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AccueilCarl EnckellBienvenue aux déchets dans le monde des produits

Bienvenue aux déchets dans le monde des produits

Carl Enckell, Avocat au barreau de Paris, fondateur du cabinet Enckell Avocats, revient sur la procédure de sortie de statut de déchet qui entrera en vigueur le 1er octobre 2012.

Publié le 23/07/2012

Depuis la parution du décret du 30 avril 2012, les déchets peuvent officiellement devenir des produits. Ce texte était particulièrement attendu par les professionnels du traitement des déchets. Il contribue à la promotion d'une nouvelle économie des déchets et va permettre à la France de concrétiser la disposition la plus innovante de la directive cadre européenne relative aux Déchets 2008/98/CE du 19 novembre 2008 : la sortie de statut de déchet (« end of waste »).

Les exploitants d'ICPE concernés peuvent d'ores et déjà préparer les dossiers de demande, qui devront répondre aux exigences réglementaires sur le plan environnemental, technique économique et juridique.

Pour autant, la mise en marché de produits issus du recyclage de déchets reste soumise à de fortes obligations en termes de traçabilité ou de qualification.


Le nouveau cadre juridique du recyclage des déchets

Jusqu'à présent, les opérateurs de la filière du recyclage des déchets ne disposaient pas d'un dispositif réglementaire encadrant leurs activités et notamment la responsabilité attachée aux produits issus du recyclage et à leur mise sur le marché.

Ce vide juridique était de nature à superposer les responsabilités des différents acteurs et à priver les recycleurs de la garantie d'un transfert de responsabilité.

Dans ce contexte, l'adoption de la directive cadre européenne n°2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets a marqué une étape déterminante. Très innovateur, ce texte ambitionne de refondre l'économie des déchets en instaurant une «société européenne du recyclage», dans un but de protection de l'environnement et de la santé humaine.

A cet effet, la France a déjà transposé la directive depuis l'ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010 instaurant une hiérarchisation dans la gestion des déchets.

Par la suite, le décret n°2011-828 du 11 juillet 2011 a détaillé, du point de vue réglementaire, les conditions du passage d'une logique d'élimination à une logique de prévention et de gestion des déchets.

Cependant, pour qu'un déchet perde juridiquement cette qualité et puisse devenir un produit, il doit satisfaire à quatre critères fixés par l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010, codifiée à l'article L.541-4-3 du code de l'environnement :

  1. utilisation courante à des fins spécifiques ;
  2. demande pour une telle substance ou réponse à un marché ;
  3. conformité aux exigences techniques et respect de la législation applicable aux produits ;
  4. absence d'effets globaux nocifs pour l'environnement ou la santé humaine.

Ce dernier critère renvoie à la possibilité d'introduire des valeurs limites.

En outre, la sortie du statut de déchet doit faire l'objet d'une procédure et d'une autorisation spécifique. C'est l'objet du décret n°2012-602 du 30 avril 2012.


Le décret du 30 avril 2012 relatif à la sortie de statut de déchet : un texte de procédure

Selon le décret du 30 avril 2012, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2012, les exploitants d'ICPE (L. 511-1 et s. C. Env) ou d'installations dites IOTA1 (L. 214-1 C. Env.) recyclant des déchets peuvent désormais obtenir la reconnaissance du statut de produit pour les matériaux élaborés (article D. 541-12-6 C. Env.).

La transformation d'un déchet en produit pourra être autorisée de différentes manières. Cependant, des interrogations demeurent quant à la coordination des procédures entre elles.

Plusieurs façons de passer du déchet au produit

Comme annoncé aux 11e Assises des déchets à la fin de l'année 2011 puis dans le projet de décret diffusé sur internet par le Ministère chargé de l'environnement en janvier 2012, les modalités d'adoption des critères de sortie de statut de déchet pourront relever de trois autorités distinctes.

Tout d'abord, le texte rappelle que des critères spécifiques de sortie de statut de déchet peuvent être définis au niveau de l'Union européenne (article 6 paragraphe 2 de la directive cadre 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets).

C'est le cas d'un premier règlement pris le 31 mars 2001 pour certains métaux (ferrailles, acier, aluminium). D'autres règlements européens sont actuellement à l'étude sur le cuivre, le papier, le verre et les composts notamment. En revanche, si aucun critère n'est défini au niveau communautaire, ceux-ci pourront être fixés au niveau des Etats membres.

Au niveau national, l'initiative de la demande de sortie de statut de déchet est réservée aux exploitants d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE de l'article L. 511-1 du Code de l'environnement) ainsi qu'aux exploitants d'ouvrages entraînant des prélèvements ou une atteinte à la ressource en eau (installations dites IOTA de l'article L. 214-1 du Code de l'environnement) et à leurs mandataires.

La demande de sortie de statut de déchet doit être adressée à l'autorité compétente, à savoir :

  • le Préfet de Département dans le cas d'une installation de valorisation spécifique,  (après avis du Ministère chargé de l'environnement) ou ;
  • le Ministre chargé de l'environnement, pour les « types » de déchet en général, après avis de la Commission Consultative sur le statut de déchet.

Le demandeur doit fournir à l'autorité compétente un dossier démontrant sur le plan technique et juridique que le déchet remplit les conditions de sortie de statut de déchet.

En retour, l'autorité compétente peut exiger, aux frais du demandeur, une analyse critique d'éléments du dossier par un organisme expert extérieur choisi d'un commun accord. Ce mécanisme est déjà éprouvé pour les ICPE de type SEVESO.

L'autorisation pourra être accordée pour une durée déterminée.

En outre, pour chaque lot de substances ou objets qui cesseront d'être un déchet, l'exploitant devra fournir une attestation de conformité, à conserver pendant au moins cinq ans (le projet de décret prévoyait 3 ans).

De même, les exploitants seront tenus d'appliquer un système de gestion de qualité couvrant le processus de contrôle des critères de sortie de statut de déchet. Ce mécanisme doit permettre le cas échéant de rechercher la responsabilité du producteur du produit.

Deux arrêtés ministériels doivent cependant encore être adoptés pour permettre une mise en œuvre complète du dispositif: l'arrêté fixant le contenu du dossier de demande et celui fixant les principes du système de gestion de la qualité.

Coordination des procédures

On peut observer que le décret n'aborde pas de manière pratique la question de la coordination des procédures européennes et nationales.

Il n'est notamment pas prévu à partir de quand une procédure européenne de sortie de statut de déchet entraînera le dessaisissement des autorités nationales (ministre) ou locales (préfet). La simple demande d'un Etat membre sera-t-elle suffisante ? Quels moyens d'informations sont mis à la disposition des opérateurs et du public ? Il en va de même au niveau national entre les autorités centrales et locales.

Commission consultative

Outre cette procédure, le décret du 30 avril 2012 prévoit la création d'une Commission Consultative sur le statut de déchet, chargée d'assister le Ministre de l'Environnement et de donner son avis dans tous les cas où la loi et les règlements l'exigent.

Celle-ci rendra compte annuellement de son activité en séance plénière du Conseil National des Déchets. La Commission sera composée de 20 membres.


Les ultimes textes à paraître : contenu du dossier de demande et système de gestion de qualité ISO 9001

Le 5 juillet 2012 dernier s'est achevée la consultation engagée par le ministère du Développement durable sur les derniers textes nécessaires à la mise en œuvre du dispositif :

a. Le projet d'arrêté relatif au contenu de la demande de sortie de statut de déchet
b. Le projet d'arrêté relatif aux principes du système de gestion de la qualité

Une fois ces textes adoptés, le dispositif sera complet et pourra entrer en vigueur à partir du 1er octobre 2012.

a. L'arrêté relatif au contenu de la demande de sortie de statut de déchet permettra aux exploitants de connaître la liste des informations de nature à établir que le déchet, pour l'opération de valorisation envisagée, satisfait aux conditions de la sortie de statut de déchet (article D. 541-12-7 du code de l'environnement). Ces informations sont les suivantes :

  • Identification de l'installation (classement ICPE)
  • Identification du déchet et caractérisation du déchet
  • Description de l'opération de valorisation
  • Utilisation du déchet/ produit et étude de marché
  • Réglementations associées au déchet/produit et exigences techniques

b. L'arrêté relatif aux principes du système de gestion de la qualité pour la procédure de sortie de statut de déchet prévoit que l'exploitant de l'ICPE réponde aux exigences de la norme NF EN ISO 9001.


La traçabilité des produits issus des déchets recyclés

Nonobstant le progrès notable que représente la publication du décret du 20 avril 2012, toutes les barrières administratives n'ont pas été levées.

En effet, alors que la France reconnaît désormais officiellement la possibilité concrète de passer du déchet au produit, des textes contraignants continuent de réglementer l'activité des recycleurs. Plutôt que d'avoir été libérés du poids de la responsabilité du producteur des déchets, ces derniers sont  soumis à de fortes obligations en termes de traçabilité ou de qualification.

Ainsi, plusieurs récents arrêtés, du fait de leur terminologie, entretiennent une certaine confusion entre les déchets et les produits issus du recyclage.

Les exploitants d'installations de recyclage des déchets inertes doivent être en mesure de  tracer le déchet depuis sa source jusqu'au consommateur du produit issu de l'opération de recyclage, ce qui semble matériellement très difficile à réaliser.

Au contraire, du fait de l'ultime opération de recyclage, le déchet change d'identité juridique. Le risque est celui du chevauchement de la législation propre aux déchets avec celle propre aux produits.

En définitive, la définition de la procédure à suivre pour obtenir le statut de produit à partir de déchets recyclés contribue de manière significative à la consolidation et à la croissance du marché du recyclage et du modèle d'une économie circulaire (par opposition avec l'économie linéaire).

Cependant, en cumulant les obligations mises à la charge des recycleurs dans différents arrêtés-types, le Ministère chargé de l'Environnement soulève la question de l'applicabilité pratique du dispositif et, plus généralement, de l'assimilation des principes essentiels de la société du recyclage.

Avis d'expert proposé par Carl Enckell, avocat au barreau de Paris spécialisé en droit de l'environnement

1 Installations, ouvrages, travaux et activités

Article proposé par : Carl Enckell Carl Enckell Avocat

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3 Commentaires

Duport Claude

Le 23/07/2012 à 15h16

Si le cas des déchets trés spécifiques comme les déchets de métaux ou le verre ne posent pas trop de problêmes pour passer à un status de produits, il n'en est pas de mêmes pour les déchets complexes. Car si un déchet veut devenir un produit il devient soumis à la réglementation REACH. Le cas vient d'être soulevé pour les mâchefers d'incinération ou l'ECHA considére que REACH est applicable. Pour le moment le status de déchet peut exonérer certains d'entre eux de cette obligation qui deviendra incontournable dans le cas de demande de changement de status.

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Albatros

Le 21/08/2012 à 15h31

Et qu'en est-il pour les cendres de combustion de combustibles solides (dont charbon, biomasse...)?
Merci de l'information.

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GRC

Le 23/08/2012 à 10h21

Quid du satut des terres polluées, dangereuses et non dangereuses ?

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