
Chef de projet à la mission Economie de la biodiversité Caisse des dépôts et consignations
Actu-Environnement : Quelles ont été les principales réalisations de CDC Biodiversité ?
Vincent Hulin : CDC Biodiversité, filiale privée de la Caisse des dépôts et consignations lancée en février 2008, est le principal opérateur de compensation écologique en France. Elle a lancé une première expérimentation de réserve d'actifs naturels dans la plaine de Crau (Bouches-du-Rhône), à Cossure. Elle met en œuvre la compensation de nombreux projets en France, comme l'autoroute A 65, où il s'agit de compenser plus de 1450 hectares jusqu'en 2066. Elle intervient également pour la mise en œuvre de mesures compensatoires de bâtiments tels que les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)), ou encore en accompagnement technique pour le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF).
AE : Où en est la réflexion sur la rémunération des services écosystémiques ?
V. H. : Il s'agit effectivement d'une autre piste que la compensation écologique. L'objectif de la mission Economie de la biodiversité (MEB) de la Caisse des dépôts, lancée en 2012, est d'explorer les relations entre économie et biodiversité et d'apporter des réponses concrètes à ces questions. Il s'agit de développer des solutions d'avenir qui s'ancrent dans un développement économique à long terme, durable et prenant en compte la limitation des ressources naturelles dans une optique de responsabilité sociale et économique. Le principe de paiement des services écosystémiques réside dans la rémunération contractuelle d'acteurs conditionnellement au maintien ou à la restauration d'un ou plusieurs services écosystémiques préalablement identifiés, comme nous l'avons souligné dans une publication récente.
AE : Est-il possible d'accorder une valeur unifiée aux fonctions des écosystèmes ?
V. H. : Pour nous, la biodiversité ne peut pas fonctionner comme le marché carbone : on ne trouvera pas une évaluation monétaire de la biodiversité. Les paiements des services environnementaux doivent s'attacher à rémunérer les pratiques vertueuses des acteurs, plutôt que les services. En d'autres termes, c'est l'action de l'Homme permettant de faciliter la préservation de services écosystémiques qui a un prix. C'est la seule façon d'y arriver pratiquement, mais aussi d'un point de vue éthique. Il ne faut pas monétariser la nature. Même d'un point de vue économique, cela ne peut pas tenir. Il s'agit de passer d'une vision des paiements des services environnementaux prônée à l'échelle globale, à vocation universelle et plaçant l'efficience économique en tant qu'objectif inaliénable, à une vision territorialisée de l'outil, tournée vers l'action collective, dont la mise en œuvre doit être réalisée en cohérence avec les politiques publiques et le contexte socio-écologique et institutionnel local.
AE : Quels sont les retours d'expérience dans ce domaine ?
V. H. : Un projet de paiement de services environnementaux qui s'inscrit au sein d'un territoire doit appuyer sa construction sur les acteurs et les dispositifs de gouvernance dont la légitimité est socialement acceptée. La connaissance locale du territoire et la mobilisation des savoirs locaux sont des prérequis à la fois pour l'efficacité du mécanisme et l'acceptabilité du projet. Exemple : la mise en relation entre le groupe Nestlé Waters et les agriculteurs locaux pour la protection des sources de Vittel est passée par la création d'une filiale dédiée, Agrivair, stratégiquement située à côté de la ville de Vittel, près des agriculteurs et de leurs organisations professionnelles. Dans la région parisienne, la régie Eau de Paris identifie les territoires avec les nappes phréatiques et encourage les pratiques agricoles vertueuses. Autre exemple, la pollinisation. Un apiculteur qui maintient une population de pollinisateurs pourrait être rémunéré par une collectivité ou une entité privée. Il s'agit du principe bénéficiaire/payeur. Reste à institutionnaliser un opérateur public pour régir ces échanges.
AE : Est-ce que le paiement de services environnementaux peut créer des emplois ?
V. H. : Cela peut effectivement créer une dynamique. Il s'agit d'augmenter le nombre d'initiatives, de débloquer des financements privés, afin de stimuler la généralisation de nouveaux emplois de conservation des services écosystémiques. Le principe du mécanisme réside bien dans la rémunération contractuelle d'acteurs conditionnellement au maintien ou à la restauration d'un ou plusieurs services écosystémiques préalablement identifiés.