Et si la préservation de la biodiversité passait par la rémunération des propriétaires fonciers et des agriculteurs vertueux. Deux dispositions du projet de loi sur la biodiversité prévoient de développer cette piste.
L'idée de rémunérer la préservation des services écosystémiques par les propriétaires fonciers ou les agriculteurs dont les pratiques sont favorables à la conservation de la biodiversité et des milieux naturels prend corps peu à peu. Deux dispositions contenues dans le projet de loi sur la biodiversité examiné en juin dernier par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale vont dans ce sens.
Rémunérer des obligations réelles environnementales
Le projet de loi prévoit la mise en place d'obligations environnementales sur les espaces naturels, agricoles ou forestiers, permettant des actions de préservation de la biodiversité telles que des aménagements arborés ou des bandes enherbées, sans avoir recours à l'acquisition de ces espaces. Le caractère "réél" de ces obligations fait qu'elles seraient attachées à la propriété elle-même, et donc relativement pérennes.
La mise en place de ces obligations reposerait sur des contrats passés entre les propriétaires des espaces concernés et une collectivité publique ou une association ayant une mission de protection de l'environnement. Mais le projet de loi n'évoque pas la rémunération de ces obligations. Aussi, le député UMP Martial Saddier avait-t-il déposé un amendement prévoyant que la rémunération du propriétaire, ou le cas échéant du fermier, devait figurer dans le contrat. "Qu'il s'agisse des particuliers, des agriculteurs ou des collectivités territoriales, le texte impose de nombreuses obligations et se contente d'incantations quant à la rémunération. Ce décalage m'inquiète beaucoup !", avait alerté le parlementaire.
La commission du développement durable a pourtant rejeté l'amendement après avis défavorable de la rapporteure. "L'intention est louable, a estimé Geneviève Gaillard. Cela étant, le Gouvernement accompagnera la création de ce nouvel outil par la publication de documents explicatifs appelant l'attention des parties sur les points sensibles du futur contrat et sur les mentions qui devront y figurer, afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur". "Puisqu'il y a contrat, les deux parties doivent nécessairement s'entendre", avait complété la rapporteure, laissant entendre que l'accord des propriétaires fonciers ou des agriculteurs ne pouvait, en tout état de cause, être obtenu en l'absence de rémunération.
Financer des actions de compensation
Une seconde disposition du projet de loi prévoit que les obligations de compensation écologique d'un maître d'ouvrage puissent être remplies par la passation de contrats par lesquels il finance la réalisation d'actions correspondant à ces obligations sur un terrain appartenant à autrui.
Cette idée n'est pas complètement nouvelle. Les lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire, compenser (ERC), publiées en octobre 2013, prévoient cette hypothèse mais "dans le cadre de sites à vocation forestière". Plusieurs exemples montrent par ailleurs que la compensation écologique par des mesures contractuelles existe déjà mais l'adoption d'une disposition législative permettrait de donner un véritable cadre à cette pratique qui présente l'avantage d'éviter l'acquisition foncière.
Le texte prévoit toutefois qu'à l'issue de la convention, le propriétaire conserve la liberté d'affecter son terrain à un autre usage. Les actions de préservation de la biodiversité prévues dans ce cadre pourraient par conséquent ne pas être pérennes.
Le seul élément financier, garant de la protection ?
Dans une étude publiée en février dernier, la mission Economie de la biodiversité de la Caisse des dépôts et consignation souligne toutefois que l'élément financier ne peut être l'unique critère garant de la participation des acteurs à un projet de "paiement pour préservation des services écosystémiques". "Il paraît donc indispensable de concevoir la rémunération non plus comme une indemnisation de pertes de revenus, mais sous la forme d'un accompagnement technique, financier et institutionnel à l'investissement alternatif", souligne l'étude, qui ajoute que cette approche présente l'avantage de minimiser les effets d'aubaine et les risques de chantage écologique.
De son côté, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui soutient les initiatives de rémunération des agriculteurs dans le cadre de la compensation écologique mais se dit fortement opposée aux "obligations environnementales", estime ne pas avoir besoin de ces outils pour changer les pratiques. "Il est légitime que soit rémunéré le service rendu par les agriculteurs pour le maintien de la biodiversité", explique Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA. La compensation écologique étant perçue comme une double peine par les agriculteurs : la captation du foncier par les aménageurs, d'une part, et le respect d'un cahier des charges sur les territoires faisant l'objet de la compensation, d'autre part. En revanche, l'organisation professionnelle, qui insiste sur sa préférence pour les outils contractuels, ne souhaite pas être pénalisée pas des obligations environnementales de long terme qui, au-delà du propriétaire ou du fermier signataire, pourraient continuer à s'imposer aux propriétaires et aux exploitants futurs.
Laurent Radisson
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Je pense plutôt qu'il faudrait sanctionner par des amendes ceux qui ne respectent pas la biodiversite.
Hérisson | 01 décembre 2014 à 14h34En clair un argument pour donner des subventions à qui ne ferait que respecter les obligations qui devraient normalement lui incomber si le droit de l'environnement de l'UE était effectivement respecté à commencer par l'Etat lui-même... dès l'évaluation environnementale, mais à force de bazar juridique et réglementaire on applique des guides bidons et une réglementation fiction, certe tatillone, mais justement pas efficace et simple. Bah ! Un peu de violences, des préfecture aspergées au lisiers, et tout le monde se couche : l'objectif partagé par tro étant de récupérer le fric de Bruxelles en le faisant circuler le plus possible à l'identique en respectant le moins possible les règles ; et le pollueur payeur ? C'est lui qui financera le vertueux ?
Que disent les articles des lois là dessus :) ?
Aider financièrement à la gestion environnemental serait une bonne chose. Pour ma part j'entretiens un fond de vallée avec des vaches higland cattle depuis 15 ans sur 30 ha environ. malheureusement, économiquement c'est pas rentable, et c'est clair qu'un jour je ne pourrai pas continuer ainsi malgré ma bonne volonté. A cela vienne s'ajouter des mesures de non abreuvement des animaux dans le cours d'eau, ce qui impliquerait la création de 3 km de clôture supplémentaire avec l'entretien qui va avec, c'est démesuré.
Compte tenu de la charge de travail, une indemnité de 500€ par ha serait acceptable, plus les frais d'aménagement complémentaire...
On se rapproche lentement mais sûrement d'un mécanisme qui rappelle le trafic des indulgences.
Jean-Claude Herrenschmidt | 01 décembre 2014 à 17h10Trafic de toutes engences, tout à fait d'accord ; pas de sanction ; un droit inversé cpnçu pour ne pas être appliqué, ni sanctionné et faire circuler autorisations, influences, postes, finances à coup de com, de "y àrien à voir", "la boucle" et s'il le faut de menaces souterraines et de violences ouvertes qui arrangent tout le monde en usant de la vieille ficelle usée de l'exception de trouble à l'ordre public ; l'affaire de Sivens pourrait en être la quintessence et un micro modèle complet qui existerait partout en France ; ce qui promet une méche lente ravageuse avec une image encore plus pitoyable de notre démocratie ;
Je vais faire preuve de très mauvais esprit : et si l'attachement à la relance par injection d'argent était sous tendu d'augmentation du flux et donc de prélèvements divers dessus à l'occasion du trafic d'indulgences ? A ce jour on n'a jamais entendu parler d'un droit clair simplifié efficace et de contrôle et de sanctions de même couplé avec celui de la circulation CONFORME ENVIRONNEMENTALEMENT des flux financiers et de sanctions de même...
Tout ça c'est bien joli !
Mais savez vous que le "Grand Marché Transatlantique" (TAFTA en anglais) que s’apprête à signé l'Europe avec les USA (la commission européenne y travaille activement en ce moment dans une totale obscurité) va annuler, casser, rendre obsolètes toutes les normes environnementales (et sociales) aux profit des multinationales (à 90 % américaines) qui acquériront plus de pouvoir les états et les collectivités locales réunis, grace à ce pacte économique !
(cf collectif anti-TAFTA sur le web)
Tout à fait Olivier B, mais l'arme de contre existe à droit constant ; cherchez SIFEE tribunal international du droit de la mer, affaire 17, diligence, ordre juridique, communauté universelle, à présent et dans les semaines à venir... puis suivez l'un des rares auteurs sur la question...
TIDM | 02 décembre 2014 à 10h13à Jean-Claude Herrenschmidt
"On se rapproche lentement mais sûrement d'un mécanisme qui rappelle le trafic des indulgences."
je craint que vous n ' ayez rien compris à l' objet de cette rémunération des services environnementaux . Prennons l ' exemple d' une pelouses calcicole si l' agriculteur qui l' a dans ses terres n ' a plu d ' élevage, elle va évoluer vers un pré-bois et à terme vers une hetraie . le service environnemental que peut rendre cet agriculteur pour maintenir cette pelouse est soit un entretien mécanique ou manuel (coupe des arbres ou arbustres )soit en se relançant dans l' élevage pour faire paturer les animaux sur ces pelouses et ainsi y éviter le reboisement . Ces actions mérite il me semble un accompagnement financier car ces la société qui en tirera un bénéfice environnemental et pour l' agriculteur cela ne représentera qu ' une charge supplémentaire .
Cette rémunération doit permettre le maintien et l' entretien de certains milieux à haute valeur environnementale qui ne sont aujourd' hui plus entretenus
Rémunérer la vertu, c'est de la prostitution.
Simplement, avant de la rémunérer, il faut définir plus précisément la "vertu" et qu'elle ne se réduise pas à un label mais à des techniques efficaces et productives car un producteur vit en principe du produit de sa production (ou de services évidemment), pas de sa "vertu" réelle ou supposée.
Sinon, on appelait ça des gardes-champêtres ou des cantonniers, nobles professions mais distinctes de celle de cultivateurs ou d'éleveurs.
Albatros se prend pour Jonathan le goeland, mais on est content pour lui : rémunérer le vice, c'est de la vertu !
Le problème est que son oreille interne n'est pas encore habituée aux tonneaux et aux loopings ;
Quant à la prostitution ce n'est pas du vice, c'est un métier ; qui comme l'agriculture devrait pouvoir être exercé de manière saine, transparente, respectée et sans pollution (au singulier :). Or le vice vient justement pas du métier en lui même, mais de l'absence de ces paramêtres.
@ Albatros et Jean-Claude Herrenschmidt
quand il y a des contrats passés avec un agriculteur pour l' entretien de certains milieux à haute valeur environnementale le cout est en général bien maitrisé , par contre quand c ' est une association environnementaliste qui bénéficie de ce type de contrat , bien souvent le cout explose avec parfois des différences allant de 1 à 10 !...
Ou est la vertu , à qui profite le trafic des indulgences ?
Retrouvez le dossier "Biodiversité : les outils de protection en question"
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