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"Depuis une dizaine d'années, une vingtaine de départements sont systématiquement concernés par des restrictions d'usage de l'eau"

Eau : vers une exploitation des ressources non conventionnelles Actu-Environnement.com - Publié le 02/07/2012

Si la France ne fait pas partie des pays exposés à un stress hydrique intense, les disparités saisonnières et géographiques peuvent mettre certaines régions dans des situations critiques. Tour d'horizon avec Emmanuel Morice, ministère de l'Ecologie.

Eau : vers une exploitation des...  |    |  Chapitre 1 / 9
"Depuis une dizaine d'années, une vingtaine de départements sont systématiquement concernés par des restrictions d'usage de l'eau"
Environnement & Technique N°316 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°316
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Actu-environnement : Globalement, que peut-on dire des ressources françaises en eau et de leur évolution attendue ?

Emmanuel Morice : Sur une année moyenne, la France ne souffre pas d'un déficit de précipitations, même si cette situation générale masque des disparités. Comptes tenus des impacts des changements climatiques, il est aujourd'hui difficile d'anticiper l'évolution de la situation. La plupart des études montrent que dans les décennies à venir l'augmentation de l'évapotranspiration du fait des hausses de température pourrait conduire à des sécheresses plus sévères et plus longues. Le signal en matière de précipitations est moins net, mais globalement, on s'attend à une baisse des précipitations en été qui aggraverait les sécheresses estivales et réduirait les débits des cours d'eau.

AE : Que peut-on dire des sécheresses printanières de 2011 et 2012 ?

EM : L'année 2011 a été une année record, cumulant d'importants déficits pluviométriques et de fortes températures. Heureusement, la météo de juin et juillet a été plus humide ce qui a permis de redresser la situation. Malgré tout, 78 départements ont été touchés par des arrêtés sécheresses plus ou moins stricts. Clairement, l'année 2011 restera, aux côtés de 1976 ou 2003, une année exceptionnelle. Surtout que l'automne aussi a été sec.

L'année 2012 ne part pas tout à fait sur les mêmes bases. On a connu une sécheresse d'hiver avec de forts déficits pluviométriques en février et mars. Néanmoins, les mois d'avril et de mai ont été pluvieux et, si le niveau des nappes phréatiques reste par endroit préoccupant, le débit des rivières et le remplissage des réservoirs des barrages ne posent pas problème.

AE : Qu'en est-il des disparités géographiques ?

EM : Depuis une dizaine d'années, une vingtaine de départements sont systématiquement concernés par des restrictions d'usage de l'eau. Il s'agit des départements des régions Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Aquitaine et des départements tributaires de la nappe de la Beauce et de la nappe de Champigny dans la région Centre et en Ile de France. C'est la combinaison de plusieurs facteurs qui explique ces déficits estivaux récurrents. En région Poitou-Charentes, par exemple, la ressource en eau limitée (bassins versants peu étendus, absence de nappes phréatiques importantes) n'a pas permis de satisfaire au cours des dernières années la forte demande en eau, en particulier en période estivale, pour l'irrigation agricole.

On observe que c'est l'accumulation de tels facteurs qui détermine les zones à risque. Paradoxalement, le Sud-Est de la France, où il pleut moins que dans les zones évoquées précédemment, connaît moins de tensions sur la ressource en eau car la région bénéficie du château d'eau des Alpes et d'infrastructures hydrauliques très anciennes. Elle s'est adaptée très tôt à la pénurie d'eau estivale, ce qui n'est pas le cas d'autres régions qui la subissent depuis quelques décennies.

AE : Quelles sont les problématiques saisonnières ?

EM : Comme l'illustre l'hiver 2012, il serait trop simple de réduire la question aux pénuries estivales : fin mars 2012, certains cours d'eau ont affiché des débits habituellement observés en juin, voire en juillet. De même, en 2011, les derniers arrêtés de restriction d'usage de l'eau ont été pris en novembre. Même si globalement la pénurie concerne surtout l'été, on ne peut pas exclure qu'elle apparaisse, de façon localisée, à d'autres moments de l'année.

C'est d'autant plus vrai que si les cours d'eau suivent un cycle annuel, avec évidemment des variations de débit d'une année sur l'autre, la recharge de certaines nappes phréatiques peut prendre plusieurs années ou décennies. C'est le cas par exemple de la nappe de la Beauce, ou la nappe de l'Eocène en région Aquitaine, dont la baisse constatée dans les années 1970 ne se résorbe pas.

E&T : Quelles activités dépendent le plus de l'eau ?

EM : Il faut distinguer les prélèvements des consommations. Les prélèvements représentent de 32 à 34 milliards de m3 par an. Le premier secteur concerné est la production électrique avec un prélèvement annuel d'environ 21 milliards de m3. Ceci dit, l'essentiel de ces volumes est rejeté en aval du prélèvement.

Si l'on regarde les données moyennes, l'irrigation, avec 3 à 5 milliards de m3 par an, représente environ la moitié de la consommation d'eau et jusqu'à 80% de la consommation entre juin et août. Globalement, l'irrigation a fortement progressé jusqu'à la décennie 1990 et est stable depuis les années 2000.

AE : Quelles sont les principales pistes pour lutter contre les pénuries ?

EM : C'est délicat d'évoquer une piste unique puisque les problèmes diffèrent en fonction des régions et de l'origine du déficit hydrique. Dans les bassins en déficit structurel ou Zone de répartition des eaux (ZRE), l'Etat a engagé des études pour déterminer le volume d'eau réellement disponible afin de plafonner la consommation totale dans ces zones sensibles et la répartir entre usagers. Pour diminuer les prélèvements dans le milieu naturel, la première approche commune à l'ensemble du territoire concerne les économies d'eau avec, par exemple, l'objectif de réduire les fuites des réseaux d'eau potable ou la recherche dans tous les domaines des techniques les plus économes en eau.

Les autres pistes sont donc abordées en croisant une approche régionale et une approche économique basée sur les coûts et bénéfices attendus. Ainsi, on n'envisage pas de développer fortement le dessalement d'eau de mer en France, solution qui ne peut répondre qu'à des situations très spécifiques (par exemple approvisionnement estival de Belle-île-en-mer dans le Morbihan).

La mobilisation de ressources alternatives comme le recours aux eaux de pluie et aux eaux usées traitées constitue une solution souvent évoquée. La réutilisation de l'eau de pluie peut ainsi être une bonne solution pour l'arrosage des jardins des particuliers. Pour l'irrigation, la réutilisation des eaux en sortie de station d'épuration est une option intéressante. Cependant, ces projets peuvent être contraignants car ils nécessitent souvent des investissements de réseau d'adduction, une demande régulière en eau pour amortir le projet et une eau répondant à des critères de qualité, ce qui peut imposer des traitements supplémentaires en sortie de station d'épuration. Le plus souvent ce sont donc des projets d'irrigation d'espaces verts ou de golfs, même s'il existe des cas d'irrigation agricole (Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme).

Enfin, pour l'irrigation agricole, la mise en place de cultures moins consommatrices en eau doit faire partie des solutions à approfondir et à promouvoir pour lutter contre les pénuries en parallèle à la création de retenues dites de substitution si la topographie locale s'y prête et qu'il est possible de prélever dans les cours d'eau ou les nappes en hiver sans altérer les écosystèmes.

Propos recueillis par Philippe Collet

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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