Parmi les pistes pour réduire les flux de déplacement, le télétravail constitue un bon outil pour aider les collectivités à agir contre les congestions et relancer l'économie locale. Les initiatives restent toutefois encore timides.
Dans les couronnes périurbaines ou les espaces majoritairement ruraux, la voiture reste le mode dominant pour se déplacer, que ce soit pour aller travailler ou accéder à des services vitaux. Et les déplacements contraints domicile-travail et domicile-étude continuent d'augmenter sur le territoire. Cette tendance pourrait toutefois être atténuée. Plusieurs pistes s'offrent aux collectivités.
Multiplier les tiers lieux au sein des territoires
En novembre 2015, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a publié une étude sur les opportunités des territoires à développer le télétravail. "Il n'existe pas de données statistiques officielles récentes permettant de mesurer son développement actuel", constatait-il alors. Cependant, le CGET évoque un taux de pénétration de plus de 17%, qui prend en compte différents modes de travail à distance. Or, s'il était plus pratiqué, le télétravail pourrait permettre aux territoires et collectivités de réduire leur empreinte carbone, ainsi que les problèmes de congestion aux heures de pointe mais également de redonner un élan économique, selon le Commissariat.
"Les collectivités sont de plus en plus intéressées par l'émergence de tiers lieux à proximité des zones d'habitation pour favoriser le travail sur le territoire, permettre des moindres déplacements et échapper aux phénomènes de villes dortoirs", confirme Dominique Valentin, développeur des Relais d'entreprises en milieu rural, espaces de travail à usage flexible en milieu rural et péri-urbain. En février 2016, un décret est également venu préciser les conditions et modalités de la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et tenter de soutenir son développement.
Qu'il soit dans le secteur privé ou public, la prise en compte de ce levier s'avère toutefois timide. Différentes initiatives soutenues par des collectivités commencent à voir le jour. Par exemple, le projet Sonate vise à faciliter l'entrée des publics défavorisés à l'université à travers une préparation à distance au diplôme d'accès aux études universitaires. Il s'appuie pour cela sur un réseau de tiers lieux pour la formation et le soutien personnalisé. "Nous débutons avec une expérimentation de petite taille avant de passer au niveau national en février, l'idée est d'essaimer sur quatre ans, précise Cathy Veil, chargée du projet Sonate pour l'association Brie'Nov, qui soutient des innovations dans la ruralité. C'est aussi un test pour voir si nous pouvons le faire pour d'autres diplômes".
Frédéric Merle, directeur de Jehol, tiers lieu à Donnemarie Dontilly (Seine-et-Marne) a créé une structure d'hôtels d'entreprises en 2012 notamment pour proposer une solution alternative aux déplacements pendulaires entre Paris et la province. La structure regroupe des bureaux fermés, des open space, des salles de réunion, de la domiciliation ou de l'hébergement de société. "Nous réfléchissons aujourd'hui à un projet de télémédecine qui offrira des solutions de consultations à distance, développe Frédéric Merle. Pour l'instant, le frein est plus humain que matériel : les patients pour l'instant préfèrent voir directement leur médecin plutôt que par l'intermédiaire de la fibre optique".
Un équilibre financier difficile à atteindre
Différents obstacles s'opposent au développement de ces structures. La question de l'accompagnement financier semble jouer un grand rôle dans leur pérennité. Ainsi le projet de télécentre multi-usage n'a pas réussi à s'implanter à Trilport (Seine-et-Marne). "Nous avions incité des propriétaires d'immeubles de bureau à mettre à disposition du télécentre des locaux durant deux ans, cela a fonctionné durant ce laps de temps, explique Jean Michel Morer, maire de Trilport et vice président en charge des transports de la communauté d'agglomération de Meaux. Le marché n'est pas encore tout à fait mûr et ces structures nécessitent une approche de start up. Il faut laisser le temps à cet outil de se mettre en place. Le modèle sera à l'équilibre progressivement au bout de 36 mois".
Pour l'élu, la solution pourrait être apportée à travers une aide aux financements de la part d'acteurs comme la Caisse des dépôts et consignations ou de grands opérateurs de transports comme la SNCF, la RATP et Transdev.
Certains, comme Dominique Valentin, développeur des Relais d'entreprises en milieu rural, envisagent une valorisation des économies de dioxyde de carbone auprès des obligés de la taxe carbone pour couvrir la location des bureaux. "Nous réfléchissons également à ce que la taxe professionnelle, la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), puisse être versée non pas à la commune du siège social de l'entreprise mais à celle où le salarié travaille. Elle pourra elle-même la reverser au gestionnaire du lieu", développe Dominique Valentin.
"Il faut trouver les conditions pour que ce type de lieu survive le temps que rentre dans les mœurs la possibilité de télétravailler. La difficulté est là : l'entreprise et son organisation pèsent sur ce type de possibilité", constate Didier Galet, gérant d'Infoggara, cabinet de conseil et accompagnement en développement territorial. Il faut que les collectivités prennent conscience qu'elles doivent soutenir ce type d'équipement dans la phase d'amorçage".
Dorothée Laperche
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