereuses, cette surveillance nécessite une priorisation des sites à surveiller et des substances à rechercher. Pour faire cette priorisation sur les substances, il faut d'une part des données de pression (chiffres de vente, usages, quantités utilisées, quantité excrétée pour ce qui concerne les médicaments, quantité retrouvée dans les eaux, le biote ou les sédiments…), et d'autre part, des données toxicologiques notamment pour les produits de transformation et des données d'écotoxicité aux doses environnementales. Le plan micropolluants a de ce fait des actions pour améliorer la transparence et le partage des données (site Naïade, diffusion sur la qualité des eaux, organisation de colloques scientifiques, partage des données sur les médicaments).

A ce stade, nous pouvons considérer que la science est encore insuffisante en matière d'évaluation du risque environnemental et sanitaire. Aujourd'hui, on ne voit que le sommet de l'iceberg en mesurant la concentration de substances individuelles dans l'eau, le biote ou les sédiments et en la comparant à une norme de qualité environnementale alors même que cette norme ne prend pas en considération l'effet perturbateur endocrinien. En outre, nos connaissances sur les effets toxiques et écotoxiques des métabolites, des cocktails de substances sont encore très parcellaires.

C'est la raison pour laquelle la DEB mène une stratégie nationale prospective sur les substances émergentes et les outils de surveillance innovants. Cette stratégie vise à anticiper les risques et les évolutions en matière de polluants et à améliorer la surveillance de routine. Elle vient compléter les programmes de surveillance réguliers imposés par la DCE et désormais bien en place dans les bassins.

Un milieu sous surveillance

La surveillance régulière DCE porte sur des substances dites prioritaires et dangereuses prioritaires dont la concentration dans l'eau ou le biote ne doit pas dépasser des seuils appelés normes de qualité environnementales (NQE). Elle a pour but l'atteinte du bon état des eaux et la réduction voire la suppression des émissions des substances listées. Ces listes de substances ainsi que leurs NQE sont fixées pour tous les pays européens et révisées tous les six ans. En outre, chaque Etat membre définit des substances d'intérêt national appelées polluants spécifiques de l'état écologique ainsi que leurs NQE correspondantes. Ces polluants rentrent également dans l'évaluation de l'état des eaux et sont révisés selon le même calendrier que les substances de la liste européenne. Ils diffèrent selon les pays, mais également selon les bassins au sein du territoire français afin de prendre en compte les pressions locales.

L'ensemble de ces polluants est surveillé à une fréquence définie sur un réseau de sites de surveillance couvrant l'ensemble du territoire français en métropole et en outre-mer.

La surveillance prospective répond à plusieurs besoins :

  • L'acquisition de connaissances sur des molécules émergentes au travers de campagnes nationales régulières afin de déterminer le risque que posent ces nouveaux polluants et la nécessité ou non de les intégrer dans la réglementation nationale, voire européenne.
La dernière campagne de ce type a eu lieu en 2012 et a permis d'établir une liste de substances dites pertinentes à surveiller. Ces dernières seront surveillées sur une grande partie du réseau de sites de surveillance DCE entre 2016 et 2021. Les résultats de cette surveillance permettront d'identifier celles qui intégreront la liste des polluants spécifiques et serviront à l'avenir à l'évaluation de l'état des eaux.
  • L'acquisition de connaissances sur des technologies innovantes de surveillance, tels que les échantillonneurs passifs ou les bioessais.

A ce stade, la surveillance chimique se fait par des prélèvements ponctuels d'eau qui sont ensuite envoyés en laboratoires pour analyses des substances réglementées par la DCE et par les arrêtés nationaux. Ce processus n'offre qu'une vision parcellaire de la pollution des eaux et occulte certains phénomènes, comme la saisonnalité de certains contaminants ou les effets cocktails. De plus, elle se heurte à des limites techniques car les concentrations très faibles des micropolluants ne sont pas toujours détectables par ces méthodes dites "classiques". Des outils innovants vont permettre de pallier certaines de ces difficultés, mais tous ne sont pas matures. Leur expérimentation à petite échelle au travers de campagnes prospectives permet de consolider le cadre de leur utilisation en vue d'une possible intégration dans la réglementation. Le consortium Aquaref, laboratoire national de référence pour la surveillance des milieux aquatiques, est particulièrement impliqué dans ces projets et mènera dès 2017 une vaste étude de démonstration de ces outils innovants sur le territoire national.

En appui à ce dispositif national de surveillance prospective, les agences de l'eau développent localement des projets innovants destinés à améliorer les connaissances des milieux et des pressions qui s'y exercent.

En conclusion, la réduction des émissions de micropolluants et l'obtention d'un bon état des eaux fait appel à différents instruments de politique publique. La politique déployée au ministère de l'Environnement vise à responsabiliser l'ensemble des acteurs et entraîner des modifications de pratiques durables. Dans la mesure où il s'agit de sujets encore émergents, cette politique s'appuie, à plus d'un titre, sur la recherche sans oublier les sciences humaines et sociales.

Olivier Gras et Laure Souliac, Direction de l'eau et de la biodiversité, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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Réactions1 réaction à cet article

 

Bonjour, merci pour cet article très clair qui repositionne bien la problématique dans son contexte.

BIOMAE | 06 décembre 2016 à 09h43
 
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