Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilChristian de PerthuisBaisse des émissions de gaz à effet de serre en 2023 : une première analyse

Baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2023 : une première analyse

Le rapport du Citepa sur l’année 2023 a révélé une surprise de taille : une forte baisse des GES. Cette tendance est-elle révélatrice d’un changement de paradigme ? Explications avec Christian de Perthuis.

Publié le 04/04/2024

La baisse de 2023 excède la tendance de moyen terme. Amorce-t-elle un changement de tendance ?

Le Citepa a publié la semaine dernière les chiffres d’émission de gaz à effet de serre (GES) du 4ème trimestre 2023 (cf. Illustration 1 : Emissions brutes de gaz à efet de serre. Source : Citepa). Cela fournit une estimation provisoire des émissions annuelles à 385 Mt d’équivalents CO2 en 2023, soit -4,8 % sur 2022.

Comment s’explique cette baisse annuelle ? Nous met-elle sur le bon chemin pour atteindre les objectifs d’atténuation en 2030 ?

Énergie, industrie et bâtiments en forte baisse

En 2023, les secteurs de la production d’énergie, de l’industrie et des bâtiments ont contribué à plus de 80 % à la réduction des émissions. Celui des transports (à l’exclusion des transports internationaux) a également contribué à la baisse, mais dans une moindre mesure. Les chiffres sur l’agriculture et le traitement des déchets sont à considérer avec prudence, le baromètre mensuel du Citepa ne permettant pas un suivi de leurs émissions comparable à celui des autres secteurs (cf. Illustration 2 : Qui a réduit quoi en 2023 ?. Source Citepa).  

En 2023, la demande d’électricité a baissé de 3 %. La production d’électrons décarbonés s’est accrue grâce à la remise en route de réacteurs nucléaires et à l’élargissement des renouvelables. Cet effet de ciseaux a provoqué une chute des émissions de 6,6 Mt d’équivalent CO2. Malgré la hausse des émissions des raffineries, le secteur de la production énergétique a contribué au tiers de la réduction des émissions nationales.

La morosité de la conjoncture industrielle s’est traduite par un recul de la production dans les secteurs les plus émetteurs : 6 et 7 % pour le ciment et l’acier et un peu plus pour la chimie. La baisse estimée des émissions est du même ordre de grandeur. Il faudra plusieurs années pour que les programmes de décarbonation commencent à découpler émissions et production des industries les plus émettrices.

Les émissions résultant de l’usage des bâtiments ont atteint 60 Mt d’équivalents CO2, en baisse de 6 % sur 2022 et de 35 % depuis 2013. Des températures très clémentes durant les deux mois de chauffe les plus importants (janvier et décembre) y ont contribué, ainsi que la hausse des factures. L’accélération du rythme des rénovations thermiques joue également, mais dans une moindre mesure.

Résultats mitigés sur le transport

L’an passé, les émissions générées par les transports domestiques ont reculé de 2,7 Mt d’équivalents CO2. La baisse des émissions du transport routier (3,5 Mt) a été amortie par la reprise de celles de vols aériens. Comptant désormais pour le tiers du total national, les émissions du secteur des transports sont encore au-dessus de leur niveau de 1990 (cf. Illustration 3 : Les émissions du transport. Source Citepa). Clairement, leur réduction va constituer l’un des enjeux majeurs des années qui viennent.

Si on ajoute les transports internationaux, les émissions totales du transport stagnent entre 2022 et 2023 du fait l’augmentation rapide de celles du transport aérien (+27 %). Ces émissions sont bien répertoriées par le Citepa, mais ne sont pas comptabilisées dans le total conformément aux règles en vigueur. Nos engagements climatiques incorporent pourtant une partie de ces émissions internationales (transports internes à l’Union européenne et vers le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège).

L’année 2023 et la réalisation des objectifs de la SNBC

Comme le montre le graphique tiré de la note de présentation du Citepa, le budget carbone couvrant la période 2019-2023, adopté en 2019 dans le cadre de la « Stratégie Nationale Bas Carbone » (SNBC2), sera manifestement atteint en ce qui concerne les émissions brutes. Il faut toutefois apporter deux nuances à ce résultat positif.

- Un article paru dans le Point le rappelait : ce résultat a été atteint après la réévaluation à la hausse du budget carbone par le gouvernement, à la suite du dépassement du premier budget de la SNBC1 ;
- Le baromètre mensuel du Citepa ne donne pas d’information sur l’évolution des puits de carbone, dont l’érosion, depuis 2015, constitue le plus gros dérapage entre les objectifs d’atténuation du réchauffement climatique et les réalisations (cf. Illustration 4 : Emissions annuelles de GES en Mt CO2, hors puits de carbone. Source : Citepa 2024).  

Les plafonds quinquennaux fixés par la SNBC sont des paliers, juridiquement contraignants (cf. condamnation du Gouvernement pour dépassement du plafond de la SNBC1), fixant des feuilles de route pour atteindre les engagements climatiques au titre de l’Accord de Paris pour 2030 et 2050. Le résultat de 2023 nous met-il dans la bonne direction pour 2030 ?

Les obstacles à lever pour respecter les engagements de 2030

Depuis 2005, la France réduit ses émissions brutes de GES à un rythme un peu inférieur à 2 % l’an, ou encore de 8,5 Mt d’équivalent CO2. Si on prolongeait cette tendance, on atteindrait en 2030 des émissions brutes de l’ordre de 340 Mt d’équivalents CO2, soit 70 Mt de trop par rapport à l’objectif dévolu à notre pays dans le cadre de l’objectif européen d’une réduction de 55 % des émissions entre 1990 et 2030 (graphique en tête d’article).

La baisse de 2023 excède cette tendance de moyen terme. Mais l’évolution d’une année ne peut être considérée comme une rupture de tendance. Pour atteindre l’objectif de -55 %, il faudra que nos émissions brutes reculent sur la période 2024-2030 d’au moins 4,8 % par an. Autrement dit, il faudra tenir le rythme de 2023, si celui-ci est confirmé. Cela exigera des efforts supplémentaires, car une partie des réductions de 2023 résultent de circonstances conjoncturelles non reproductibles (températures, production industrielle, rattrapage des tarifs énergétiques…).

Ce n’est pas tout. L’objectif de -55 % concerne les émissions de GES nettes de l’absorption du CO2 par les puits de carbone. Or, la capacité de stockage du puits de carbone forestier diminue depuis une dizaine d’année. Elle évolue à contresens de nos objectifs climatiques. Le baromètre mensuel ne donne pas d’indication sur l’évolution de ce puits de carbone. Il faudra attendre la publication de l’inventaire complet au printemps prochain pour avoir une meilleure compréhension de l’évolution récente de ce puits de carbone, ainsi que des émissions agricoles, l’autre grand bloc des émissions liées au « carbone vivant ».

D’ici là, on peut espérer disposer de la nouvelle version de la SNBC (SNBC3), initialement prévue pour l’été 2023. Les retards de sa publication reflètent sans doute la hauteur des obstacles à franchir sur la route de nos objectifs climatiques.

Christian de Perthuis

Article originellement publié sur le blog de Christian de Perthuis, le 26 mars 2024.

___________________________________

Consulter le rapport du Citepa : ici

Lire l’article paru dans Le Point : ici

Article proposé par : Christian de Perthuis Christian de Perthuis Economiste

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

Crédits photos : Citepa Citepa Citepa, Baromètre mensuel des ém

1 Commentaire

Albatros

Le 05/04/2024 à 11h01

Désindustrialisation et brillante "politique climat"
BRAVO !!! -4,8%. Quel exploit !!!
Réduire de 4,8% 0,7% des émissions mondiales diminue de 0,034% l’augmentation des émissions mondiales de CO2.
Grâce à la France, la concentration atmosphérique de CO2 ne s’est élevée que de 1,9993 ppm au lieu de 2 ppm.
COCORICO !!! Vice la chaire climat ! Quelle contribution héroïque ! Quelle administration exemplaire !!!
...
Combien ça a coûté en terme de déficits budgétaire et commercial, d'endettement.
40 milliards en 2024 sont prévus (sur nos 130 milliards de déficit budgétaire) pour que la France sauve la planète.
Monsieur l'économiste, cher Docteur, un pays ruiné à la population appauvrie est-il vraiment armé pour assurer, sinon la "transition", au moins l'adaptation ?
Vous avez quatre heure...
Ah ! Au fait, de combien la Chine a-t-elle augmenté les siennes (et donc celles du monde) pendant la même période ?

Signaler un contenu inapproprié

Commentez ou posez une question à Christian de Perthuis

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié