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"Il faut sortir de la logique de l'offre afin de faire évoluer l'ensemble du système de mobilité"

Territoires ruraux : le casse-tête de la mobilité propre Actu-Environnement.com - Publié le 14/11/2016

Quelles sont les alternatives à la voiture dans les campagnes ? L'investigation de Marie Huyghe, Docteure en Aménagement de l'espace et Urbanisme, chercheure associée à l'UMR 7324 CNRS-Citeres, montre qu'il n'y a pas de solution binaire de remplacement, mais un bouquet de possibilités.

Territoires ruraux : le casse-tête de...  |    |  Chapitre 2 / 6
"Il faut sortir de la logique de l'offre afin de faire évoluer l'ensemble du système de mobilité"
Environnement & Technique N°363 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°363
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Actu-Environnement : Est-il encore possible d'envisager une amélioration de la desserte des territoires à faible densité par les transports publics classiques ?

Marie Huyghe : Améliorer la desserte en transports en commun classiques (TER, cars départementaux) ne doit pas être considéré comme l'unique solution à la question de la mobilité dans les territoires ruraux et périurbains largement dépendants de la voiture. Aucune offre de transports en commun, même de "bonne qualité" (c'est-à-dire proposant des dessertes adaptées aux horaires des actifs et suffisamment fréquentes, des durées et des coûts de trajet équivalents au trajet en voiture), ne constituera jamais une alternative satisfaisante pour l'ensemble des déplacements aujourd'hui réalisés en voiture. Pensons par exemple aux ménages d'actifs, notamment ceux avec enfants, qui sont soumis à des contraintes temporelles fortes que seule la voiture est aujourd'hui capable de satisfaire. Il est donc nécessaire de développer un bouquet d'offres de transport et de services de mobilité, qui permettent d'assurer l'ensemble des déplacements dans toute leur diversité.

E&T : Quelles sont les autres solutions dans les communes rurales ?

MH : En plus de développer des services de transport en commun de bonne qualité, on cherchera à promouvoir la pratique des modes actifs (marche à pied, vélo, vélo à assistance électrique), parfaitement adaptés aux déplacements en local inférieurs à trois, cinq voire 10 kilomètres. Cela demande de développer des pistes cyclables et des cheminements piétons sécurisés, ainsi que des espaces de stationnement dédiés : ces aménagements sont nécessaires pour encourager un report modal de la part des ménages.

On pensera également aux usages alternatifs de l'automobile tels que le covoiturage ou l'autostop de proximité, mode de déplacement parfaitement adapté aux territoires de faible densité pour des trajets du quotidien de faible ou moyenne distance. L'autostop de proximité permet de compléter les moyens de transport existant sur le territoire (y compris les réseaux de covoiturage), en permettant une pratique structurée, organisée et surtout sécurisée de l'autostop traditionnel : suite au succès de l'association RézoPouce créée en 2012, de nombreux réseaux se sont développés en France ces dernières années.

Enfin, le transport à la demande, fréquemment considéré comme la meilleure alternative à la voiture en milieu rural, doit être simplement perçu comme une offre parmi d'autres, qui permet de répondre aux besoins d'une certaine partie de la population, en particulier les personnes âgées.

AE : On comptabilise depuis 20 ans une série de tentatives d'organisation du covoiturage de proximité, pour beaucoup d'échecs. Confirmez-vous cette tendance ?

MH : Une étude publiée en septembre 2016 par l'Ademe met parfaitement en évidence cinq piliers permettant d'éviter les difficultés que peuvent rencontrer certaines politiques de covoiturage. Parmi ceux-ci, je retiendrai notamment l'importance de développer des infrastructures, notamment des aires de covoiturage, qui vont faciliter et sécuriser la pratique, mais qui vont également (voire surtout) la rendre visible aux yeux des non-pratiquants et la légitimer : en investissant dans de tels aménagements, les collectivités vont soutenir la pratique. La question de la mise en relation des covoitureurs est également un point-clé : l'Ademe montre que malgré la multiplication des plateformes de mise en relation, trouver un covoitureur compatible reste une difficulté qui empêche souvent d'initier ou de poursuivre la démarche.

Enfin, le faible recours au covoiturage que l'on peut observer dans certains territoires peut également s'expliquer par un simple fait : les ménages ruraux sont certes très majoritairement dépendants de l'automobile, mais ils sont surtout globalement satisfaits de leurs pratiques.

AE : Quels sont les obstacles à dépasser pour développer l'autopartage en milieu peu dense ?

MH : L'autopartage en milieux rural et périurbain n'a rien à voir avec les réseaux d'autopartage "commercial" qui se développent en milieu urbain, qui consistent à mettre à disposition des véhicules gérés par des entreprises privées, pour la durée souhaitée et pour des déplacements courts et occasionnels. Cet autopartage commercial n'est pas adapté à la faible densité des territoires ruraux et aux pratiques des ménages. Il s'agira donc d'autopartage "informel" entre particuliers, de partage au quotidien et sur une longue durée d'un véhicule privé, entre amis, voisins ou proches. En moyenne, Bruno Cordier, du bureau d'études Adetec, qui a mené une étude sur l'autopartage entre particuliers en 2013, montre qu'une voiture se partage entre trois et quatre personnes. Comment favoriser cette pratique ? On peut identifier quatre éléments : la voiture doit pouvoir être récupérée rapidement par les autopartageurs, à pied ou à vélo ; des besoins en voiture limités ou compatibles ; des emplois du temps compatibles ; des solutions alternatives, qui impliquent de réorganiser les activités pour éviter le déplacement. L'existence d'un réseau d'entraide s'avère essentielle dans les espaces peu denses offrant peu d'alternatives à la voiture.

AE : Vous prônez une approche systémique de la mobilité dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles. Pouvez-vous préciser votre vision ? Donner des exemples ?

MH : Cette notion d'approche systémique est à mon sens le principal message à retenir lorsqu'on traite de la question de la mobilité. Aujourd'hui, les collectivités s'attaquent souvent à la question de la mobilité uniquement par le biais de l'offre, en cherchant à déterminer quelles offres (voire quelle offre) développer pour remplacer la voiture. On l'a vu, cette approche est trop simpliste. Il faut développer une approche complexe de la question, et chercher à faire évoluer l'ensemble du système de mobilité pour permettre aux ménages d'adopter de nouvelles pratiques moins dépendantes de la voiture. Cela passe certes pour partie par le développement d'offres alternatives, mais également par un travail d'aménagement du territoire qui doit permettre de diminuer les besoins en mobilité ou de limiter les distances parcourues, grâce à une revitalisation des centres-bourgs, le développement de tiers-lieux, qui fournissent des espaces intermédiaires entre le domicile et le travail, où des personnes peuvent travailler, se rencontrer, mutualiser des ressources.

Enfin, cela passe par une approche comportementale à l'échelle individuelle, un travail sur les pratiques de mobilité et de leur potentiel d'évolution.

Propos recueillis par Agnès Sinaï

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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Réactions2 réactions à cet article

 

en effet, les zones rurales sont souvent ignorées des acteurs de la mobilité. Un Decaux ou Clear Channel ne viendra jamais mettre des solutions alternatives dans ces régions. Cependant ces régions bougent et innovent et mettent en place des solutions de mobilité douce avec de réels résultats (Les Gets, Albertville, Val d'Isère, Termignon ...).

cleanenergy | 15 novembre 2016 à 12h38
 
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Il n'y a aucun casse-tête à la mobilité propre en campagne !
Les Voitures électriques vont très bien à la campagne pour faire 120 km / jour sans avoir à recharger !! Qu'est ce que c'est que ce dossier qui ne sert à rien ? J'ai une ZOE et je suis à la campagne dans le 89 et je vais partout avec et loin si besoin des fois avec des bornes présentes un peu partout maintenant ! Vous parlez d'énergie fossile, mais ça fait longtemps qu'on peut s'en passer !

Roro | 15 novembre 2016 à 17h26
 
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