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AccueilArnaud GossementUn médiateur pour la biodiversité, une urgence

Un médiateur pour la biodiversité, une urgence

Alors que s’ouvre le Congrès mondial de la nature de l’UICN à Marseille, il est intéressant d’étudier la manière dont nous traitons les conflits relatifs à la protection de l’environnement. La création d’une procédure de médiation s'impose.

Publié le 02/09/2021

Du projet de création d’un aéroport à Notre-Dame des Landes à celui d’un centre commercial Europacity dans le Triangle de Gonesse, les affrontements passés et en cours entre aménageurs, constructeurs, élus locaux, riverains et associations à propos de projets qui ont des effets pour la nature sont nombreux. Des affrontements souvent en forme de bras de fer qui font parfois des vainqueurs mais qui laissent surtout beaucoup de traces et d’amertume. Et qui peuvent tourner au drame si l’on se souvient de la mort en 2014 de Rémi Fraisse, jeune militant écologiste opposé à la création du barrage de Sivens. Dernier exemple en date : le conflit relatif à l’aménagement selon les uns, destruction selon les autres d’une partie des jardins ouvriers d’Aubervilliers. Les parties ne se parlent plus mais parlent à la presse, ne dialoguent plus mais saisissent des juges. Communiqués, manifestations, recours, expulsions : l’apaisement n’est pas à l’ordre du jour.

Un besoin évident de dialogue

Il est donc essentiel de réfléchir à la manière de prévenir ou d’apaiser ces conflits de manière à ce qu’ils ne soient pas stériles mais féconds. Aucune solution miracle n’existe. Certes, dans nombre de cas, la réponse pénale s’impose et il importe de donner aux autorités de police et aux juges les moyens de poursuivre et sanctionner, soit des atteintes à l’environnement, soit des occupations illégales. La réponse pénale ne saurait toutefois suffire. Des conflits d’usage comme ceux relatifs à la protection des paysages ou à la fréquentation de certains espaces naturels sensibles ne peuvent être réglés ainsi. Le droit de l’environnement aura donc beaucoup progressé le jour où il organisera et garantira un véritable « dialogue environnemental ».

L’idée n’est pas neuve et a été défendue par d’excellents spécialistes lors du Grenelle de l’environnement de 2007. Un dialogue environnemental à l’image du dialogue social en droit du travail permettrait à des partenaires environnementaux, d’animer une démocratie environnementale continue. Un dialogue environnemental qui ne se borne pas à une multiplication des procédures de consultation du public sous forme notamment d’enquêtes publiques et de consultations locales. Ces procédures existantes sont précieuses mais si elles doivent être réformées pour gagner en qualité et non en quantité, elles ne nous dispensent pas d’une véritable réflexion sur l’intérêt qu’il y aurait à les compléter par une véritable procédure de médiation environnementale. Une réflexion à laquelle a utilement contribué le récent rapport de la député Cécile Muschotti qui propose la création d’un « défenseur de l’environnement ».

Faire émerger une médiation environnementale 

Notre proposition est la suivante : créer une procédure structurée de médiation environnementale entre les parties à un conflit environnemental. Ce qui suppose de traiter plusieurs questions dont les suivantes. Première question : quelle est la fonction de la médiation ? Il importe ici de s’inspirer des procédures de médiation existantes. L’article L213-1 du code de justice administrative relatif à la médiation devant les juridictions administratives la définit ainsi : « (..) tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction. »

Cette définition est très intéressante car elle permet de bien distinguer la médiation d’autres procédures comme le traitement de plaintes ou des alertes. La médiation suppose l’accord de toutes les parties prenantes pour rechercher un accord. Le médiateur n’a pas pour fonction de rédiger cet accord à leur place mais très précisément de les aider à le rédiger. En réunissant toutes les parties à un litige, le médiateur a pour tâche première de mettre en évidence la complexité dudit litige, laquelle tient souvent aux contraintes, obligations et craintes de chacune de ces parties.

La CNDP, candidat idéal

Deuxième question :  à qui confier cette fonction de médiation ? Nul besoin de créer un nouveau comité théodule ni même une nouvelle autorité administrative indépendante. L’organisation des médiations pourrait relever d’une autorité administrative indépendante qui existe déjà : la commission nationale du débat public (CNDP). Celle-ci présente l’avantage de réunir en son sein des experts et représentants des parties prenantes. Elle est déjà chargée de veiller au respect du principe de la participation du public qui est une mission très proche de celle qui aurait pour objet la médiation. Enfin, l’une de ses attributions est déjà d’organiser une conciliation dans un cas très spécifique. L’article L121-2 du code de l’environnement  participation du public au processus de décision relatif à certains grands projets, la CNDP peut être saisie d’une demande de conciliation. Il est possible d’aller plus loin et, sans la borner aux projets pour lesquels la CNDP est déjà compétente, de lui confier une mission de médiation environnementale qui permette de profiter de cette expertise déjà acquise. La question de la fusion de la CNDP avec d’autres institutions comme l’Autorité environnementale ou le Haut conseil pour le climat est importante mais sensiblement distincte de celle consistant à définir une procédure de médiation qui pourrait être confiée à la CNDP, fusionnée ou non.

Prévoir les garde-fous

Troisième question : comment éviter les abus ? Toute procédure administrative peut être détournée. Ainsi, certains s’inquiéteront de savoir si l’organisation de médiations à la demande d’opposants n’aura pas pour effet de retarder l’instruction de certains projets industriels. D’autres s’inquiéteront aussi de savoir si l’organisation d’une médiation n’aura pas pour effet de légitimer un projet illégal ou tout simplement dangereux.

Enfin, qui peut et doit participer à la médiation ? Autant de questions tout à fait légitimes dont il n’est pas possible ici d’établir la liste complète. Le législateur pourrait cependant intervenir pour organiser cette procédure au sein du code de l’environnement, à partir de principes simples. Le premier : aucune médiation ne peut être imposée et organisée sans l’accord des parties. Si le porteur de projet, si les élus concernés ou si l’administration refuse de participer, aucun accord ne pourra être recherché. Le deuxième : les demandes de médiation, avant d’être soumises aux parties devraient faire l’objet d’un filtre pour en écarter les plus fantaisistes. Le troisième : les critères de désignation des parties prenantes pouvant participer à une médiation pourraient être fixés par la loi et le règlement et les membres de la CNDP pourraient être utilement consultés par le médiateur pour composer le groupe de travail chargé de parvenir à un accord. Enfin, non seulement un porteur de projet peut refuser une médiation mais, en outre, celle-ci devrait être encadrée dans des délais stricts pour éviter que, de manière dilatoire, une médiation soit réclamée dans le seul but de perturber ou d’allonger le délai des procédures d’instruction.

Il ne s’agit ici que de propositions. Elles sont à discuter et à affiner. La cause en vaut toutefois la peine : doter notre pays d’une véritable culture du dialogue serait utile. Comme le droit du travail, le droit de l’environnement ne peut pas être composé que d’obligations de faire, d’interdictions ou de sanctions. Il serait donc précieux qu’un ou plusieurs parlementaires se saisissent de ce sujet et déposent une proposition de loi pour compléter le code de l’environnement. Ce qui pourrait aussi contribuer à le simplifier tant l’excès de réglementation est souvent le résultat d’une absence de confiance et de dialogue.

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