Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Le tiers substitué ou la petite révolution du volet Sites et sols pollués d'Alur

Sites pollués : les professionnels s'emparent de la loi Alur Actu-Environnement.com - Publié le 15/02/2016
Sites pollués : les professionnels...  |    |  Chapitre 6 / 16
Le tiers substitué ou la petite révolution du volet Sites et sols pollués d'Alur
Environnement & Technique HS SSP Téléchargez le Hors Série E&T spécial SSP, édition 2016
[ Télécharger le PDF gratuit | Visionner en ligne gratuit | Acheter la revue ]

Contrairement à nos voisins européens, il n'y avait pas en France avant Alur de loi structurante en matière de sites et sols pollués, d'où des contentieux en augmentation, des décisions contradictoires, et surtout une paralysie dans la réhabilitation des sites pollués, certains exploitants préférant maintenir une petite activité artificielle plutôt que de procéder à des mesures de réhabilitation dans un cadre juridique incertain.

Le volet Sites et sols pollués de la Loi Alur, fruit d'une longue concertation et d'un large consensus des parties prenantes, a posé les bases d'un cadre juridique plus élaboré visant à 1) informer le public, les services de l'urbanisme, les acquéreurs et les locataires, 2) clarifier les responsabilités, 3) faciliter le redéveloppement des friches industrielles.

Le décret relatif au tiers substitué s'inscrit dans ce troisième objectif visant à lutter contre l'étalement urbain en favorisant la reconversion des friches industrielles. En effet, jusqu'alors, les manifestations de l'ordre public environnemental n'offraient qu'un champ d'expression assez limité à la volonté des parties. L'entrée en vigueur du décret relatif au tiers substitué offre dorénavant un nouvel outil de clarification et de sécurisation des responsabilités de celles-ci.

Les obstacles du droit existant

En principe, la responsabilité administrative de la remise en état au titre des ICPE pèse exclusivement sur le dernier exploitant des activités à l'origine de la pollution, ce dernier pouvant être recherché des années après la cessation d'activité de l'installation en cause. Une telle responsabilité administrative ne pouvait en outre, avant le décret relatif au tiers substitué, être valablement transférée contractuellement.

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé en 2005, et réaffirmé depuis, que le fait pour le dernier exploitant d'une installation classée de ne pas avoir respecté ses obligations lors de la cessation d'activité (mesure de police sanctionnée pénalement) pouvait constituer une faute délictuelle à l'égard de l'acquéreur du site. Dès lors, le vendeur du terrain et ancien exploitant, ne pouvait se prévaloir des dispositions contractuelles prévues dans le contrat de vente du terrain (en l'espèce, vente en l'état avec renonciation à tout recours contre le vendeur).

Cette possibilité d'engager la responsabilité délictuelle de l'ancien exploitant à raison de l'inexécution de son obligation s'avérait en pratique source d'une très grande insécurité juridique, en réduisant la portée des anticipations contractuelles.

Cela obligeait les exploitants vendeurs, qui ne souhaitaient pas assumer la responsabilité du changement d'usage à l'égard de l'administration, à procéder aux mesures de réhabilitation requises pour un usage industriel comparable à la dernière période d'exploitation, à céder ensuite leur terrain puis à ce que l'acquéreur procède aux mesures de réhabilitation nécessaires pour le changement d'usage. A l'évidence, cela entraînait à la fois des délais et des surcoûts, parfois insupportables pour la viabilité de l'opération.

La nouveauté : la possibilité de transférer tout ou partie de l'obligation de réhabilitation

Afin de faciliter la reconversion de ces terrains et à la demande de nombreux acteurs, dont les promoteurs et aménageurs, la loi Alur et le décret d'application du 18 août 2015 autorisent dorénavant le transfert, à un tiers, des obligations administratives de réhabilitation sous certaines conditions, tenant notamment aux capacités techniques et financières de ce tiers substitué ainsi qu'à la constitution de garanties financières.

Cela étant, pour ne pas remettre en cause le principe du pollueur/payeur et permettre une plus large adhésion au texte, notamment par les associations de protection de l'environnement, il a été prévu que le dernier exploitant conserve une responsabilité subsidiaire en cas de défaillance du tiers substitué et d'impossibilité de mettre en œuvre la garantie financière constituée par ce dernier. Ceci ne nous semble toutefois pas remettre en cause les vertus de la loi Alur à ce titre, dans la mesure où le risque d'engagement de la responsabilité du dernier exploitant dans ce cadre apparait très limité, voire purement théorique.

Ce transfert peut en outre porter sur tout ou partie des obligations pesant sur le dernier exploitant. Il peut ainsi concerner les mesures de réhabilitation des sols de tout ou partie du terrain d'emprise d'une ICPE, inclure ou pas les mesures de surveillance ou de traitement de la nappe à l'extérieur du site. A ce titre, le dossier de demande doit notamment préciser la façon selon laquelle le dernier exploitant et le tiers demandeur entendent se répartir les mesures de surveillance et de gestion des pollutions hors du site.

On peut regretter que la procédure de tiers substitué soit assez complexe et donc assez longue, avec une phase d'acceptation préalable, puis, uniquement dans un second temps, l'instruction du dossier de demande, et enfin la soumission au Conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques (Coderst) puis l'édiction de l'arrêté autorisant la substitution.

Il n'en demeure pas moins que cette possibilité de transfert, d'ailleurs tout à fait innovante en matière de police administrative, constitue un nouvel outil permettant des processus de reconversion de friches industrielles plus efficaces et sécurisants pour les vendeurs anciens exploitants mais également pour les aménageurs. La procédure de tiers substitué devrait ainsi également permettre de mieux optimiser et rendre compatibles les calendriers et contraintes de la cessation d'activité et de l'opération d'aménagement. Pour ce qui concerne les vendeurs non exploitants, l'outil du tiers substitué permettra de renforcer la portée des protocoles tripartites (vendeur propriétaire / exploitant / acquéreur substitué). Il pourra également être utilisé dans le cadre de la négociation des garanties environnementales données en cas de cession de société exploitant des actifs industriels. En effet, il serait envisageable de s'inscrire dans une procédure de tiers substitué pour les passifs historiques non liés à l'activité.

Conclusion

Ce décret s'inscrit ainsi dans l'objectif plus général de favoriser les reconversions de friches industrielles en clarifiant notamment les responsabilités des parties prenantes et fournit un nouvel outil à ce titre.

Dans cette même perspective, il serait également nécessaire qu'un décret vienne préciser la notion de propriétaire négligent, désormais responsable de second rang en matière de sites et sols pollués.

Certaines parties prenantes ont marqué leur préférence pour une absence de texte, choisissant de s'en remettre à la jurisprudence, comme il y a vingt ans, lorsque les notions de propriétaire/détenteur et d'exploitant n'étaient pas précisées dans les textes. Or, après quinze ans d'errances contentieuses dont l'affaire Wattelez est une bonne illustration, il apparait que la recherche de payeurs à tout prix au détriment de l'équité ne peut qu'engendrer la multiplication de contentieux aux résultats incertains.

Cela est d'autant plus à craindre que, dans un domaine aussi technique, les concepts ne sont pas simples à manipuler tant pour le juge civil qu'administratif.

A l'inverse, clarifier c'est donner de la prévisibilité et en l'espèce créer en creux un chemin vertueux du propriétaire diligent.

Frédérique Chaillou, avocat associé et Vincent Sol, of counsel, Lefèvre Pelletier & associés

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

Retour au sommaire

RéactionsAucune réaction à cet article

 

Réagissez à cet article ou posez une question

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- disposant d'un porte-monnaie éléctronique
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
[ Tous les champs sont obligatoires ]
 

Partager