L'histoire du droit de l'environnement est déjà riche de plusieurs dates et époques marquantes. Il n'est pas de notre propos de la retracer ici mais de souligner que le
Grenelle de l'environnement organisé en 2007 a marqué une étape importante de l'évolution de ce droit.
Un droit qui se diffuse
Jusqu'à l'adossement de la
Charte de l'environnement à la Constitution de 1958, l'existence même du droit de l'environnement en qualité de branche du droit a pu être débattue. La création en droit international et européen puis l'inscription dans la loi française, en 1995, des principes directeurs de ce droit (prévention, précaution, pollueur-payeur..) ont permis de structurer et d'accroître l'autonomie de cette branche de plus en plus enseignée, en tant que telle, dans les facultés de droit.
La constitutionnalisation de ces principes directeurs dans la Charte de l'environnement a permis au droit de l'environnement de n'être plus simplement une "branche" mais bien une "racine" du Ddroit. Le droit de l'environnement s'est alors plus largement diffusé aux autres branchest, appelées à respecter les objectifs et principes de ce nouveau fondement de notre ordre juridique.
Le Grenelle de l'environnement a contribué à cette évolution. La méthode du Grenelle de l'environnement était en effet globale : les négociateurs ont tenté d'aborder presque tous les sujets – climat, biodiversité, déchets, gouvernance... - en ne les traitant plus de manière fractionnée. C'est ainsi qu'a été interrogé le rapport au droit de l'environnement : du droit de l'urbanisme, du droit fiscal, du droit rural, du droit de la consommation ou bien encore du droit des affaires. Le Grenelle de l'environnement a donc mis en évidence et accéléré la diffusion du droit de l'environnement. Ce qui présente un intérêt mais aussi une limite. En se diffusant, le droit de l'environnement court aussi le risque de perdre en substance ce qu'il peut gagner en surface.
Un droit plus participatif
Il est d'usage de considérer le droit de l'environnement comme un droit moderne au motif principal que son élaboration requiert souvent la participation du public. Plusieurs procédures permettent en effet aux personnes publiques décisionnaires d'informer ou de consulter le public – citoyens ou personnes morales – avant que ne soit réalisé un choix. Reste que la participation du public est souvent réduite à la consultation de ce dernier et ne se traduit pas toujours par une "co-construction" de la norme.
Dans son discours de
clôture du Grenelle de l'environnement du 25 octobre 2007, le Président Sarkozy avait proposé une petite révolution pour notre droit administratif en substituant à la décision administrative la "décision négociée à cinq" :
"Au-delà, je vous propose que, pour tous les grands projets, par exemple ceux soumis à une enquête publique, la décision négociée "à cinq" se substitue, dans toute la mesure du possible, à la décision administrative. Je vous propose de donner aux organisations non gouvernementales environnementales leur place dans nos institutions, et notamment au Conseil économique et social."
Cette proposition n'a pas eu de suite en raison sans doute de sa complexité. Le Grenelle de l'environnement restera cependant dans l'histoire pour avoir fait émerger la notion de "dialogue environnemental" alors que le Grenelle des salaires de 1968 avait permis l'organisation du dialogue social. Le Grenelle de 2007 a permis d'aboutir à une carte des consensus possibles entre les différents acteurs de la protection de l'environnement : associations de protection de la nature, associations d'élus locaux, syndicats de salariés et d'entreprises, services de l'Etat.
Pour la première fois depuis l'apparition en France du mouvement associatif environnementaliste, l'Etat a accepté de reconnaître certaines associations comme les partenaires légitimes de ce dialogue environnemental. Le Grenelle a aussi changé le regard sur les entreprises : elles sont un levier essentiel du changement.
La
poursuite de ce dialogue environnemental, au-delà du Grenelle, s'est malheureusement avérée décevante. Les
conférences environnementales mises en place par François Hollande se sont réduites à des discours d'autojustification du Premier ministre et du Président de la République ; la réforme du Conseil économique social et environnemental n'a pas été achevée et le Conseil national de la transition écologique (CNTE) n'a pas acquis la dimension interministérielle qui lui permettrait d'être davantage qu'un organisme consultatif du ministre de l'écologie.
Trop souvent encore, l'absence de dialogue environnemental conduit à déplacer le débat dans les salles d'audience, devant le juge. Le droit de l'environnement continue donc de se former au gré des recours et des décisions de justice.
Un droit à simplifier
Le Grenelle de l'environnement a donné lieu à une production législative particulièrement abondante et à deux lois fleuves :
la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 destiné à inscrire dans notre droit de grands objectifs et
la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 destinée à définir les moyens de parvenir à ces objectifs. Des textes denses et longs qui ont été suivis de nombreux décrets d'application.
Intervenues peu de temps après l'adossement de la Charte de l'environnement à la Constitution, les "lois Grenelle" ont globalement contribué au progrès du droit de l'environnement en permettant sa diffusion dans les autres branches du droit, notamment le droit de l'urbanisme. Reste que le Grenelle symbolise aussi une complexité accrue du droit de l'environnement qui a rebuté nombre d'acteurs économiques. D'où l'urgence d'engager sa simplification, ce qui était à l'ordre du jour des
Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement qui se sont tenus en 2013, avec un résultat malheureusement décevant.
Le chantier de la simplification du droit de l'environnement reste donc ouvert. Notre conviction est qu'il ne peut plus être mené par "petits bouts" comme s'il était possible de découper le droit en tranches et de ne simplifier que certaines d'entre elles. Dans le même sens, l'effort de simplification doit tenir compte de l'origine européenne du droit de l'environnement et de la nécessité d'anticiper les futures directives et règlements élaborés par les institutions de l'Union européenne.
Conclusion
Politiquement, le Grenelle a permis de faire en sorte que plus aucun candidat à une élection nationale ou locale ne fasse l'impasse, dans son programme, sur l'environnement. Economiquement, le Grenelle a créé une dynamique dont ont su profiter nombre d'entreprises qui ont investi dans l'économie verte. Juridiquement, le droit de l'environnement s'est diffusé mais a atteint un niveau de complexité et d'instabilité auquel il faut remédier.
Dix ans après le Grenelle, le temps est venu de passer des objectifs, pétitions de principe et grandes déclarations à la mise en œuvre concrète des moyens pour permettre de conjuguer écologie et économie.
1 Commentaire
Albatros
Le 26/10/2017 à 12h38
Bon anniversaire, effectivement. Vivent les jolis portiques et les belles étiquettes mensongères sur l'empreinte carbone des produits (cf. Casino et consorts).
Signaler un contenu inapproprié