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Tiers demandeur : une avancée suffisante pour reconquérir les friches industrielles ?

Sites pollués : les professionnels s'emparent de la loi Alur Actu-Environnement.com - Publié le 15/02/2016
Sites pollués : les professionnels...  |    |  Chapitre 7 / 16
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Pour réduire globalement nos impacts sur l'environnement, limiter l'étalement urbain des populations est un des défis futurs de nos sociétés. Alors, pour faire face à la demande croissante en logement, il faudra reconstruire "la ville sur la ville", reconquérir des espaces délaissés par la promotion immobilière car trop complexes pour en muter l'usage.

Le mécanisme du tiers demandeur instauré par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi Alur) permettra-t-il de faciliter la mise à disposition de cette réserve foncière urbaine ou péri-urbaine ? Certainement. 
Est-ce pour autant un levier de démultiplication et d'accélération du processus de reconquête de ce foncier ? Probablement pas.

Un éclaircissement bienvenu

Le propos n'est pas de critiquer le mécanisme dudit "tiers demandeur" décrit dans le décret du 18 août dernier. Il serait d'ailleurs difficile de s'appuyer sur des exemples concrets tant sa parution est récente, et sa mise en œuvre naissante. On préférera discuter de son efficacité projetée pour accélérer le processus de reconquête des friches industrielles (moins de délais, plus de m2).

Le mécanisme du tiers demandeur légalise certaines pratiques qui avaient cours sur des sites à enjeux économiques majeurs. Dans un cas où toutes les parties prenantes avaient des intérêts convergents, la négociation permettait une répartition des responsabilités concernant, à la fois la prise en charge économique mais également la substitution de fait de la responsabilité de certains exploitants locataires disparus ou non solvables. En cela, le décret amène un progrès juridique et permet de sécuriser le transfert de responsabilités, sans toutefois désengager durablement un propriétaire/exploitant patenté et pérenne.

Par ailleurs, quels peuvent en être les effets induits ? On peut penser que la substitution par un tiers intéressé pourra débloquer certaines situations entre parties prenantes initiées. Ou encore que le recours à un tiers demandeur peut supprimer quelques séquences intermédiaires dans la transformation d'une friche industrielle. On peut aussi imaginer le développement de certaines professions spécialisées dans la reconversion de friches industrielles, intermédiaires entre l'industriel propriétaire et le promoteur. Quelques industriels pourraient être tentés ainsi par l'apport de recettes externes, peut-être pas optimisées, mais de court terme.

Mais des freins persistent

En revanche, si on considère uniquement l'effet de levier d'accélération escompté par l'intervention d'un tiers demandeur, des freins de tous ordres apparaissent nettement. La procédure, par exemple, demeure relativement lourde à mettre en place, et même si elle contribue à sécuriser le processus de mutation, elle ne va vraisemblablement pas l'accélérer.

Ensuite, les mises au point des divers dossiers réglementaires, "clausiers" des actes et contrats et garanties, laisseront une part très importante aux discussions techniques entre experts de tous bords ; dans un contexte français qui offre bien des débats concernant la gestion des sites et sols pollués. Enfin, on peut se poser la question des sites géographiques éligibles et être tenté de penser que seuls les sites à bilan économique très positif entreront dans cette catégorie.

En somme, les articulations contractuelles restent à découvrir et à construire pour éprouver ce nouveau dispositif. Cela prendra du temps pour mesurer, avec suffisamment de recul, son efficacité.

Aller plus loin que la loi Alur

Mais en observant les pratiques actuelles, n'y a-t-il pas des leviers d'accélération complémentaires à actionner en priorité ? Nous pouvons nous appuyer sur deux constats. Le premier est que de nombreuses friches industrielles, au foncier gelé par des problématiques de "pollutions", ne sont pas supportées par une ICPE. En l'occurrence, les transformations proposées par la loi Alur n'apportent aucun élément nouveau sur la responsabilité environnementale élargie.

Le second constat porte sur un bilan communément admis que le volet "pollution" d'une opération immobilière sur une friche industrielle représente 6 à 10% du bilan économique global. Mais sur cette frange, quelle est la part dévolue strictement à la mise en sécurité environnementale et sanitaire des projets ? Assurément bien moindre, étant entendu qu'une majorité est liée au coût de possession des terres excédentaires du projet et à leur mode de gestion. Sur ce point aussi, la loi Alur n'apporte rien de nouveau.

Paradoxalement, pour faire face à l'accroissement des populations, limiter l'étalement urbain, protéger notre environnement et donc notre qualité de vie et celle de nos enfants, il nous faudra construire en nombre sur des espaces moins "sains". Mais pour réussir, il nous faudra collectivement apprendre à gérer avec aisance le risque environnemental et sanitaire, communiquer sur le risque résiduel dans le dialogue territorial, revisiter nos façons d'aménager et optimiser les coûts dans une logique d'économie circulaire. Tant de progrès que seule une loi ne peut satisfaire et c'est bien naturel. Pour relever ce défi, si la possibilité d'avoir recours à un tiers demandeur apporte une clarification indéniable sur le transfert de responsabilité d'une friche industrielle, elle doit être complétée et accompagnée par la multiplication des démarches, réglementaires et techniques, innovantes et en rupture.

Vincent Auriat, Responsable de la division Environnement – SNCF

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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